Réunis en séance plénière le 3 mars 2015, les députés du Conseil national de la Transition (CNT) ont voté la loi anti-corruption. Cette nouvelle loi a été promulguée le 26 mars 2015 par le chef de l’Etat Michel Kafando. Synthèse.
Selon sa définition, «corrompre quelqu’un c’est engager une personne investie d’une autorité à agir contre les devoirs de sa charge en la soudoyant avec de l’argent ou en utilisant tout autre passe-droits pour atteindre un objectif. La corruption est donc un acte illégal qui met en scène un corrupteur et un corrompu. Tous les deux agissant pour leurs propres intérêts contre ceux de la société». C’est pour combattre cette pratique que le CNT a voté une loi portant prévention et répression de la corruption. Elle a pour objectif de promouvoir l’intégrité, la responsabilité et la transparence dans la gestion, aussi bien dans le secteur public, que privé, de faciliter et d’appuyer la coopération internationale et l’assistance technique. C’est ainsi que pour affermir la confiance des populations envers les institutions, il est fait obligation aux hautes personnalités civiles et militaires dans l’exercice de leurs fonctions, de faire périodiquement une déclaration de leur patrimoine devant les juridictions.
Le patrimoine étant l’ensemble des biens meubles et immeubles.
Il s’agit notamment :
-des membres du pouvoir exécutif ;
-des membres du pouvoir législatif ;
-des membres du pouvoir judiciaire ;
-des personnalités politiques et administratives ;
-des membres des institutions et des autorités administratives indépendantes ;
-des représentants des collectivités territoriales ;
-des personnes occupant des emplois de l’administration civile et militaire ;
-des responsables d’organes de presse ;
-des responsables d’organisations associatives.
Les membres du pouvoir exécutif, les parlementaires, les magistrats, les présidents d’institutions et les présidents d’autorités administratives indépendantes font la déclaration de leurs biens devant le greffe du Conseil constitutionnel. Les membres du Conseil constitutionnel, des Cours d’appel et ceux des tribunaux en font de même devant le greffe de la Cour de cassation, et les représentants des collectivités territoriales au greffe du Tribunal de grande instance de leur domicile. La déclaration du patrimoine concerne les propriétés foncières et immobilières, les propriétés professionnelles et parts d’entreprises, les placements bancaires et boursiers, les meubles, équipements domestiques, véhicules, les objets d’art et de collection, la propriété intellectuelle et les valeurs actuarielles des rentes et pensions à toucher.
Toute personne qui fait sciemment une déclaration incomplète, inexacte ou fausse est privée du tiers de ses émoluments avec poursuite judiciaire.
Il est interdit aux agents publics dans l’exercice de leur fonction d’accepter des dons, des cadeaux ou d’autres avantages en nature à l’exception de l’hospitalité conventionnelle et des cadeaux mineurs.
De la prévention
Les dirigeants des sociétés et les directeurs de sociétés ou d’entreprises sont tenus de répondre par écrit aux résultats du contrôle du commissaire aux comptes qui a mis en évidence des paiements illicites, des versements ou réceptions de commissions dont le montant n’est pas en rapport avec les services rendus, des pratiques comptables irrégulières, des paiements en espèces dont le montant est supérieur à deux millions de francs.
Les commissaires aux comptes sont tenus de signaler au procureur du Faso tout versement reçu ou effectué dans des conditions paraissant illicites. Des mesures visant l’interdiction de la corruption dans le secteur privé sont également prises en considération et des sanctions sont prévues. Il s’agit du renforcement de la coopération entre les services de détection et de répression et les entités privées concernées, la promotion de la transparence, la prévention de l’usage impropre des procédures et réglementations, la réalisation régulière d’audits internes et la culture de l’intégrité par la signature d’un pacte à la création de l’entreprise. La nouvelle loi encourage également la participation de la société civile dans la prévention et la lutte contre la corruption à travers la transparence sur les sources de financements et dans la gestion des ressources mises à sa disposition, la promotion de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques, l’introduction de cette lutte dans les programmes d’enseignement, l’accès effectif des médias et du public à l’information concernant la corruption sous réserve de la protection de la vie privée, de l’honneur, de la dignité des personnes et des raisons de sécurité nationale. L’Autorité supérieure de contrôle d’Etat assure le suivi et l’évaluation des mesures préventives.
Des sanctions
Toute personne qui promet, offre ou accorde directement ou indirectement un avantage indu à un agent public dans l’exercice de ses fonctions est punie d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende égale au double de la valeur des promesses agréées. Il en est de même pour tout agent qui sollicite ou accepte directement ou indirectement un avantage indu pour lui-même ou pour une autre personne. Un agent public qui passe, vise ou révise un contrat, une convention, une commande publique ou un avenant en violation des dispositions en vigueur est puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de deux à dix millions de francs. Les mêmes peines s’appliquent au commerçant, à l’industriel, l’artiste ou l’artisan, l’entrepreneur du secteur privé ou toute personne physique ou morale qui passe un contrat ou une commande publique avec l’Etat. Est également puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de deux à dix millions de francs, celui qui promet, offre ou accorde directement ou indirectement à un agent public étranger ou à un fonctionnaire d’une organisation internationale publique un avantage indu pour qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte dans l’exercice de ses fonctions. Les mêmes peines s’appliquent à l’agent public étranger. Des privations de liberté et des amendes ont également été retenues pour les soustractions de biens publics, la concussion, les exonérations et franchises illégales, le trafic d’influence, les abus de fonction, la surfacturation, le commerce incompatible, le détournement de biens publics, l’utilisation de prête-nom par un agent public pour exercer une activité privée, le délit d’apparence, le délit d’initié, le financement occulte des partis. Une personne qui ne peut pas justifier l’augmentation de son train de vie au regard de ses revenus licites est dans une situation de délit d’apparence. Et celle du secteur public ou privé qui exploite par anticipation en connaissance de cause des informations non connues du public de nature à rompre l’égalité des chances sur le cours d’une activité économique commet un délit d’initié. Pour le financement occulte des partis, la loi souligne qu’un responsable de parti politique qui reçoit un financement occulte au profit de son parti encourt une peine de deux à cinq ans de prison et une amende de deux à dix million de francs. La personne qui finance de manière occulte est frappée des mêmes peines.
De la corruption et de la fraude électorale
La loi punit d’une amende de cinq millions à dix millions de francs et d’une peine d’emprisonnement d’un à deux ans et de la privation des droits civiques de cinq ans, toute personne qui se rend coupable de corruption ou de fraude électorale. Il s’agit des pots-de-vin aux acteurs électoraux, l’inscription frauduleuse sur les listes électorales, l’intimidation de certains électeurs, l’altération de l’encre indélébile afin de voter plusieurs fois, les transferts des populations d’un bureau de vote à l’autre, l’utilisation des biens de l’Etat à des fins de campagne électorale.
Des sanctions sont également prévues contre la soustraction de biens dans le secteur privé, le blanchiment des produits du crime, l’entrave au bon fonctionnement de la justice, la dénonciation calomnieuse ou abusive de corruption, la non dénonciation des infractions.
Des circonstances aggravantes
Si l’auteur d’un ou plusieurs infractions est magistrat, un haut fonctionnaire de l’Etat, un officier public, un membre de l’Autorité supérieur de contrôle d’Etat, un officier, un agent de la police judiciaire ou un greffier, il encourt une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans assortie de la même amende prévues pour l’infraction commise.
En cas de condamnation pour une ou plusieurs infractions, la juridiction peut prononcer l’une ou plusieurs des peines suivantes : l’interdiction d’exercer des fonctions ou des emplois publics ou l’interdiction d’exercer ses droits civiques pour une durée qui ne peut excéder cinq ans ou l’interdiction d’obtenir une distinction ou une décoration par l’Etat. Les revenus et les biens illicites provenant de la corruption peuvent être gelés, saisis et confisqués. Les peines prévues par la présente loi sont imprescriptibles lorsque le produit du crime est transféré en dehors du territoire national.
Afin de prévenir et de détecter les transferts des produits du crime, les banques et les institutions financières non bancaires doivent se conformer aux données à caractère personnel, prendre en considération les informations qui leur sont communiquées et tenir pendant un délai de cinq ans au minimum à compter de la date de la dernière opération qui y est consignée des états adéquats des comptes et opérations impliquant les personnes dans des faits de corruption. Après la promulgation de la loi sur la prévention et la répression de la corruption et l’adoption du code électoral modifié, les députés ont commencé l’examen du code minier. Ils auront également à examiner 18 projets de loi portant ratification des accords, un projet de loi sur la création de l’Académie nationale des sciences du Burkina, deux relatifs au statut général des personnels des forces armées, les conditions d’avancement des personnels d’active de l’armée et un autre portant modification de la loi sur le code général des collectivités territoriales.