On reparle des exactions de l’armée malienne, commises dans sa reconquête des villes du Nord-Mali à l’ombre de la Grande muette française. C’est le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) qui vient de remettre le sujet à l’ordre du jour avec la demande faite au procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI), le 5 mars dernier, d’ouvrir une enquête sur « les crimes qui auraient été commis par l’armée malienne ». A en croire le MNLA, les parages de Tombouctou, Douentza, Gao, Sévaré, Boni et Konna seraient les lieux de tortures, d’exécutions sommaires et de disparitions dont se serait rendue coupable l’armée malienne à l’encontre des Peulhs, des Touaregs, des Arabes et des Songhaï. Le mouvement ne précise pas les reproches faits à ces groupes ethniques. Toutefois, la couleur de leur peau et leurs accointances supposées avec les terroristes, les djihadistes et les indépendantistes sont la cause de la misère faite à ceux dont le sort préoccupe aujourd’hui le MNLA. On ne nie pas la réalité des exactions que les médias ont abondamment évoquées et contre lesquelles l’armée malienne a pris des mesures. Des militaires soupçonnés de s’être livrés à des exactions ont récemment été arrêtés au front et transférés à Bamako pour que la lumière soit faite sur ces agissements qui ternissent davantage l’image d’une armée qui n’était déjà pas reluisante. Bon nombre d’organisations de défense des droits humains n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme sur le sujet. A priori, la démarche du MNLA est à saluer. Mais il y a un hic : ce mouvement se comporte comme une sainte nitouche dans ce qui arrive actuellement à l’ancien Soudan français. Or, c’est lui qui a déclenché l’occupation du septentrion malien. Pour occuper le terrain, les Azawadiens ont commis des crimes. On se rappelle du massacre des militaires maliens désarmés à Aguelhoc en janvier 2012 aux tout premiers moments de la conquête à avant-poste de laquelle était le MNLA avant que les autres mouvements terroristes et djihadistes ne le délogent de ses différentes positions. Aujourd’hui, c’est ce mouvement qui trouve que l’armée malienne commet des crimes contre des couches sociales accusées d’avoir pactisé avec les occupants. Et sans gêne, il se tourne même vers la CPI pour qu’elle vienne enquêter. C’est le comble, serait-on tenté de dire. Le MNLA se comporte comme un voleur qui crie au voleur, joue les vierges effarouchées. Son comportement n’est rien d’autre qu’une attitude pour se donner bonne conscience et aussi pour survivre politiquement. Mis hors jeu par les autres mouvements (AQMI, Asar Dine, MUJAO), le MNLA tente, par tous les moyens, de revenir, de se rappeler aux bons souvenirs de ceux qui font actuellement le coup de feu contre les occupants illégaux et illégitimes du Nord-Mali. Sa toute première attitude a consisté à jouer les supplétifs de l’armée française pour l’aider à traquer les terroristes et les djihadistes.
Mais cela semble ne pas suffire et il faut maintenant amadouer la CPI. Toutefois, cette offensive sur le terrain judiciaire a toutes les chances d’avoir l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. En effet, le mouvement enfonce des portes grandement ouvertes, étant donné que la CPI avait fait savoir, bien longtemps, qu’elle allait enquêter sur les crimes commis au Mali par les différents camps. La juridiction a même dans son viseur le capitane Moussa Haya Sanogo pour les violations des droits humains commises pendant et après son putsch du 22 mars 2012. En d’autres termes, le MNLA rappelle à la CPI ce qu’elle a décidé de faire. Le mouvement pense certainement bien faire et agit comme une victime de ce qu’il dénonce. Ce qui est loin d’être le cas. Mais il ne suffit pas seulement de se dire victime d’un crime du ressort de la CPI pour la saisir. Il faut aussi avoir la qualité pour agir. Or, le mouvement n’en a pas. Au terme du statut de Rome qui crée la CPI, il faut être un Etat-partie audit statut pour agir. Sauf erreur de notre part, le MNLA est un mouvement indépendantiste armé et, à ce titre, il ne peut ni ratifier encore moins signer le statut de Rome. Seul l’Etat malien peut le faire et peut saisir la juridiction internationale pour des crimes pour lesquels elle est compétente à savoir des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité. Mais si le mouvement ne s’est pas gêné pour faire appel à la CPI, que sa volonté soit donc faite ! Le retour du bâton est inévitable et la surprise pourrait être grande s’il pensait ainsi faire oublier ses propres crimes étant donné qu’il n’y a pas de guerre propre. L’arroseur qui se fait arroser est toujours le premier à être grandement surpris par ce qui lui arrive.