Les lampions se sont éteints ce 2 mars sur la 23e édition du FESPACO. En attendant le bilan des organisateurs, on peut d’ores et déjà soutenir que l’édition 2013 du FESPACO a été une grande fête, une réussite. Malgré la mauvaise publicité gratuite faite par les barbus au détriment de notre sous-région, le festival a connu une grande affluence. Et comme tout festival qui se respecte, le FESPACO a répondu à l’attente des cinéphiles en leur offrant de très belles affiches et un programme d’ensemble alléchant. La polémique était également au rendez-vous avec le débat sur le numérique ! Oui, sacré numérique !
Fermez-lui la porte, il vous revient par la fenêtre. Ces remous qu’il faut accueillir avec une hauteur de vue, sont la preuve que dans la vie comme dans la fiction, rien n’est définitivement acquis une fois pour toute. Croire le contraire, c’est se payer de grosses difficultés à moindre frais. Ce FESPACO-là a eu également le mérite de faire indirectement le diagnostic du cinéma et des cinéastes du Burkina. Et à ce niveau, on a comme l’impression, vu la moisson, que le mal est profond. Le milieu du cinéma au Burkina est peuplé beaucoup plus par des « has been », des anciennes gloires que par des espoirs. Cela peut choquer mais, il faut le dire. Sans une remise en cause profonde, sans une sorte d’électrochoc, on court le risque de voir le cinéma burkinabè mourir. Ce ne sont pas les films à deux balles qui vont réécrire l’histoire glorieuse du cinéma burkinabè. La période où le cinéma bénéficiait de grandes subventions ou de facilités de financement, relève du passé. Aujourd’hui, le nombre de cinéastes s’est accru pendant que les sources de financement sont restées les mêmes sinon, ont tari du fait des successives crises économico-financières. Alors, question : que fait-on en pareil cas ? Réponses : être plus sélectif ; donner la chance à ceux qui n’en avaient jamais bénéficié. Or à ce jeu-là, le cinéma burkinabè ne semble pas le mieux préparé. Les acquis n’ont pas été préservés. La capitalisation des expériences, des forces, des capacités… n’a presque pas eu lieu. Une industrie du cinéma n’a pas été mise en place. Les infrastructures ont été déstructurées, bradées, détruites, les équipements sont vétustes. Que reste-il du cinéma burkinabè ? Le FESPACO.
Heureusement qu’à ce niveau, la maison a toujours été bien gardée. « Rien n’est jamais acquis à l’homme ni sa force ni sa faiblesse », a écrit Brulo Garlatti dans son ouvrage intitulé « Rien ». En effet, tout est en perpétuel changement. Tout est en mutation. Tout bouge. Si la terre elle-même tourne, ce n’est certainement pas nous, simples mortels, des microcosmes dans un macrocosme qui pouvons arrêter la marche des choses ! Réfuter cette thèse, c’est donner raison à ce proverbe africain selon lequel « l’arbre que la tempête va renverser ne voit pas l’orage qui se prépare ». Mieux vaut, à notre avis, s’inscrire dans la logique de Cheick Hamidou Kane : « La pensée de la mort tient le croyant éveillé ».
Au Burkina Faso, certains d’entre nous n’ont pas encore compris que l’ère des victoires solitaires est révolue. Et cela vaut surtout dans le cinéma, un travail à la chaîne… Le récent succès de notre équipe nationale de football à la Coupe d’Afrique des nations est la preuve que quand on se met ensemble, on peut réussir de grandes choses. Même si là aussi, d’aucuns parlent de succès d’un « petit Burkina », notre avis est que mieux vaut un petit pays qui gagne qu’un grand pays qui est souvent la risée du monde dans bien de domaines. Passons.
Pour le cinéma burkinabè, depuis quelques temps, les FESPACO se suivent et se ressemblent. Les attentes sont grandes mais à l’arrivée, les résultats sont maigres. Même si la maigreur n’est pas aussi difficile à porter que l’obésité, il est des circonstances dans lesquelles mieux vaut faire le choix de l’obésité.
On ne peut réussir de grandes choses avec de petites ambitions. Pendant que le cinéma burkinabè se débat ou « se cherche » comme aiment à le dire certains cinéastes du pays (« on se cherche »), ailleurs, on semble être dans une meilleure posture (« on s’est retrouvé »). Et les résultats l’attestent. Le Gabon, pays invité d’honneur du présent FESPACO a montré qu’une organisation était en place et que les fruits sont à venir. Tout porte à croire que dans ce pays, le cinéma, ce n’est pas du cinéma. Le Sénégal qui était là dès les premières heures du FESPACO et dont les acteurs (comédiens, musiciens, réalisateurs…) ont contribué à rehausser la biennale du cinéma africain, a enfin réussi à se hisser sur la plus haute marche du podium. Comme quoi, le passé doit déterminer le présent et surtout qu’on ne peut pas s’appuyer sur du vide pour s’élever. Pendant ce temps, le cinéma burkinabè se cherche. Pendant que dans les pays francophones en général, une bonne organisation en matière de cinéma tarde à se mettre en place, pendant que le printemps arabe consacre, dans certains pays, l’automne du cinéma, pendant que les pirates de l’art ne se sont jamais autant bien portés, pendant ce temps donc, dans les pays africains qui ont « eu la chance » d’être colonisés par les Anglais, la production cinématographique bat son plein. Au Ghana, au Nigéria (pour ne citer que ces deux-là), l’industrie du cinéma n’est pas une fiction. Dans ces pays, le cinéma est un véritable business, pourvoyeur d’emplois et de richesses.
Bref !
Espérons que la revalorisation annoncée des prix du FESPACO va enfin sortir le cinéma burkinabè de son profond sommeil. Espérons que les jeunes qui, contre vents et marrées, ont tiré leur épingle du jeu à ce FESPACO ne sombreront pas dans l’autosatisfaction. Espérons que dans un proche avenir, on pourra dire du cinéma burkinabè qu’il a souffert mais grandi.