Nous avons reçu la réaction suivante du Syndicat burkinabè des magistrats (SBM) à la suite de la conférence de presse animée par le commandant de la compagnie de gendarmerie du Kadiogo le 14 avril 2014. En effet, le SBM demande au procureur du Faso d’animer à son tour une conférence de presse afin de situer les responsabilités dans la prétendue libération des « brouilleurs » pour que la loi puisse s’appliquer dans toute sa rigueur.
Le Syndicat burkinabè des magistrats a suivi avec beaucoup de stupeur les différentes déclarations faites par le capitaine Paré Issa, commandant la compagnie de gendarmerie du Kadiogo, à l’occasion de la conférence de presse organisée le 14 avril 2015, visant à présenter à la presse de présumés auteurs d’actes de piraterie des réseaux de téléphonie mobile, arrêtés dans la nuit du 13 au 14 avril 2015.
Au cours de cette conférence de presse, le commandant en a profité pour revenir sur la situation d’autres présumés auteurs d’actes de même nature, présentés à la presse le 08 avril 2015 et dont certains auraient déjà été libérés par la justice. A leur sujet, il a affirmé ce qui suit :
«Nous avons appris que dans le dossier précédent (ceux présentés le 08 avril 2015), il y en a qui sont déjà en liberté, nous ne savons pas pourquoi. Mais dans tous les cas, nous n’avons pas interpellé quelqu’un qui n’a rien à voir avec ce qui se mène. C’est vrai qu’on dit que le procès-verbal ne vaut que simple renseignement, mais je crois que c’est la base de tout ce qu’on peut traiter en justice. Si c’est le cas, désormais on va arrêter simplement de produire les procès-verbaux. Si on a quelqu’un, on prend son identité et on va le remettre, les gens vont l’interroger. J’invite les gens des téléphonies, approchez souvent la justice pour suivre vos dossiers pour que vous et nous ne soyons pas surpris de ce qui se passe. Certainement que les juges ont agi conformément à la loi, mais ça peut donner l’impression qu’il y a quelque chose qui ne va pas. C’est le Burkina qui connaît la loi, si des étrangers laissent leur pays pour venir opérer ici, ils savent que quelque part ils sont plus à l’aise ici. C’est dommage, c’est un peu choquant. Quand ils étaient entre nos mains, leur communauté est passée ici pour voir dans quelle mesure ils pourraient payer pour que l’affaire reste à notre niveau ; nous avons dit que nous ne faisions pas cela. Nous allons les transférer. La preuve est que certains sont déjà dehors, qu’est-ce qui s’est passé ? Il n’y a pas eu de jugement puisque les victimes n’ont pas été entendues.
Je vous dis que ceux qui sont libérés, s’ils reprennent leur activité, même si on passe à côté, on ne va pas les interpeller parce que ça ne sert pas, on va laisser les gens régler leurs comptes.
On a l’impression de faire du théâtre, alors que ce n’est pas le cas. Les gens se privent de sommeil pour aller chercher des délinquants, ça signifie que ce n’est pas du théâtre. Nous nous sommes appuyés sur des gens pour localiser ou pour interpeller certains, si ces personnes les revoient au quartier, du 8 au 14 avril, ça ne fait même pas une semaine. On ne connaît pas leur nombre, pas eux tous, mais certains sont dehors. La justice, c’est la justice. Quand on est juge, c’est simple de relâcher même si les faits sont têtus des fois. Nous, nous travaillons sans état d’âme, ils peuvent libérer tous les prisonniers aujourd’hui, ce n’est pas notre problème. Nous avons d’autres moyens de lutter contre l’insécurité et la criminalité. Il faut quand même que les gens sentent qu’ils ont commis quelque chose de terrible. C’est comme si le travail a été mal fait quelque part par la gendarmerie ou la police. La peine est toujours comprise entre un minimum et un maximum, mais de là à choisir de libérer systématiquement, ça veut dire que vous manquez de volonté de châtier pour la faute commise. On va peut-être s’excuser auprès d’eux quand on va les revoir, on ne savait pas qu’on avait eu tort de les interpeller. J’en veux aussi aux réseaux de téléphonie mobile, je ne veux pas qu’on continue de permettre aux gens d’utiliser des cartes Sim sans avoir été identifiés ».
Le Syndicat burkinabè des magistrats, eu égard aux engagements qu’il a pris à l’occasion des états généraux, ne voudrait pas entrer dans une polémique qui pourrait faire penser à un esprit de corporatisme malsain. Il voudrait donc simplement demander à Monsieur le procureur du Faso près le Tribunal de Grande instance de Ouagadougou, eu égard à la gravité des propos, qui sont de nature à jeter un doute sérieux sur le travail des magistrats et à éroder la confiance qui doit exister entre les justiciables et la justice, d’organiser dans les plus brefs délais une conférence de presse pour informer l’opinion publique de l’état du dossier, afin que :
- s’il est établi qu’un magistrat s’est autorisé un certain écart par rapport à la déontologie dans le traitement du dossier concerné, notamment par des actes de corruption comme insinué par le commandant Paré, toute la rigueur de la loi s’applique à lui pour l’exemple ;
- s’il en résulte, inversement, que le commandant Paré n’est pas allé au-delà de l’expression de simples émotions incompatibles avec sa qualité d’officier de police judiciaire, qu’il n’a pas agi « Pour la Patrie, la Loi et l’Honneur », il subisse également la rigueur de la loi pour l’exemple.
Ouagadougou, le 17 avril 2015
Pour le Syndicat burkinabè des magistrats (SBM)
Le secrétaire général
Moriba Traoré