Le 15 avril 2015, les partis signataires de la déclaration commune de l’«appel à la mobilisation patriotique pour une transition inclusive et démocratique» ont rencontré les représentants des organes de presse autour de questions liées à la situation nationale. Les échanges ont surtout tourné autour des suites que ces partis «entendent donner à l’adoption de la Loi portant révision du code électoral» et «le harcèlement policier des personnalités de l’ancien régime». C’est ce qui ressort de cette déclaration liminaire lue par Léonce Koné, le président du directoire du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).
I SUITES DE L’ADOPTION DE LA LOI PORTANT RÉVISION DU CODE ELECTORAL
«Le 7 Avril dernier le Conseil National de Transition a voté une loi portant modification du Code Electoral de notre pays qui, intervenant à près de six mois des prochaines élections générales, a pour effet d’exclure virtuellement un grand nombre de citoyens burkinabè du droit de se présenter à ces scrutins.
Face à cette situation, qui constitue une violation flagrante et outrancière de la Constitution burkinabè un groupe de partis politiques appartenant à l’ancienne majorité et extérieurs à cette mouvance a décidé de publier le 9 Avril une déclaration commune destinée à manifester publiquement son opposition résolue à cette mesure d’exclusion.
A ce jour, les partis signataires de ce texte, intitulé « APPEL À LA MOBILISATION PATRIOTIQUE POUR UNE TRANSITION INCLUSIVE ET DÉMOCRATIQUE », au nombre de 9, sont les suivants:
L’ADF/RDA
L’AUTRE BURKINA/ PSR
LE CDP
LE RDEBF
LE RDF
LE RSR
L’ODT
L’UBN
L’UNDD
D’autres partis ont fait part de leur intention de souscrire à cet appel lorsqu’ils auront procédé aux consultations internes qu’exigent leurs règles de fonctionnement.
La protestation qu’élève les signataires de cette déclaration est fondée, non seulement sur la Constitution du Burkina ( je vous fais grâce des articles visés ), mais aussi sur les traités internationaux que notre pays a ratifiés, à savoir:
La Charte des Nations Unies,
La Charte africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance,
La Charte constitutive de l’Union Africaine,
Le Protocole relatif à la création du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine,
Le Protocole sur la Démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO .
De surcroît, les dispositions qui élargissent abusivement le champ de l’inéligibilité sont contraires aux valeurs de référence qui sont énoncées par le préambule de la Charte de la transition. Elles contredisent enfin le principe d’inclusion qui est supposé présider à l’ensemble du processus de transition.
Comme vous avez pu l’observer, l’adoption de cette loi a entraîné une condamnation unanime de tous les partenaires internationaux qui participent au Groupe International de Suivi et d’Accompagnement de la Transition burkinabè (GISAT).
C’est dire que le refus de l’exclusion que nous exprimons à travers cette déclaration n’est pas une prise de position dictée par des calculs électoraux. Ce qui est en cause, c’est le retour de notre pays à une démocratie véritable, la cohésion de notre Nation, sa stabilité et la poursuite de son développement dans un climat harmonieux.
Face aux dangers avérés qui menacent notre démocratie en construction et la stabilité de notre pays, les partis que nous représentons ont décidé d’entrer en résistance, en refusant de demeurer silencieux et inactifs devant la dérive totalitaire et populiste qu’annoncent les dernières initiatives du régime de la transition.
C’est pourquoi, outre l’appel à la mobilisation et au sursaut patriotiques que nous avons adressé à tous les patriotes burkinabè, nous avons, pour ce qui nous concerne, décidé de prendre un certain nombre d’initiatives:
1- Parce que nous voulons accorder un préjugé d’indépendance et d’impartialité aux juridictions de notre pays et singulièrement à la plus haute d’entre elles, nous avons déposé un recours contre la révision du Code Electoral devant le Conseil Constitutionnel.
2- Parallèlement à cette démarche et tenant compte du calendrier électoral, nous déposerons également un recours devant la Cour de Justice de la CEDEAO.
3- Les partis signataires de l’Appel du 9 Avril 2015 qui sont représentés dans le groupe ARD ( Alliance Républicaine et Démocratique) du CNT ont demandé aux députés qui ont été désignés par leurs soins pour siéger dans cet organe de suspendre leur participation aux activités de celui-ci, jusqu’à ce qu’une politique véritablement inclusive soit mise en œuvre par les autorités de la transition.
L’exécution de cette mesure par les députés des partis politiques de notre groupe appelle quelques précisions.
Tout d’abord, nous confirmons la décision de principe que nous avons prise, en tant que partis politiques, d’exprimer notre défiance à l’égard du CNT, en raison de la dérive anti démocratique que traduit la récente révision du Code Electoral.
Toutefois, nos partis ont choisi de laisser aux députés du groupe parlementaire ARD la latitude de manifester cette protestation par les initiatives concertées qu’ils jugeront appropriées, en fonction des pratiques parlementaires en cours au CNT. Ils peuvent, par exemple, choisir de se retirer ostensiblement des séances plénières de cette assemblée, après l’appel de leurs noms, ce qui est une forme de contestation usitée dans la pratique parlementaire.
Il nous est revenu que nos députés ont fait l’objet de pressions insistantes de la part du Président du CNT pour les amener à renoncer à toute démarche de protestation, au risque d’être relevés de certaines des missions qui leur sont assignées dans l’organisation parlementaire, ou carrément d’être démis de leurs fonctions. Il est vrai que dans ce régime d’exception que constitue la transition burkinabè, les pratiques du CNT n’ont rien à voir avec la déontologie et les usages parlementaires qui sont communément admis dans un État démocratique.
Mais le fait pour le Président d’une institution parlementaire de convoquer des députés et de chercher à influer sur leurs prises de position politiques par des menaces à peine voilées est tout simplement inadmissible.
C’est pourquoi nous dénonçons avec la plus grande énergie les manœuvres d’intimidation exercées par le Président du CNT sur les députés que nos partis ont désignés.
Dès lors, le message que nous adressons à nos députés est simple et clair. Ils ont le devoir moral et patriotique d’être solidaires avec la ligne politique définie par leurs partis, quelles que soient les pressions qu’ils seront amenés à subir.
4- L’exclusion qui nous est imposée par la révision du Code Electoral étant une négation du principe de l’inclusion et de l’idée même de réconciliation, nous refusons de participer aux initiatives qui viendront à être prises par la Commission Nationale de Réconciliation et des Réformes.
II LE HARCÈLEMENT POLICIER SYSTÉMATIQUE DES PERSONNALITÉS DE L’ANCIEN RÉGIME
Nous voulons saisir également l’occasion de cette rencontre de presse pour alerter l’opinion nationale et internationale sur les arrestations arbitraires systématiques qui frappent depuis quelques semaines un grand nombre de personnes réputées proches de l’ancien régime. Par ces interpellations abusives, qui ont coïncidé étrangement avec le vote de la révision liberticide du Code Electoral, le régime de la transition renoue avec la pratique des emprisonnements politiques que les burkinabè croyaient révolue à jamais.
Car il s’agit bien d’arrestations politiques, malgré les procédures hâtives, bâclées et illégales qui sont organisées pour faire croire que ces poursuites sont justifiées par la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite.
– Il s’agit d’arrestations politiques parce que ces mesures d’internement sont décidées par les services de police ou de gendarmerie, au mépris des procédures judiciaires applicables en la matière.
– Il s’agit d’arrestations politiques parce que les personnes mises en cause sont privées délibérément des garanties que la loi offre, en pareille circonstance, à tous les citoyens.
– Il s’agit d’arrestations politiques, parce que de l’aveu même des agents de la police ou de la gendarmerie, certaines de ces personnes sont soumises à des traitements volontairement dégradants et humiliants, dans le seul but d’assouvir des revanches mesquines.
– Il s’agit d’arrestations politiques parce que, dans la plupart des cas, les faits qui sont reprochés aux personnes appréhendées ne sont pas circonstanciés. Les interrogatoires, hors la présence d’avocats, portent indistinctement sur de vagues présomptions de malversations et sur les activités politiques supposées des prévenus.
– Il s’agit d’arrestations politiques parce que leur but évident est de déstabiliser les partis politiques qui sont visés précisément par la loi d’exclusion qui vient d’être votée. La concomitance des deux mesures: révision du Code Electoral et arrestations, est parlante.
Après le renouvellement hâtif et contesté du Conseil Constitutionnel, voilà que la Haute Cour de Justice, qui est compétente pour juger les ministres (anciens et en fonction) vient d’être constituée dans une précipitation douteuse.
Comme vous le voyez, la machine de la justice politique, expéditive et arbitraire, est en marche.
En rappelant ces faits, nous ne réclamons pas l’impunité pour les membres de nos partis. Nous voulons qu’une justice égale pour tous soit rendue, avec les garanties prévues par la loi, à l’égard de tous les citoyens présumés avoir commis des infractions et notamment à l’égard de toutes les personnes dont l’enrichissement peut soulever légitimement des interrogations, au regard de leurs revenus connus et licites. Au demeurant, si notre pays doit s’engager dans cette chasse à l’enrichissement douteux, il n’y a pas de raison que le champ des investigations soit limité aux membres du dernier Gouvernement de l’ancien régime et à un cercle restreint de personnalités, indexées sélectivement. L’ancien régime s’étend à toutes les personnes qui, à des titres divers, ont eu à collaborer au cours des 27 dernières années avec le Président Blaise Compaoré.»
Léonce Koné
Président du Directoire du CDP