Comme on ne le sait que trop, en Afrique, on meurt rarement, pour ne pas dire jamais, de mort naturelle, surtout lorsqu’on a occupé une position sociale ou politique des plus enviables.
On vient d’en avoir l’illustration ces jours-ci à Libreville à l’annonce du décès d’André Mba Obame, l’opposant gabonais qui s’est éteint ce dimanche 12 avril 2015 à Yaoundé au Cameroun.
Avant d’en dire plus, rappelons que le fondateur du parti Union nationale avait été à plusieurs reprises appelé au gouvernement sous Bongo père avant de passer à l’opposition. C’est donc à ce titre qu’en 2009 l’ex-ministre et proche de la famille présidentielle avait croisé le fer avec Ali Bongo pour le fauteuil.
Arrivé officiellement en troisième position, selon certains milieux, celui que ses partisans surnommaient affectueusement AMO aurait en fait été le favori des urnes. Et c’est fort de cette certitude qu’il avait revendiqué la victoire, allant même jusqu’à s’autoproclamer chef de l’Etat.
Depuis lors, on le savait malade, souffrant d’un mal qui donnera lieu à toutes sortes de supputations, surtout après que le célèbre opposant eut lui-même jeté un pavé dans la mare, affirmant avoir « été l’objet d’attaques mystiques répétées ».
Vrai ou faux, il n’en a pas fallu plus pour que Libreville s’enflamme et ce, dès l’annonce de son décès. Véhicules incendiés, kiosques PMU renversés et, comme si cela ne suffisait pas, les partisans de l’Union nationale s’en sont violement pris à l’ambassade du Bénin à Libreville, saccageant le bâtiment diplomatique et livrant aux flammes tout ce qui pouvait l’être. Mais alors, pourquoi un tel acharnement sur une mission diplomatique et plus particulièrement celle du Bénin ?
C’est que selon une conviction largement répandue, la main qui a « travaillé », comme on le dit chez nous, le regretté AMO procéderait du monde invisible du Vaudou.
Oui, du Vaudou dont le Bénin serait la Rome et la Mecque. Qui pis est, et pour ne pas arranger les choses, l’inamovible directeur de cabinet d’Ali Bongo, Maixent Accrombessi, considéré comme l’homme par l’entremise duquel le mal étrange a eu raison de l’opposant, se trouve être d’origine béninoise.
Et voilà comment de préjugés en raccourcis superstitieux la foule en quête d’un bouc émissaire n’a rien trouvé de mieux que de se défouler sur une représentation diplomatique.
Ah ! Irrationnel, quand tu nous tiens !
H. Marie Ouédraogo