La Cour de cassation a abrité, le vendredi 17 avril 2015, l’installation officielle des membres de la Haute Cour de justice (HCJ). Présidée par la magistrate de grade exceptionnel Elisabeth Bado/Somé, elle a compétence pour juger les hautes personnalités de la République. La cérémonie a connu la présence, entre autres, du Président du Conseil national de la transition (CNT), Sheriff Sy, et d’ambassadeurs accrédités auprès du Burkina.
La HCJ est composée au total de neuf personnalités ainsi qu’il suit : trois membres désignés par le Président de la Cour de cassation, six autres par le CNT tenant lieu d’Assemblée nationale, avec chacun un titulaire.
Vendredi dernier à la Cour de cassation, à l’issue du vote des membres présents, la magistrate de grade exceptionnel Elisabeth Bado/Somé, à huit voix pour contre un bulletin nul, a été élue présidente de la HCJ.
Le député Wilfried Zoundi a, lui, été élu vice-président avec sept voix pour, une abstention et un bulletin nul. Une commission d’instruction a également été mise en place.
Actuellement membre de la Cour de cassation, Mme Bado, pour ses premiers mots, dit mesurer les défis qui seront ceux de la HCJ, dont celui primordial du fonctionnement de la juridiction qu’elle dirige désormais. Depuis 1995 qu’elle existe, la Cour, a-t-elle relevé, n’a jamais ouvert d’audience.
Ce que le procureur général a d’ailleurs souligné dans les réquisitions du ministère public, ajoutant que la HCJ ne dispose même pas de siège et ne possède aucun matériel pour son fonctionnement. Pour le procureur général en effet, «le législateur d’antan s’était entouré d’artifices juridiques pour la rendre non fonctionnelle».
La justice selon lui est présentement au cœur des sollicitations du peuple qui entend poursuivre son insurrection au niveau des juridictions, notamment la HCJ. C’est donc dire que son rôle est dorénavant déterminant après les événements qu’a connus le Burkina les 30 et 31 octobre 2014.
Le souhait du procureur général est donc que la HCJ soit l’institution judiciaire de référence parmi les juridictions du pays animées par des juges qui ont un sens élevé de leurs responsabilités. Une autorité respectueuse des droits fondamentaux comme celui à un procès équitable, le droit d’être jugé dans les délais raisonnables, le droit d’être jugé par une juridiction compétente, indépendante et impartiale.
La Cour, a conclu le procureur général, doit contribuer par ses jugements à construire un véritable Etat de droit garant des libertés individuelles et collectives.
La HCJ officiellement installée, qu’en sera-t-il de l’extradition de l’ex-président Blaise Compaoré ? La mise en œuvre des poursuites contre l’ancien chef de l’Etat, a précisé Elisabeth Bado, dépend du CNT. Selon elle, sa mise en accusation, telle que prévue par la Constitution, est votée à la majorité des quatre cinquièmes des voix des députés composant l’Assemblée nationale.
Concernant les membres du gouvernement, elle est votée à la majorité des deux tiers des voix des députés composant l’Assemblée. Une fois que cela sera fait, précise-t-elle, la HCJ jouera sa partition.
D. Evariste Ouédraogo
Encadré (1)
Liste des neuf membres de la HCJ
Membres désignés par la Cour de cassation
Jean Kondé
Daniel Kontongdé
Elisabeth Bado
Membres issus du CNT
Forces de défense et de sécurité
Sama Sosthèr
Geoffroy Yogo
Organisations de la société civile
Issouf Zoungrana
Wilfried Zoundi
Partis politiques
Bruno Nabaloum
Amadou Diabaté
Encadré (2)
Missions de la HCJ
Aux termes de l’article 138 de la Constitution, la Haute Cour de justice est compétente pour connaître des actes commis par le Président du Faso dans l’exercice de ses fonctions et constitutifs de haute trahison, d’attentat à la Constitution ou de détournement de deniers publics.
Elle est également compétente pour juger les membres du gouvernement en raison des faits qualifiés crimes ou délits dans ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
Toutefois cette disposition est fortement contrariée par l’article 168. 1 de la Constitution qui affirme qu’une amnistie pleine et entière est accordée aux chefs d’Etat du Burkina Faso pour la période allant de 1960 à la date d’adoption de la disposition qui est le 11 juin 2012. Ces deux dispositions ne peuvent cohabiter dans la même loi fondamentale.
Source : Réquisitions du ministère public