Le « lead vocal » du groupe mondial Magic Systèm, A’Salfo, a été le parrain de la célébration des 10 ans de carrière de l’artiste-musicien burkinabè, Alif Naaba, qui s’est déroulé les 17 avril dernier à Ouagadougou et 18 avril à Bobo-Dioulasso. Présent à Ouagadougou pour cette occasion donc, l’artiste a bien voulu accorder une interview au journal « Le Pays » comme il le fait à chacun de ses passages au Burkina. Un entretien qui a porté sur la 8e édition du Festival des musiques urbaines d’Anoumambo (FEMUA), qui se déroulera du 21 au 26 avril 2015, des 10 ans de carrière de Alif Naaba et de la situation socio-politique du Burkina Faso. Sur ce dernier point, A’Salfo a invité les Burkinabè à faire preuve de maturité pour conduire la transition à bon port.
Le Pays : Nous sommes à quelques jours de l’ouverture de la 8e édition du Festival des musiques urbaines d’Anoumambo ; quel est l’état actuel des préparatifs ?
A’Salfo : A l’heure actuelle, tout est mis en place et nous attendons les différentes délégations qui vont commencer à arriver dimanche. Nous sommes prêts pour cette 8e édition qui promet une fête grandiose pour tous les festivaliers.
Comment expliquez-vous le choix du thème de cette année
Nous avons choisi pour thème cette année « Intégration et rapprochement des peuples ». C’est un thème qui s’adapte à l’atmosphère actuelle du continent. Comme vous le savez, beaucoup de pays iront à des élections cette année. Et comme on le sait, en Afrique, les élections sont sources de tensions et souvent de conflits. C’est pour éviter que les élections ne soient entachées de tensions et de conflits que nous avons décidé de nous y pencher à la présente édition du FEMUA. C’est la contribution du festival à sa manière pour des élections apaisées partout en Afrique. D’ailleurs, c’est pour cette raison que nous avons pris pour parrain le président de la CEDEAO pour pouvoir marquer cette envie de voir des africains unis dans la cohésion.
Au niveau des artistes invités cette année, on retrouve Smarty du Burkina, pourquoi lui ?
Nous avons décidé d’inviter Smarty au FEMUA 8, parce qu’il a été le lauréat du prix découverte RFI. Lorsque quelqu’un a été élu par une radio francophone comme RFI, ça veut dire qu’il a du talent et il faut continuer à lui tendre la main. On s’est dit que le FEMUA pourra constituer une aubaine pour lui dans sa carrière, même s’il s’était produit avec le groupe Yéleen. J’invite la communauté burkinabè vivant en Côte d’Ivoire à sortir massivement pour venir vivre son spectacle. Avec son talent, je suis sûr qu’il va faire le show au maximum. En plus de lui, nous avons une programmation de 13 artistes venant de plusieurs horizons.
Concrètement le FEMUA 8 va se dérouler dans combien de villes ?
Le festival aura lieu, comme les éditions précédentes, dans la commune d’Anoumambo. La commune de Koumassi va accueillir le concert de clôture et celle du Plateau la cérémonie d’ouverture.
Après 8 éditions, quel bilan peux-tu dresser du FEMUA ?
On ne peut pas être dans une position où on s’autocritique. Il appartient aux populations de dire ce que le festival leur apporte. En tant qu’organisateurs, nous sommes déjà satisfaits d’avoir réussi le pari de l’organisation de 8 éditions. Ce que je peux vous dire est que le FEMUA a déjà acquis une notoriété, et nous allons nous y atteler pour qu’il soit plus connu comme les grands autres festivals du monde. En plus de la notoriété, je peux dire que nous avons acquis une grande expérience dans l’organisation des évènements, parce qu’en 8 éditions nous avons appris beaucoup de choses.
Vous étiez le parrain de la célébration des 10 ans de carrière de Alif Naaba ; comment avez-vous vécu le spectacle à la Maison du peuple le 17 avril dernier ?
Déjà cela a été un honneur pour moi d’avoir été choisi par Alif Naaba pour parrainer son concert de 10 ans de carrière. Alif Naaba est un artiste qui, depuis le début de sa carrière, a toujours apporté un plus dans la musique, a toujours su rester constant. Vous savez, dans la musique, une chose est de faire un album, de rencontrer le succès, et une autre est de rester constant avec son public. Alif Naaba a su allier ces deux choses-là. Donc, parrainer un tel artiste est un réel plaisir. Le concert qu’il a donné à la Maison du peuple le 17 avril n’a fait que confirmer le bien qu’on pense de lui. Il était en parfaite communion avec le public qui a chanté et dansé avec lui. C’est ça qui fait le bonheur d’un artiste. Alif Naaba est un artiste que nous aimons bien.
En plein concert, vous êtes monté sur le podium, chanter avec l’artiste après avoir adressé un message aux dirigeants africains de soutenir la musique. Avez-vous l’impression que tel n’est pas le cas ?
Oui, j’ai l’impression que la musique est un peu orpheline. On ne lui donne pas les mêmes avantages qu’on donne par exemple au cinéma et à l’artisanat, alors que la musique contribue aussi au développement d’un pays. Au-delà du message que les musiciens peuvent lancer, la musique peut être un vecteur fédérateur. Les dirigeants africains, particulièrement burkinabè, doivent investir dans la musique pour permettre aux artistes d’évoluer dans le confort. Je pense que c’est une politique qui doit être adoptée par tous les dirigeants du monde. Pour un peu faire bouger les lignes, il y a une table ronde qui a été créée au FEMUA qui va réunir un comité interministériel pour réfléchir sur le thème « Intégration et marché de la musique en Afrique ». A l’issue des travaux, des stratégies seront dégagées pour aider tous les musiciens à évoluer. J’ai eu à dire au ministre de la Culture et du tourisme burkinabè, qui était présent au concert de Alif, que cette fois-ci je suis venu juste pour 24h, mais à ma prochaine venue, je viendrai le rencontrer pour voir comment je pourrais entrer en contact avec des experts afin de mettre des idées et des stratégies qui pourront faire avancer la musique au Burkina Faso.
Comment se porte la carrière des Magiciens ?
La carrière de Magic Systèm se porte bien. Nous sommes présents avec nos nombreuses missions. Nous sommes actuellement en train de boucler un album dans lequel nous reprenons tous les tubes qui ont marqué la musique africaine. Il y a, entre autres, les tubes d’Alpha Blondy, de Papa Wemba, de Ismael Lo, de Césaria Evora. C’est pour nous une manière de rendre hommage à l’ancienne génération et de donner des enseignements à la nouvelle et à celles à venir. La sortie de l’album est prévue pour le mois de juin.
Vous avez fait un clin d’œil au Burkina dans votre dernier album à travers le titre « Nèda » chanté en mooré. Est-ce une sorte de reconnaissance envers les hommes du pays des Hommes intègres ?
C’est un défi que j’avais lancé à mon père en lui disant qu’un jour je ferai l’effort d’introduire quelques mots mooré dans mes chansons. Donc c’est ce défi que je viens de relever. Je l’avais déjà fait avec le titre « Abou » mais comme le mooré est une belle langue, je ne peux pas m’empêcher de placer les deux ou trois mots que je comprends dans nos chansons. Aujourd’hui c’est la planète entière qui chante « Nèda » et cela nous procure énormément de plaisir. En Côte d’Ivoire, les Bété, les Baoulé, les Dioula, chantent « Nèda » et nous en sommes fiers.
Comment avez-vous vécu les évènements des 30 et 31 octobre au Burkina Faso ?
C’est vrai que nous étions loin mais nous avons suivi de bout en bout ce qui s’est passé au Burkina par la magie du net et des médias. Nous sommes contents du dénouement de la situation parce que l’insurrection s’est déroulée sans une grande perte en vie humaine. C’est en cela qu’il faut féliciter les deux parties. C’est vrai qu’il y a eu la victoire du peuple qui a manifesté démocratiquement dans la rue et qui a obtenu ce qu’il voulait, mais il faut aussi saluer la compréhension du régime qui était en place et qui est parti sans une grande résistance pour éviter qu’il y ait une effusion de sang. Ce sont des exemples à suivre. Bravo au Burkina qui est un petit pays africain, mais qui a donné une grande leçon de démocratie à tout le monde entier.
Aujourd’hui les organes de la transition sont dans une position un peu inconfortable avec les récentes grèves observées et le vote du nouveau code électoral. Quel message avez-vous à adresser au peuple burkinabè pour que la transition soit conduite sereinement à bon port ?
Je demande au peuple burkinabè de tout faire pour éviter ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire. Il a réussi à éviter le pire durant l’insurrection, et je l’encourage à se soutenir, à rester mobilisé, à faire preuve de tolérance, de maturité et de compréhension, pour que les autorités de la transition puissent organiser des élections apaisées. Je demande aux politiciens d’essayer de rassurer le peuple à travers leurs discours, de privilégier l’intérêt national pour que le processus démocratique entamé soit mené à terme.
Pour terminer, je voudrais remercier le journal « Le Pays » qui, à chaque fois que je viens au Burkina, me permet de m’exprimer. Je suis une fois de plus content de m’adresser au Burkinabè à travers ce canal. J’attends tous les Burkinabè à Anoumambo pour le FEMUA, parce que le show sera au rendez-vous. Le Burkina est représenté cette année par Smarty qui, j’en suis sûr, fera bouger les festivaliers par son immense talent. Rendez-vous du 21 au 26 avril 2015 à Anoumambo.
Propos recueillis par Yannick SANKARA