Deux fois par semaine, le matin entre 4h et 6h, elles investissent les artères de la ville de Sya, balais en main. Il s’agit des femmes de la brigade verte de la commune de Bobo-Dioulasso, rétribuées en fonction de leur nombre de sorties dans le mois. Une incursion matinale nous a permis de découvrir les conditions de travail de ces amazones de la propreté.
Il est 4h 45 mn sur la place de la mairie centrale. Des coups de balais se font entendre, la poussière s’élève. Aux premières heures matinales de ce mercredi 6 mars sur la ville encore endormie, des femmes sont à l’œuvre. Il s’agit de celles de la brigade verte de la mairie. Deux fois par semaine, elles balaient les principales rues de la ville de Bobo-Dioulasso pour offrir une ville propre et saine aux Bobolais. « Je suis membre de la brigade verte depuis sa création en 1998 », déclare Fatimata Sanou entre deux coups de balais. Elle affirme qu’elle quitte à pied Tounouma trente minutes avant l’heure, pour venir faire son travail. Non loin de là, sur l’Avenue de la révolution, d’autres femmes sont à l’œuvre. Devant le Théâtre de l’amitié, une autre équipe est également à l’œuvre. Ces amazones de la propreté de la ville de Bobo-Dioulasso sont au total 748, réparties dans les trois arrondissements de l’ancien découpage de la ville. Zou Sanou avec ses deux balais en main devant le Théâtre de l’amitié, évoque les dangers auxquels elles sont exposées. « De nos domiciles jusqu’au lieu de balayage, nous sommes souvent attaquées par des personnes de mauvaise intention qui pensent qu’on a de l’argent sur nous ». Elle poursuit en racontant que des balayeuses ont été souvent agressées, tabassées, blessées, et que les engins de certaines d’entre elles ont été volés. Il y a aussi des risques de viol. Cependant, malgré toutes ces difficultés et risques, les femmes s’adonnent à cette activité de nettoyage. « L’une des motivations de ce boulot, c’est d’avoir un minimum pour nourrir nos enfants », affirme Opportune Somda née Somé. Selon elle, « même si le mari donne de l’argent, il faut se battre pour en avoir pour soi-même ». Parmi les membres de la brigade verte, il y a des veuves qui n’ont aucun autre choix que de se battre pour subvenir elles-mêmes à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.
« Notre argent est béni »
En ce qui concerne la rémunération, ces femmes reçoivent 1 000 F CFA par sortie effectuée sur le terrain. Aussi à la fin du mois, elles peuvent ainsi obtenir 8 000 F ou 9 000 F. « L’argent qu’on gagne n’est pas beaucoup, mais il est béni, car c’est le fruit de notre sueur », laisse entendre fièrement Fatimata Zouré. Il y a des mois comme celui de fevrier qui vient de s’achever où elles ont effectué des sorties supplémentaires pour balayer la voie de « Bobo 2010 » ainsi que celle qui mène à la résidence du maire. Certaines ont reçu 1 000 F de plus, d’autres 2 000 F et d’autres encore 3 000 F. Pour pouvoir joindre les deux bouts avec cet argent, les femmes organisent des tontines. Elles cotisent ainsi jusqu’à 100 000 F CFA qu’elles remettent à l’une d’entre elles à la fin du mois, et ainsi de suite à tour de rôle jusqu’à ce que tout le monde ait ce montant. Avec cette astuce, elles arrivent à résoudre beaucoup de problèmes, note Mme Somda. « L’argent de notre travail nous permet de payer la scolarité de nos enfants, de payer la nourriture et de nous vêtir ». Elle a fait savoir que certaines d’entre elles ont même construit des maisons, tandis que d’autres payent leurs loyers de cette façon. Les tontines effectuées par ces dames ne se limitent pas seulement à l’argent, mais aussi à du matériel comme les nattes, marmites et chaises, entre autres. Pour Bibata Sanou qui est une « surveillante de chantier », son boulot consiste à circuler dans les zones qui sont sous sa responsabilité, pour observer le travail des balayeuses et leur donner d’éventuelles informations venant des autorités par l’entremise de leur chef d’équipe. A leur tour, si les femmes ont des doléances, Abibata Sanou les recueille chez leur chef d’équipe pour informer les autorités. Elle établit également la liste de présence. « On vérifie tout et après, on revient au bureau pour faire le compte-rendu à notre patron », termine-t-elle. Au vu du démarrage très bientôt de la nouvelle mandature au niveau communal, la brigade verte égrène ses doléances. Kobenti Emilienne Coulidiaty, surveillante de chantier, souhaite que les autorités municipales leur trouvent des motos pour leur déplacement, de même que de l’essence. Elles souhaitent également la prise en charge des femmes blessées dans l’exercice de leur métier. Pour le chef de la section nettoiement et salubrité à la Direction des services techniques municipaux de la commune de Bobo-Dioulasso (DSTM), Salia Sanou, la commune est consciente de l’apport considérable des dames sur la visibilité et la clarté de la ville. C’est pourquoi dit-il, les autorités comptent s’atteler dans la nouvelle mandature, à augmenter leur rémunération qui devra passer de 1 000 F à 1 500 F par sortie. Pour lui, il ne faut pas perdre de vue l’esprit social des autorités de la commune qui ont créé la brigade verte pour soutenir des dames qui étaient à la maison et ne sachant quoi faire. Les femmes de la brigade verte, pour rendre plus opérationnel leur travail, se sont regroupées en association. Ainsi est née celle portant le nom : « Les amazones de la propreté de Bobo-Dioulasso » en 2010. Pour sa présidente, Opportune Somda, l’objectif visé est de pouvoir mener d’autres activités, en plus du balayage. C’est ainsi qu’aujourd’hui, elles fabriquent du savon. Elles organisent également des cours d’alphabétisation, leur permettant de suivre une formation en aviculture et de bénéficier chacune d’un coq. Chaque femme est invitée à trouver des poules pour ce coq. A l’occasion du 8-Mars cette année, elles ont pris l’initiative de balayer les principales artères de la ville de Bobo-Dioulasso.
Selon la présidente, c’est ainsi leur contribution au rayonnement de la ville de Sya, car la propreté crée la santé. En ce qui concerne le djandjoba, elle estime qu’il est bon de s’égayer lors des grands jours, mais qu’il ne faut pas se limiter à ça. L’association des balayeuses a reçu des soutiens comme celui de Zoonta club qui leur a permis de faire des dépistages de maladies. « Celles qui souffraient du cancer du col de l’utérus ont été prises en charge jusqu’à leur guérison totale », assure-t-elle.
Il faut rappeler que si l’association des amazones existe depuis 2010, c’est en 1998 que la brigade verte a été créée avec une centaine de femmes. Leur nombre s’est accru au fil des années pour atteindre aujourd’hui 748. Et la commune compte augmenter ce nombre, car il ne couvre pas encore toute la ville.