Suite à l’adoption du nouveau Code électoral par l’organe législatif de la transition (CNT) et aux arrestations d’anciens dignitaires du régime déchu, l’on a assisté à une contre-offensive de l’ex-majorité. Celle-ci estime qu’elle a été lésée parce que certains de ses membres courent le risque d’être frappés d’inéligibilité pour les élections à venir. Elle trouve par ailleurs que les récentes arrestations sont abusives et arbitraires. Léonce Koné et ses camarades de l’ex-majorité s’en offusquent et appellent par conséquent à une « mobilisation patriotique pour une transition inclusive et démocratique ». A cet effet, ils ont déjà saisi le Conseil constitutionnel et entendent également déposer un recours devant la Cour de justice de la CEDEAO.
L’attitude de l’ex-majorité s’apparente à de la mauvaise foi
En plus de ces actions, les partis de l’ancienne majorité se démarquent de toutes concertations avec la Commission de réconciliation nationale et des réformes. Pour le président du directoire du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), Léonce Koné, les motivations de leur démarche sont liées à ceci : « l’exclusion qui nous est imposée par la révision du Code électoral étant une négation du principe de l’inclusion et de l’idée de réconciliation, nous refusons de participer aux initiatives qui viendront à être prises par la Commission de réconciliation nationale et des reformes ».
Les choses ne souffrent d’aucune ambiguïté, peut-on dire. En effet, l’ex-majorité tient à ce qu’aucun de ses membres ne tombe sous le coup de la disposition du nouveau Code électoral qui stipule que tous les membres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré ainsi que tous ceux qui ont soutenu de manière ostentatoire Blaise Compaoré dans son projet de modification de l’article 37 de la loi fondamentale, sont disqualifiés pour briguer un mandat dans le cadre des élections à venir.
Cette attitude s’apparente à de la mauvaise foi. Car, tous autant qu’ils sont, ils savent qu’on peut leur imputer la responsabilité de la mort de la trentaine de Burkinabè qui sont tombés à l’occasion des évènements des 30 et 31 octobre derniers. Ils n’ont certes pas appuyé sur la gâchette qui a fauché ces vies, mais ils doivent pleinement en assumer la responsabilité morale voire pénale, pour avoir travaillé, en toute conscience et ce malgré les nombreuses mises en garde, à précipiter le Burkina dans l’abîme. Eux-mêmes d’ailleurs ont reconnu avoir fauté, puisqu’ils ont fait le tour des personnalités morales du pays pour battre leur coulpe. Ce faisant, il est difficile de comprendre qu’ils trouvent injuste le fait qu’on leur demande simplement d’en payer le prix aujourd’hui. Et puis, est-ce cher payé ce qu’on leur demande ? Sous d’autres cieux, l’addition aurait été plus salée. Mais le peuple burkinabè, dans sa magnanimité, a accepté que ces partis qui, pourtant, ont joué un rôle-clé dans la tentative d’assassinat de la démocratie, continuent leurs activités. Seuls quelques individus appartenant à ces partis ont été épinglés pour
leur responsabilité individuelle dans le drame qui a frappé le Burkina, les 30 et 31 octobre derniers. Si c’est cela l’exclusion, c’est à ne rien comprendre.
On peut comprendre l’indignation des organisations de la société civile
Il ne faut pas trop demander au peuple burkinabè, car, dans le cas d’espèce, l’approche inclusive qu’ils prônent n’est ni plus ni moins que de l’impunité. L’ex-majorité a, face à elle aujourd’hui, les partis politiques de l’ex-opposition et les organisations de la société civile qui soutiennent la transition dans sa volonté d’assainir la vie politique dans notre pays. Ces partis et plus particulièrement les OSC sont déterminés à lui apporter la réplique, parce qu’ils veulent faire en sorte que leurs camarades qui sont tombés les 30 et 31 octobre derniers, ne soient pas morts pour rien. De ce fait, le Burkina est en train de réunir les ingrédients de lendemains chargés de tous les dangers possibles. En effet, le risque est grand de voir les deux camps, au regard de la fermeté avec laquelle chacun défend ses vues, s’entre- déchirer au point de mettre à mal la cohésion sociale, voire l’existence du Burkina en tant qu’Etat. Ce bras de fer n’augure rien de bon pour la patrie des Hommes intègres. Et pour ne pas arranger les choses, le département d’Etat américain vient, par un communiqué de presse publié le 14 avril dernier, de signifier au Conseil national de la transition que « les modifications apportées au Code électoral semblent être incompatibles avec les principes démocratiques de la liberté d’expression, d’association et des élections pacifiques ».
La sortie américaine constitue, de toute évidence, du pain bénit pour l’ex-majorité. Elle n’en demandait pas mieux . Si, par extraordinaire, la transition venait à accéder à la requête des Américains de peur d’être privée éventuellement de l’accompagnement financier de ceux-ci pour tenir les élections à bonne date, ce serait un véritable camouflet pour le peuple burkinabè et une insulte à la mémoire des martyrs de la révolution des 30 et 31 octobre derniers, à la grande satisfaction de tous les satrapes du continent noir. C’est pourquoi l’on peut comprendre l’indignation suscitée dans le milieu des organisations de la société civile. Aux uns et aux autres, l’on peut avoir envie de dire que personne n’a intérêt à ce que la transition échoue. Ni le pouvoir, ni les OSC, ni l’ex-majorité, ni la Communauté internationale. C’est parce qu’ il y a la tête que les yeux font mal. Or, la tête, dans le cas d’espèce, c’est le Burkina Faso. Par conséquent, tous ces acteurs doivent agir en toutes circonstances, dans le sens de l’intérêt supérieur du Burkina.