Dans la soirée du 21 avril 2015, nous avons été saisis pour une affaire de « délocalisation » dans le village de Zinigma situé à une vingtaine de kilomètres de Kongoussi dans le Bam, la région du Centre-nord où s’effectue une exploitation artisanale de l’or. Afin de vérifier les faits, une équipe du journal a été dépêchée sur les lieux, le mardi 22 avril 2015, en vue de rencontrer les différents protagonistes imprégnés du sujet pour mieux éclairer l’opinion publique.
Présente au Burkina Faso depuis 1993, High River Gold est une compagnie d’exploration et de recherche. Elle travaille en collaboration avec des sociétés minières telles Nord gold, Bissa gold, Taparko et bien d’autres sociétés minières. Dans le cadre de ses activités, la compagnie High River gold, ayant acquis un permis d’exploration, a diligenté une étude, dans le village de Zinigma en 2012. Au terme de ses recherches, il s’est avéré l’existence d’un gisement d’or exploitable dans le village. De ce fait, la compagnie a décidé d’initier une étude de faisabilité d’un projet d’exploitation du site. Mais à cette étape, il a manqué de communication entre les parties, faisant croire à une « délocalisation » des habitants du village de Zinigma. Dans la dynamique de faire plus de lumière sur la question, l’équipe a rencontré le Directeur de l’exploration de la compagnie High River Gold, John Learn, qui a diligenté les études sur le site de Zinigma. Celui-ci n’y a pas trouvé d’inconvénient en se mettant entièrement à notre disposition pour de plus amples éclaircissements. A son avis, il s’agirait probablement d’une incompréhension du mot « délocalisation » et « relocalisation » entre les habitants du village et l’équipe chargée des études de faisabilité. « Je ne sais pas s’il y a manque de communication ou une communication mal interprétée, mais il n’y a pas délocalisation. Par contre il y a une possibilité de relocalisation, qui est d’ailleurs prévue par les textes », a-t-il témoigné. Pour aller plus loin dans son argumentation, il ajoute que : «Lorsqu’il faut faire une installation d’une mine, il y a des impacts négatifs ou positifs sur l’environnement, les populations, qu’il faille déceler à l’avance. Je suis vraiment désolé que quelqu’un ait compris, par ces actions de recherche, une «délocalisation » de la population ». En effet, John Learn, dans le souci de redonner du souffle à la population, a rassuré que personne ne sera victime de délocalisation, mais plutôt de relocalisation de certaines personnes, si le gisement d’or s’avère rentable. A l’en croire, les études de faisabilité sont toujours en cours d’exécution et sont susceptibles de prendre fin bientôt. En outre, il précise qu’aucune construction de mine et de relocalisation n’est possible sans l’accord des différentes parties prenantes.
« La relocalisation concerne tous ceux qui sont dans le rayon de la mine »
Au cours des échanges avec le Directeur de l’exploitation de la Compagnie High River Gold, il est ressorti que le rayon d’extension de la mine par rapport au cœur gisement s’étend entre 500 et 700 mètres à la ronde. « Tous ceux qui se trouvent dans ce rayon, seront relocalisés. Par contre, ceux, qui sont à 1 km et plus, n’ont rien à craindre. Quant au village de Zinigma en question, je ne pense pas qu’il soit dans le rayon mais certaines de leurs maisons », relate-t-il. De façon détaillée, le Directeur a relevé que ces relocalisations ne sont pas faites aux frais de la population ni du gouvernement, mais que toutes ces charges incombent à la compagnie minière. De prime abord, le premier responsable de la compagnie a saisi l’opportunité pour faire un zoom sur le processus des travaux qui sont en train d’être menés sur le terrain notamment à Zinigma et environnants. « Les travaux ont commencé vers 2004 dans le village de Zinigma jusqu’à nos jours. Les gens du village nous ont vus avec nos machines de sondages et ils savent qui nous sommes. Beaucoup d’entre eux ont été embauchés pendant les travaux ce qui a abouti, de nos jours, à un gisement que nous considérons potentiellement exploitable », a révélé John Learn. Par la même occasion, il appuie ses propos en prenant pour témoin le code minier : « Si nous voulons exploiter un site minier, il faut avoir un permis d’exploitation. Or, à notre niveau, nous n’avons qu’un permis d’exploration ou de recherche ». Dans la foulée, il a ajouté : « Si nous voulons convertir notre découverte en un permis d’exploitation, nous devons, avec un délai, soumettre une demande de permis d’exploitation accompagné d’une étude de faisabilité, d’impact environnement et social et un plan de relocalisation s’il y a déjà des personnes sur le site. Le gouvernement va étudier et si tout est convainquant, alors, il nous octroie le permis d’exploitation ». Parlant des études proprement dites, John Learn a soutenu qu’il s’agit d’une étude de faisabilité qui consiste à faire des forages, des échantillonnages, d’évaluation du potentiel aurifère. « Après ces aspects, les consultants viennent vérifier les résultats et évaluent le coût des investissements qui seront fais, sur le site », a-t-il dit. En ce qui concerne l’étude d’impact environnemental, John Learn a souligné qu’elle porte sur l’identification des facteurs climatiques dans l’optique de prévoir les risques de pollution possible au cours des travaux. « Les consultants procèdent à un recensement des populations qui sont dans le rayon, leurs champs, leurs biens. Ensuite, la compagnie les accompagne même s’il faille chercher des champs pour cultiver à certains habitants », déclare le Directeur à l’exploration de la compagnie. A l’entendre, tout ce processus vise l’acquisition d’un permis d’exploitation et le démarrage effectif qui est susceptible d’atteindre quatre ans. «Notre étude de faisabilité n’est complète que si la balance pèse plus sur les retombées positives avec une bonne marge que sur le volet négatif. Personne n’aimerait investir une forte somme pour en récolter peu », affirme-t-il. Pour ce faire, la compagnie d’exploration High River Gold travaille en collaboration avec le ministère de l’Environnement, celui des Mines et des Carrières et le ministère de la Culture.
Le démenti du préfet de la commune de Kongoussi sur la délocalisation du village de Zinigma
Le préfet de la commune de Kongoussi, Idrissa Gamsonré, dit n’être pas informé ni disposé d’une note faisant état d’une quelconque « délocalisation » du village de Zinigma. Par ailleurs, il vient confirmer la thèse de la compagnie d’exploration et de recherche High River Gold à travers une correspondance qui lui a été adressée et qu’il n’a pas hésité à nous la faire lire, laquelle correspondance atteste le respect des normes dans l’exécution de la mission. Ainsi, nous avons pu lire : « Par la présente, nous avons l’honneur et le plaisir de vous informer que suite à ses travaux de recherche dans le village de Zinigma et après l’étude de préfaisabilité environnementale menée en 2012, High River Gold Exploration Burkina Sarl est aujourd’hui à une étape d’étude de faisabilité d’un projet d’exploitation minière à Zinigma, dans laquelle s’inscrit une Etude d’évaluation environnementale et sociale (EIES). Cette étude d’impact environnementale et sociale concernera le village de Zinigma et ses environs. Elle aura pour objectif de relever l’ensemble des impacts possibles du projet sur l’environnement dans le seul but de proposer un plan de gestion environnementale et sociale conséquent. Cette étude sera également accompagnée de l’élaboration d’un Plan d’actions de réinstallation (PAR) ». Pendant l’entretien, le préfet de la commune de Kongoussi nous a informés qu’aux premières heures des échanges, des villageois et du bureau accrédité aux études, les villageois sont passés et lui ont signifié qu’il parait que tout le village sera « délocalisé ». Face à ces préoccupations, Idrissa Gamsonré déclare avoir réagi, en les assurant que pour l’instant, ce n’est qu’une étude qui se mène sur le terrain et que rien ne s’effectuera sans leur avis. A la question de savoir si toutefois les études aboutissaient à des résultats probants et que la décision de délocalisation venait à être effective sans le consentement des villageois, quelle serait son attitude ? En réponse à cette question, le Préfet réplique en mentionnant qu’il constitue un représentant de l’Etat auprès des populations. «Si au plus haut niveau, on délivre un permis en bonne et due forme, si les textes sont respectés, nous ne pouvons qu’exécuter. Mais, rien ne se fera sans le consentement des villageois. Il y a des projets similaires et on concerte toujours les acteurs », relance-t-il. Par conséquent, il a salué la démarche de la délégation de la Compagnie High River Gold, qui n’a cessé, à chaque fois, de passer signaler sa présence dans la localité. « Je pense que c’est juste une rumeur, car l’étude peut s’avérer sans intérêt et ils vont abandonner pour explorer un autre site. Toujours est-il que, nous restons disponible au dialogue jusqu’à ce qu’il y ait un terrain d’entente », a formulé Idrissa Gamsonré.
« Si cela ne tient qu’à nous, nous ne voulons pas quitter nos sites »
A notre arrivée sur le site de Zinigma, c’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous avons été accueillis. Une fois le décor planté, c’est à l’unanimité que les populations ont exprimé leur désir de rester sur le site. « Si ce n’est pas parce que nous n’avons pas le choix face au gouvernement, vraiment nous ne voulons pas quitter nos anciens logis pour d’autres », a émis le chef du village. Drissa Sana dit « Kayéla », résident du village de Zinigma de renchérir en évoquant la question des tombeaux qu’ils ne souhaiteraient pas abandonner au profit de l’or. «C’est sur cette question de délocalisation que nous sommes réunis depuis le matin. Ils sont venus, ils ont tout délimité, dénombré nos arbres, on ne nous a rien dit. A cause des tombes de nos aïeux, même si on construit des étages pour nous et on nous dit de rejoindre, sincèrement cela ne nous plait pas, malgré que nous voulons de belles maisons, vivre dans de bonnes conditions », a-t-il réagi. Pour certains d’entre eux, l’inquiétude se situe au niveau de l’emploi des jeunes du village, une fois que le site venait à être occupé. En revanche, ceux-ci souhaitent être pris en compte dans le processus de recrutement des employés dans le but de leur permettre de subvenir à leurs besoins quotidiens. « Ce que nous voulons, que le gouvernement réfléchisse sur comment il pourra aider les populations à aller de l’avant. Qu’il ne nous abandonne pas après les délocalisations, qu’il puisse nous trouver du travail, car c’est grâce à ce site aurifère que nous arrivons à payer les études de nos enfants, à nous soigner », clame Oumarou Gnata. Et Noufou Sana de dénoncer avec véhémence l’application de la force pour leur relocalisation. « Si nous refusons de partir, ce qui va nous arriver peut s’avérer pire sinon, le fait de quitter nos sites cela ne nous convient pas, car c’est un vieux village », a dit Noufou Sana. Relativement au processus d’aboutissement à la relocalisation, l’équipe a pu rencontrer le directeur des Mines, Emmanuel Yaméogo au niveau de la Direction générale des Mines, des Carrières et de l’Energie.
« Pour relocaliser une population surtout en matière d’exploitation de site minier, il y a des procédures à suivre »
A l’introduction du sujet, le Directeur des Mines a levé toute équivoque en nous renseignant qu’en matière de relocalisation sur les sites miniers, il y a des procédures qui sont décrites dans une étude d’impact environnementale et sociale initiée par le promoteur du projet. Dans l’optique de donner plus amples informations sur les « Pour le cas précis d’un site minier, c’est le promoteur du projet qui commet un bureau d’étude de son choix qui est d’abord le terme de référence d’étude d’impact environnemental et social validé par un service du ministère de l’Environnement et des Ressources halieutiques. Une fois le terme de référence validé, le bureau peut aller faire ces études sur le terrain. Après cela, il y a un rapport d’étude d’impact environnementale et sociale qui est déposé au niveau du ministère en charge de l’Environnement qui l’apprécie et convoque une enquête publique. Cette enquête va se réaliser dans la zone du projet en commençant par la région, les provinces et villages touchés. De là, le ministre de l’Environnement prend un arrêté nommant un enquêteur dans lequel nous sommes associé en désignant un représentant des Mines. Cette prospection est conduite au niveau du terrain par le Préfet et le maire, qui sont chargés d’expliquer le projet et ses impacts dans les villages où l’équipe doit passer et expliquer comment on remédie à ces impacts. Une fois les biens matériels ou immatériels touchés par la mise en œuvre du projet définis, les modalités de compensation sont également déterminé dans un Plan d’actions de réinstallation (PAR). Au terme de ce sondage, un rapport est fait et retournée au niveau du Bureau national d’évaluation environnementale (BNEE) au ministère de l’Environnement qui convoque, à son tour, les parties prenantes à une session appelée comité technique de validation environnementale. Si cela venait à être validé, le ministre de l’Environnement prend un arrêté de faisabilité environnementale. Tous ces documents sont joints avec l’outil de faisabilité technique ainsi que d’autres documents et la direction en charge des Mines convoque la commission nationale des Mines qui statue et donne son avis. Si l’avis est favorable, nous envoyons un rapport en Conseil des ministre, qui est la seule instance habilitée à délivrer un permis d’exploitation par décret ». En ce qui concerne le cas de Zinigma, le directeur Yaméogo affirme que pour l’instant la direction n’a pas reçu une étude de faisabilité ni une étude d’impact environnemental et social. Et, pour lui, afin que la relocalisation soit possible, il faut obligatoirement effectuer une étude d’impact environnemental et social assortie du plan d’actions de réinstallation validé et qui prévoit à l’avance le site sur lequel les populations seront affectées. « Nul ne peut relocaliser une population sans le respect de ces étapes qui prédéfinissent les modalités de compensation, les sites de relogement, les champs et autres. Pour le cas précis de Zinigma, la compagnie n’a qu’un permis d’exploration et la loi l’autorise à faire même des extensions», conclut le Directeur des Mines, Emmanuel Yaméogo 1
Par Lawakila Rodrigue KABARI
(Stagiaire)