Elle se nomme Marie-Christine Saragosse. Depuis le 7 octobre 2012, elle est la présidente directrice générale de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF). Ancienne directrice générale de TV5Monde, Marie Christine Saragosse est une habituée du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Dans l’entretien qui suit, elle décrit ses ambitions pour l’AEF, évoque le partenariat entre les médias dont elle a la charge avec le FESPACO et réaffirme sa fidélité à la biennale du cinéma africain et au Burkina Faso.
Sidwaya (S) : Depuis octobre 2012, vous êtes à la tête de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF) qui regroupe France 24, RFI et la radio en langue arabe Monte Carlo Doualiya. En quoi consiste votre mission à la tête de cette grosse entreprise médiatique ?
Marie-Christine Saragosse (M-C S) : Les deux radios RFI et Monte Carlo Doualiya, et la chaîne de télévision France 24, sont diffusées dans 200 pays sur les cinq continents, comme la chaîne francophone TV5 Monde que je dirigeais auparavant. J’en profite pour saluer son nouveau directeur général, Yves Bigot. Ma nomination au poste de PDG de l’AEF s’inscrit dans un projet visant à réaffirmer l’identité de ces trois médias et à assurer leur rayonnement mondial, tant sur les supports classiques de diffusion qu’à travers les nouveaux médias. France 24 est une chaîne d’information continue qui s’adresse aux Francophones, aux Anglophones et aux Arabophones, avec ses trois antennes distinctes. RFI est une radio d’actualité, de réflexion et de découverte très ancrée dans le paysage radiophonique mondial, tout particulièrement en Afrique, et propose en plus du français, des programmes et informations en douze langues étrangères à travers le monde. Enfin, Monte Carlo Doualiya est la radio généraliste de la liberté et de l’universalisme en langue arabe qui rencontre un large public dans les pays du Proche et du Moyen-Orient. La force de ces médias réunis permet de mettre en œuvre des projets ambitieux en phase avec nos missions de service public mondial, comme la défense de la liberté et du pluralisme de l’information, la promotion des valeurs démocratiques, de la laïcité, de l’égalité des femmes et des hommes, du respect de la diversité....
S. : Vous êtes en train de remettre en marche cette « société qui était à l’arrêt », selon vous. Quel remède avez-vous trouvé pour sa relance ?
M.C.S. : Les personnels de RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya ont été marqués par deux plans de départs volontaires non ciblés, un projet de fusion incluant des rédactions aux cultures différentes et un déménagement mal vécu, sur une période très resserrée. Ces mesures avaient entraîné un dysfonctionnement de la société fusionnée au niveau de ses procédures et de son organisation. Pour autant, la qualité des trois médias et leurs contenus n’ont pas été impactés, en raison du très grand professionnalisme des équipes. Dès ma nomination j’ai rencontré l’ensemble des services, puis organisé des séminaires stratégiques participatifs qui ont servi de socle à l’élaboration du plan stratégique. Cet exercice a suscité une très forte mobilisation des équipes. En parallèle, j’ai renoué avec le dialogue social et organisé, grâce à la mobilisation de tous, le déménagement de RFI qui a rejoint depuis dix jours les locaux adjacents à ceux de France 24, aux côtés de Monte Carlo Doualiya.
S. : Envisagez-vous des réformes profondes pour atteindre vos objectifs ?
M.C.S. : Le cœur de la réforme c’est de ne pas fusionner les rédactions et de réaffirmer l’identité et les métiers de nos médias, dans le cadre d’une société fusionnée en ce qui concerne ses services supports (finances, ressources humaines, techniques, mais aussi distribution et communication. Ces services qui regroupent des salariés provenant des différents médias doivent mettre en place une organisation et des processus de travail communs. Il s’agit également d’adapter l’organisation des instances sociales de l’entreprise à sa nouvelle réalité. Enfin, l’enjeu majeur c’est de mettre en œuvre le plan stratégique pour donner leur pleine portée à nos médias dans un paysage audiovisuel mondial plus concurrentiel que jamais.
S. : Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou est un événement auquel vous participez régulièrement. Pourquoi cette fidélité à la biennale du cinéma africain ?
M.C.S. : Depuis toujours, le FESPACO est le lieu qui permet l’émergence et la reconnaissance d’un cinéma africain à vocation universelle. Ce festival permet d’en saisir les grandes tendances, reflets d’une société africaine en plein essor. On y repère les réalisateurs qui montent, et tout particulièrement les réalisatrices qui ont souvent derrière elles un véritable parcours « de la combattante » pour parvenir à être reconnues. Je suis heureuse que le déjeuner qui leur est dédié, que j’avais contribué à mettre en place avec Denise Epoté, la directrice de TV5Monde Afrique, lors de la précédente édition soit renouvelé cette année. C’est à la fois un moyen de leur rendre hommage et une occasion de leur offrir un lieu de rencontre, d’échange et une tribune médiatique. D’une manière générale, en donnant cet écho panafricain et mondial qui aide à la reconnaissance des talents du continent, et grâce à sa programmation de grande qualité, le FESPACO est devenu un événement cinématographique et télévisuel de référence. D’un point de vue plus personnel, mon attachement à ce Festival est d’autant plus fort que je me sens « citoyenne de cœur » du Burkina Faso.
S. : Y a-t-il un partenariat en vue entre le FESPACO et l’AEF ?
M.C.S. : Pour la première fois, cette année, tous les médias qui composent notre groupe sont partenaires du FESPACO. Nous avons mis les « bouchées triples » ! RFI bien sûr, partenaire historique du Festival, est de nouveau fortement présente cette année avec un dispositif éditorial important. L’actualité du Festival est traitée dans les journaux chaque jour par nos envoyés spéciaux, et nous profitons de l’occasion pour lancer « Tous les cinémas du monde » un nouveau rendez-vous hebdomadaire dédié au 7ème art. Le premier numéro sera réalisé à Ouagadougou le 2 mars à la veille du palmarès du FESPACO. Avec les équipes, nous souhaitions lancer cette nouvelle émission ici et nulle part ailleurs ! La directrice de RFI, Cécile Mégie, a d’ailleurs fait le déplacement pour son lancement. RFI a également offert la traditionnelle soirée en l’honneur des festivaliers, en partenariat avec TV5 Monde et Canal+Afrique. La chaîne d’information continue, France 24 est également partenaire du festival cette année. Tout au long de la semaine, des sujets traiteront l’actualité du FESPACO sur les trois antennes (en français, en anglais et en arabe), il y aura des rencontres avec des réalisateurs présents sur place, des duplex dans les journaux. Enfin, Monte Carlo Doualiya, la radio arabophone, est aussi mobilisée pour rendre compte de l’événement.
S. : Comment France 24 et RFI contribuent-elles à promouvoir le cinéma africain ?
M-C S : Alors que le format généraliste de TV5Monde permet de diffuser des films du continent, RFI et France 24 ont vocation à donner envie d’aller les voir. Ainsi, l’ensemble des chaînes françaises et francophones internationales, dans toute leur complémentarité, sont les porte-voix du cinéma africain à l’échelle de la planète.
S. : Comment les Africains peuvent-ils bénéficier de l’appui des médias européens, notamment français, dans la diffusion de leurs films ?
M.C.S. : Parmi les axes retenus dans notre plan stratégique, les partenariats occupent une place centrale. Etre partenaire de la sortie de certains films « coups de cœur », en les valorisant sur nos antennes, peut contribuer grandement à leur promotion. L’existence d’une émission cinéma sur RFI, tout comme la présence d’émissions culturelles sur France 24, crée autant de lieux de mise en vitrine des films, et tout particulièrement du cinéma africain.
S. : Quels sont les grands projets de l’AEF pour le continent africain où vous avez un grand public ?
M.C.S. : RFI et France 24, effectivement déjà très suivies sur le continent africain, doivent s’attacher à la fois à conserver cette position forte dans un paysage de plus en plus concurrentiel, et poursuivre leur développement dans certaines zones, notamment en Afrique anglophone. Ce sont de véritables médias panafricains qui doivent l’être dans toute la dimension du terme, du Nord au Sud, d’Est en Ouest du continent. L’enjeu d’une présence sur la TNT est également au cœur des objectifs des prochaines années pour France 24, à l’heure où le continent passe à la distribution numérique. Notre présence sur les nouveaux médias est aussi un axe de développement majeur, et particulièrement dans le domaine de la mobilité (téléphones portables) qui est très répandue dans un nombre croissant de pays d’Afrique. D’un point de vue éditorial, RFI et France 24 doivent garder leur statut de chaînes référentes en matière d’information. L’existence d’un réseau à la fois très dense et très professionnel de correspondants locaux est à cet égard un atout qu’il faut cultiver. Nos médias s’attachent à montrer toutes les réalités africaines, et en particulier celles qui font « l’Afrique qui gagne ». Ils en sont la caisse de résonnance à l’échelle du monde. Ici, à Ouagadougou, nous sommes les partenaires des cinéastes, mais à Brazzaville nous avons tendu nos micros aux écrivains africains, et à Kinshasa nous avons fêté les 15 ans de RFI Planète Radio, en organisant un grand concert où l’artiste congolais Jupiter unissait sa voix à celle de Grand Corps Malade, le slameur français.