Les députés du Burkina Faso ont adopté mardi un nouveau code électoral controversé interdisant aux partisans du président déchu Blaise Compaoré de participer aux scrutins d’octobre, à rebours des scrutins "inclusifs" exigés par la communauté internationale.
Cinq mois après la chute du "beau Blaise", les chances de ses proches de reprendre le pouvoir légalement s’amenuisent. Sept cadres de l’ancien régime, dont trois ministres, ont été interpellés pour des "malversations présumées", selon un communiqué des autorités.
Une huitième personne, soutien de Djibrill Bassolé, l’ex-chef de la
diplomatie de Blaise Compaoré, candidat vraisemblable et postulant sérieux à la présidentielle d’octobre, a été arrêtée pour "activités politiques illégales" et "incitation à des troubles à l’ordre public", a-t-on indiqué de même source.
L’adoption du projet de loi modifiant le code électoral s’est faite dans l’euphorie générale. Des cris de joie ont ponctué le résultat du vote à main
levée : 75 voix pour, 10 contre et 3 abstentions, a constaté l’AFP.
"L’histoire est en marche !", s’est réjoui Chérif Sy, le président du Conseil national de transition (CNT), l’assemblée intérimaire. "Notre peuple continue à s’exprimer pour conduire notre pays vers la renaissance démocratique", a-t-il observé.
Le groupe parlementaire représentant les forces de sécurité burkinabè (25 députés) avait appelé à soutenir le texte, signe d’un aval tacite de l’exécutif. Le ministre de la Défense Isaac Zida est également le Premier ministre burkinabè.
Le projet de loi, dans sa dernière mouture, rend "inéligibles" les
personnes ayant "soutenu un changement inconstitutionnel portant atteinte au principe de l’alternance démocratique".
Ce texte fait référence à la tentative de révision de la Constitution fin octobre par Blaise Compaoré afin de se maintenir au pouvoir, et qui avait finalement causé sa chute.
Vouloir modifier la Loi fondamentale était "un crime politique", a affirmé Guy Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen, un collectif qui a agi comme fer de lance dans le renversement de l’ex-président. Il fallait "y apporter une sanction politique", a-t-il asséné.
A l’inverse, l’analyste Siaka Couliably a déploré, auprès de l’AFP, les "préoccupations électoralistes" des députés de l’ex-opposition et de la société civile, qui ont porté la réforme.
- ’Loi d’exclusion’ -
"Ils se sont rendus compte que les rapports de force avec l’ancienne majorité étaient en train de s’équilibrer. Ils ont pris leurs précautions", a estimé ce juriste, regrettant le vote d’une "loi d’exclusion", "maladroite", qui "aura bien du mal à passer au niveau international".
Des élections présidentielle et législatives se tiendront le 11 octobre au Burkina Faso. Elles mettront un terme, une fois leurs résultats proclamés, à une année de "transition démocratique", après 27 années de règne de Blaise Compaoré.
Un telle loi va peut-être "bloquer les financements" des scrutins par la communauté internationale, ce qui fragiliserait leur tenue, craint M. Coulibaly.
Le texte doit encore être validé par le Conseil constitutionnel puis promulgué par le président Michel Kafando.
"Comme nous sommes dans un Etat de droit, le Conseil constitutionnel dira le droit", a commenté Boubacar Bouda, député du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ex-parti présidentiel, dénonçant implicitement l’illégalité du nouveau code électoral.
L’ancienne majorité, très minoritaire à l’assemblée avec seulement 10 sièges, n’avait aucune chance d’inverser la tendance.
Lundi, le CDP a prévenu qu’il s’opposerait "vigoureusement", seul ou avec les "forces politiques et sociales alliées", au vote.
Une centaine de manifestants pro-Compaoré ont manifesté mardi après-midi à environ 800 mètres du CNT, a constaté l’AFP. Tenus en respect par les forces de sécurité, ils ont rapidement été dispersés. Des échauffourées avaient brièvement opposé dans la matinée quelques poignées de manifestants, massés à un rond-point de Ouagadougou, à la police.
Lundi, le ministre de la Sécurité (Intérieur) Auguste Denise Barry a "mis en garde" les "instigateurs de troubles", menaçant d’interpellation toute personne "coupable de trouble à l’ordre public, d’atteinte à la sécurité des personnes et d’atteinte à la sûreté de l’Etat".
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