Face aux drames successifs et répétés de naufragés africains dans la Méditerranée, la communauté européenne s’est mobilisée pour organiser les secours et rechercher des solutions. Pour rappel, en 2014, ils sont 3200 Africains à avoir payé de leur vie, leur volonté de braver l’océan dans des embarcations de fortune, pour rejoindre l’Occident. Pour autant, cela n’a pas découragé des milliers d’autres de tenter la traversée dans les mêmes conditions. Au premier trimestre de 2015, ils sont 1153 à être restés au fond de l’océan, dont les derniers en date sont ceux de l’hécatombe du dimanche 19 avril dernier. Compte tenu de l’urgence, une réunion au sommet de l’Union européenne est prévue le 23 avril 2015 pour se pencher sur la question, afin de prendre des mesures et prévenir de nouvelles tragédies. Pendant ce temps, la réaction de l’Union africaine (UA) se fait toujours attendre. A vrai dire, ce silence assourdissant de l’institution panafricaine face à un drame qui la concerne au premier chef, commence à être gênant, surtout face à la mobilisation des Occidentaux. C’est pourquoi la sortie du président congolais, Denis Sassou N’Guesso, qui estime que le silence n’est plus acceptable dans cette affaire, ne peut passer inaperçue. Denis Sassou N’Guesso a le mérite d’essayer de réveiller ses pairs africains par rapport à un problème crucial de l’heure, en appelant à un sommet de l’UA pour se pencher sur la question. Du reste, l’on se demande pourquoi la présidente de l’UA elle-même, Dlamini Zuma, ou même son président en exercice, Robert Mugabe, n’y ont pas pensé.
Quoi qu’il en soit, il est heureux de constater que les princes régnants du continent commencent à porter un intérêt à la question. Faut-il pour autant s’attendre à ce que les lignes bougent ? En tout cas l’on attend de voir, surtout que pour moins que cela, l’institution panafricaine s’était empressée d’organiser un sommet extraordinaire pour clouer la Cour pénale internationale (CPI) au pilori, estimant qu’elle sévissait trop contre certains de ses membres. Et si elle veut être prise au sérieux, une telle réunion devrait se tenir dans les meilleurs délais, à l’image de l’UE qui a eu une réaction immédiate, car il est bien connu l’adage selon lequel, « il faut battre le fer quand il est chaud ».
La jeunesse africaine devrait cesser de trop rêver
Un tel sommet aurait l’avantage de dégager des pistes de solutions qui pourraient venir en appoint aux mesures européennes, toutes choses qui pourraient contribuer à mieux appréhender le problème dans sa globalité. Car, quoi qu’on dise, l’Europe ne peut pas se montrer plus généreuse et altruiste au-delà d’un certain seuil, compte tenu de ses propres problèmes domestiques, dont la lancinante question du chômage et la montée en flèche du nationalisme dans certains pays. Dans un tel contexte, il ne faut pas se bercer d’illusions et croire que l’Europe lèvera tout bonnement ses barrières.
C’est pourquoi il serait intéressant de connaître le diagnostic que feraient les dirigeants du continent sur la question. Au-delà de la question de la déliquescence de la Libye devenue une passoire pour les candidats à l’émigration, auront-ils le courage de se regarder dans la glace, et de reconnaître leur part de responsabilité dans la survenue de ces drames, eu égard à l’échec de leur politique en matière d’emploi ? Accepteront-ils de battre leur coulpe du fait de la mal gouvernance économique, mais aussi politique qui sévissent sur le continent ? Ou alors se réfugieront-ils derrière le confort de la fuite en avant en invoquant des raisons qui ne les mettent pas en délicatesse avec leur conscience ?
Quoi qu’il en soit, même si Sassou est loin d’être un démocrate, son initiative, pour inédite qu’elle soit, n’en demeure pas moins louable et a de quoi redorer quelque peu son blason, au moment où certains de ses pairs, qui ont pourtant été plus durement frappés par la perte de leurs compatriotes dans ces tragédies, se réfugient derrière un silence incompréhensible.
A leur décharge, les dirigeants africains ne sauraient, à eux seuls, porter l’entièreté de la responsabilité de ces tragédies. L’Europe a aussi la sienne. Mais la jeunesse africaine, de son côté, devrait cesser de trop rêver, et être plutôt plus créative. Car, dans certains cas, les sommes englouties dans ces expéditions sans lendemain, suffisent largement à mettre sur pied des activités productrices de revenus voire pourvoyeuses d’emplois dans leur pays d’origine. C’est une question de vision et d’encadrement. Et c’est dans une synergie d’actions que l’Europe et l’Afrique parviendront à trouver une solution au fléau.
Outélé KEITA