Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Pr Innocent Pierre Guissou, expert toxicologue à propos de l’affaire OBOUF
Publié le samedi 18 avril 2015  |  Sidwaya
Le
© Autre presse par dr
Le professeur en pharmacologie Innocent Pierre Guissou




Afin de prouver la toxicité des canettes périmées et des conserves de tomate saisies dans les magasins du groupe OBOUF en février dernier, le laboratoire de toxicologie a été sollicité pour mener une expertise de ces produits. A travers cette interview, le Pr Innocent Pierre Guissou, spécialiste en pharmacologie et en toxicologie et enseignant-chercheur au département de l’Institut de recherche en science de la santé (IRSS) fait une présentation du laboratoire et revient sur les conclusions de son expertise.

Sidwaya (S.) : Pouvez-vous nous présenter le laboratoire de toxicologie ?

Innocent Pierre Guissou (I.P.G.): Le laboratoire de toxicologie est une structure nécessaire pour les travaux que nous faisons au niveau de l’Institut de recherche en science de la santé (IRSS) parce qu’il s’agit de produire des médicaments et il faut empêcher que ces médicaments ne soient nuisibles pour la population. Donc, dans le processus de production des médicaments, il y a à un moment donné, le laboratoire de toxicologie qui doit intervenir pour sécuriser le produit pour les populations. Ce laboratoire a été conçu et équipé pour ça et a l’autorisation d’exercer en raison du statut de l’IRSS. Ce laboratoire sert également à faire des expertises soit à la demande, soit à notre initiative sur différents produits que ce soit des aliments ou des produits médicamenteux ou que ce soit d’autres substances qu’on nous soumet.

S. : Votre laboratoire a reçu une réquisition du procureur du Faso pour l’analyse des produits impropres à la consommation notamment, les canettes d’OBOUF. Comment s’est déroulé le travail qu’on vous a confié ?

I.P.G. : Tout d’abord, je voudrais dire que nous ne dépendons pas de la volonté de quelqu’un. Nous travaillons de manière autonome sur la base de nos résultats scientifiques. Mais comme c’est un outil de travail, effectivement, la justice nous saisit souvent avec des réquisitions pour l'aider à faire la lumière sur telle ou telle situation. Ici, c’est la police scientifique qui nous a amené une réquisition parce qu’elle a été saisie par le procureur. C’est ainsi qu’elle nous a amené et la réquisition et les produits qui ont été saisis dans les magasins de OBOUF.

S. : De quels moyens disposez-vous pour examiner ces produits ?

I.P.G. : Disons que nous n’avons pas tous les moyens mais d’autres laboratoires de toxicologie en Europe pourraient travailler mieux que nous parce qu’ils ont un plateau technique beaucoup plus élevé. Mais ce dont nous disposons nous permet de faire la part des choses en ce qui concerne la toxicologie d’une substance.

S. : Est-ce que vous pouvez revenir sur les conclusions de votre analyse concernant les canettes périmées dont votre laboratoire a été sollicité pour faire l’expertise ?

I.P.G. : D’abord, nous avons dit que nous aurions dû être là-bas au moment des prélèvements. Ensuite, nous avons dit que les produits qui présentaient des dates de péremption étaient dépassées. Bien avant, nous avons expliqué d’abord qu’est-ce que la péremption. Pour nous, c’est le fait que le fabricant d’un produit ne garantit plus de l’efficacité dont se réclament le produit et les éventuelles toxicités. Cela veut dire que cette date arrivée, vous ne devez plus consommer ce produit. Au Burkina Faso, peut-être qu’il n’y a pas de textes règlementaires, mais partout dans le monde, il y a un document de référence sur lequel on s’appuie. C’est le "codex alimentarus" qui dit bien dans ses dispositions en ce qui concerne les dates de péremption : "un produit dont la date est dépassée ne peut pas être proposé aux consommateurs". C’est le premier point. Au deuxième point, "quand la date de péremption d’un produit est dépassée, il faut vérifier si le produit conserve ses qualités initiales". Notre travail du point de vue chimique a montré que les produits qu’on nous a apportés n’avaient pas leurs qualités initiales parce que nous avons pris comme substance de comparaison, les produits qui n’étaient pas périmés et nous avons pris des référentiels au niveau de ce qui est Burkina Faso. C'est-à-dire ce qui est vendu par BRAKINA parce que tout le monde consomme les produits de cette usine. Donc, nous avons montré qu’il y a une dénaturation chimique. Il y a des éléments qui sont apparus dans les produits périmés et qui montrent qu’il y a quelque chose qui s’est passée et qui confirme ce que nous disons, selon lequel, après la péremption d’un produit, personne ne garantit de sa qualité. Nous avons dit aussi qu’il y a des substances appelées des additifs qui sont dans ces produits. C'est-à-dire qu’on ajoute ces additifs à des aliments ou aux boissons pour donner le goût sucré ou l’aspect gazeux, etc. Ou qu’on appelle des conservateurs qui sont codifiés. Le fait qu’un produit soit périmé, ses éléments qui sont reconnus comme potentiellement dangereux peuvent voir leur dangerosité augmentée. De même, nous avons travaillé sur les animaux de laboratoire parce qu’on ne peut faire le test sur les humains ; cela ne se fait nulle part. Tout comme pour les médicaments dans les firmes pharmaceutiques, c’est à partir des animaux en premier que l’on fait le test pour voir si on peut utiliser le produit chez l’homme. Nous sommes des hommes de laboratoire qui travaillent avec les animaux et ces derniers ne mentent pas. Ils réagissent selon la réalité de ce qu’ils vont ressentir. Selon notre protocole, il y a des problèmes que ces animaux ont eus. Il y a même eu des morts. Quand ça se passe de la sorte, on doit se poser des questions, pour dire, il faut faire attention à l’utilisation de ce produit chez l’homme puisqu’on ne garantit pas
l’innocuité.

S. : Quels types de maladies s’exposent les consommateurs au regard des résultats auxquels vous êtes parvenus ?

I.P.G. : Nous avons fait un protocole basé sur les questions qui nous ont été posées dans la réquisition. Il y avait trois questions : Est-ce que les produits sont propres à la consommation ? est-ce que ces produits sont toxiques ? Relevez toutes sortes d’anomalies qu’ils présentent. Sur cette base de demande nous, nous pouvons travailler sans problème parce qu’on a les moyens pour le faire. Nous avons mentionné dans le rapport que le temps qu’on nous a imparti ne permettait pas de faire l’investigation jusqu’au bout parce que c’était pratiquement la veille de l’ouverture de la procédure judiciaire qu’on nous a soumis ce travail. Et nous avions dit que nous pouvions voir quelles sont les maladies que nous pouvons retrouver chez les animaux. Mais là, il nous fallait un temps plus long. Alors, si vous prenez un produit impropre à la consommation, l’individu peut avoir des problèmes au niveau des organes que nous appelons, les organes nobles ou les organes vitaux. C’est le cœur, le foie, les poumons, le rein et les éléments du sang. Ce sont les premiers exposés à tout produit non doué d’innocuité. Il fallait qu’on nous laisse le temps pour que nous puissions autopsier nos animaux, en regardant le foie, les reins, etc. Nous avons attiré l’attention du procureur. Donc, on ne peut pas dire avec précision, à quoi sont exposés les consommateurs parce que je peux boire ce produit et avoir mal au foie, vous allez boire le même produit et vous allez avoir mal au ventre parce que nous ne sont pas les mêmes. On évalue ce que nous appelons en toxicologie, le risque et on le codifie à trois niveaux : le risque acceptable, le risque non acceptable et le risque majeur. A partir du moment où nous avons vu qu’il y a un problème de date de péremption, nous avons vu qu’il y a une décomposition chimique, nous le plaçons dans le risque inacceptable. Mais on ne peut pas répondre pour ce qui est de la description de la maladie avec les résultats que nous avons eus. Toutefois, nous avons simplement vu que ça crée des problèmes chez les animaux. Donc, il faut craindre que ça ne passe chez l’individu qui va consommer ce produit.

S. : Donc, il aurait fallu forcément qu’on vous accorde un temps assez long pour pouvoir déterminer les problèmes occasionnés par la consommation de ces canettes périmées ?

I.P.G. : C’est ce qui a été dit dans la conclusion de l’expertise. Et nous avons dit, que toute contre-expertise doit se faire. C’est ça les procédures en toxicologie. Si vous saisissez un laboratoire, celui-ci fait son point. Si quelqu’un n’est pas d’accord, il y a une contre-expertise qu’on fait pour trouver la même chose ou pour trouver une situation différente. Mais je répète bien que nous avons analysé les produits à comparaison avec les produits de référence qui sont les produits BRAKINA. Si on était là où les produits OBOUF ont été fabriqués, on allait faire des prélèvements là-bas comme produits de référence et on allait faire la comparaison. Voilà la démarche.

S. : Avez-vous des recommandations à l’égard des consommateurs ?

I.P.G. : Que les consommateurs apprennent à connaître ce qu’est une date de péremption et que tout produit qui a atteint sa date de péremption ne doit pas être consommé. Lorsque vous consommez un produit qui vous crée des problèmes, référez-vous immédiatement au personnel de santé qui va vous prendre en charge. Et en ce moment, on peut faire rapidement l’état des lieux. Par exemple, si ces canettes avaient fait des victimes et que ces personnes venaient à l’hôpital, automatiquement, on allait prélever sur ces personnes, soit au niveau de leurs urines, soit au niveau du sang pour voir s’il n’y a pas des substances qui sont responsables de leur situation de nuisance. C’est ce qu’on appelle la toxicologie clinique. On peut le faire mais il faut que vous soyez devant le cas. Si après avoir consommé un aliment on n’a des problèmes, il faut aller vers les structures de santé qui vont faire le point. Le dernier élément c’est la Ligue des consommateurs du Burkina qui doit être vigilante en matière de surveillance des produits et que l’Etat joue son rôle. C’est lui qui est le premier garant de la santé des populations. Il faudrait qu’il mette en place des structures de supervision, de contrôle et de saisie. Voyez pour le médicament, le ministre de la Santé peut commanditer et on va dans les pharmacies, on prélève des médicaments à tout hasard et on fait le point pour voir s’ils sont de qualité. Il faut qu’on comprenne que tout le monde a quelque chose à faire pour protéger la santé des consommateurs.

Paténéma Oumar OUEDRAOGO
Commentaires

Dans le dossier

Société civile
Titrologie



Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie
Sondage
Nous suivre

Nos réseaux sociaux


Comment