C’est l’histoire d’un pays où tout se termine bien. Après une parenthèse dictatoriale « inutile » sous Moussa Traoré, le Mali devient un pays où la liberté, et surtout la démocratie ont fini par triompher, de manière décisive. Mais à l’heure actuelle, dans le même pays, au XXIe siècle, cherche à s’imposer l’intolérable le plus irréparable : le terrorisme djihadiste. Longtemps, les sociétés africaines contemporaines ont cru qu’elles pouvaient demeurer, tranquillement, à l’écart du phénomène terroriste. Souvenons-nous, après les attentats spectaculaires inconcevables du 11 septembre 2001, perpétrés contre l’Amérique par les terroristes se revendiquant d’Al Qaïda, on pouvait voir fleurir dans plusieurs capitales, surtout ouest-africaines, beaucoup d’effigies à la gloire d’Oussama Ben Laden, l’ex-chef d’orchestre de cette nébuleuse de fanatiques. Au Nord-Nigeria, plus précisément dans l’Etat de Kano, à la même époque, on a pu constater que de nombreux parents prénommaient « Oussama » leurs progénitures nées après le 11 septembre 2001. Ironie de l’histoire, c’est au sein de l’Etat fédéral nigérian qu’on a vu naître, en Afrique de l’Ouest, une organisation islamo-terroriste qui revendique son amour, des principes et des modes opératoires de cet outil de haine fondé par Ben Laden. Ironie de l’histoire, Boko Haram (puisque c’est de cette organisation dont il est question) a choisi comme principales cibles, tous ces musulmans pacifiques qui se mobilisent, au Nigeria, pour diffuser la tolérance, la fraternité et l’amour entre les hommes. Au Nord-Mali, la guerre continue, l’ennemi n’est pas près de disparaître, et la paix est loin d’y être installée. Soyons réalistes : cette guerre contre les djihadistes va durer. N’oublions jamais cette loi de l’histoire : on ne peut pas arrêter le futur parce qu’on pense contrôler le présent. Actuellement, les armées française, africaine et malienne sont plus puissantes que les djihadistes en armement et puissance de feu. Mais face à elles, l’ennemi a choisi de mener avec des attentats terroristes, et des attaques kamikazes, une véritable guerre d’usure. Rappelons ici que cette stratégie de l’usure consiste à faire perdre, peu à peu, à ces armées coalisées, leur potentiel de situation, jusqu’à provoquer un renversement du rapport de forces existant sur le terrain. C’est sur ce registre stratégique qu’il faut bien comprendre les menaces proférées contre les capitales africaines par les terroristes djihadistes, notamment par le MUJAO. Evidemment, ces menaces d’attentats et d’attaques terroristes doivent être prises au sérieux par les gouvernants ouest-africains. Car, nous avons affaire à des individus, certes, fanatiques, mais qui sont et restent cohérents puisqu’ils ont sur nous cet avantage de ne jamais douter. Et leur stratégie consiste à déjouer constamment la vigilance des Etats ouest-africains avant de passer plus facilement à l’action. Les djihadistes sont des adeptes de l’effet surprise, et ils savent bien qu’avec le reste de l’humanité, ils n’entretiennent pas le même rapport au temps, et surtout à la vie. Les terroristes se définissent par leur capacité à tirer profit des circonstances, cet art que les Grecs nommaient la « métis ». Les menaces terroristes contre les populations civiles ouest-africaines, constituent un nouvel élément qui va durablement changer le visage de la guerre actuelle au Nord-Mali. Il s’agit ici bel et bien d’un terrorisme aveugle, ignorant toute notion d’ami et d’ennemi, comme on a pu le voir dans les conflits classiques. La guerre ou la lutte contre le terrorisme aveugle n’a rien à voir avec les logiques de guerres civiles, révolutionnaires ou frontalières. C’est pourquoi, ce sont les citoyens eux-mêmes qui doivent se lever, avec vigilance, détermination et surtout avec un immense esprit de sacrifice, pour rendre ridicules et inopérantes les menaces des djihadistes. Toutes les populations ouest-africaines sont donc condamnées, face à de telles menaces, à une véritable révolution mentale. L’histoire de l’humanité nous l’a suffisamment enseigné : on ne doit jamais discuter avec la haine, fût-elle religieuse ; on la combat. Au fond, personne n’arrive à apporter une réponse claire et solide, à notre époque, à cette redoutable interrogation que soulèvent les terroristes djihadistes : que veulent-ils ? Au Nord-Mali, il faut empêcher, par tous les moyens, la sanctuarisation totale de cette « zone grise » par les djihadistes, en portant de sérieux coups à leur stratégie de harcèlement et d’encerclement. N’oublions pas que , dans cette région du Mali, AQMI, depuis plusieurs années, a mené un gros travail d’enracinement et de propagande auprès des populations. A cela, il faut ajouter leur maîtrise parfaite de la géographie physique de cette région. Il faut éviter la « somalisation » du Mali. De même, le développement d’un activisme terroriste, en Afrique de l’Ouest, accentuera l’isolement, voire la faillite économique de nos Etats. On voit mal comment des investisseurs occidentaux et asiatiques essaimeront sur cette partie du continent, si celle-ci se trouvait confrontée à une « pandémie » d’attentats terroristes. Répétons-le, un fanatique n’a pas de doute, et on ne ressort jamais facilement d’une vision extrémiste du monde. Comme le disait si bien Voltaire, « Qu’ils commencent par n’être pas fanatiques pour mériter la tolérance » ! Or, les « nouveaux terroristes » ont choisi d’introduire dans nos vies intérieures, une forme de discontinuité bergsonnienne. Avec nos Etats si fragiles et vulnérables, il faut craindre qu’en l’absence de véritables stratégies destinées à combattre le mal terroriste, cela n’engendre chez les populations, des sentiments de peur, de frustration, de colère et de dépit. On ne peut l’éviter qu’en faisant le choix face aux menaces d’attentats terroristes, de devancer le futur. L’Afrique se retrouve, contrairement aux pseudo-prophéties de certains experts occidentaux, au centre de cette guerre contre les nouvelles formes de terreur. L’idée d’un abandon stratégique de ce continent, après la guerre froide, relevait purement et simplement d’une conception imaginaire de l’histoire. La guerre est le moyen d’une fin qui est politique. Seule la paix peut servir le monde. Mais, face au terrorisme djihadiste, ne rêvons pas d’une victoire totale, encore moins d’un repos éternel. Ici, rien n’est donc joué d’avance. Et, rien de pire, en revanche que de céder aux menaces des terroristes. Mais, les prendre au sérieux, c’est déjà commencer à les vaincre.