Les essaims de djihadistes qui terrorisaient le Nord-Mali ont été mis en déroute par les rafales françaises et les forces de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma). En dehors de quelques poches de résistance à Kidal et des tentatives d’attentats-suicides à Gao, on peut dire que le Mali a recouvré son intégrité physique. Mais le problème politique demeure. Il faut maintenant reconstruire le pays. Les autorités maliennes et le médiateur de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ne sont pas sur la même longueur d’onde. Depuis la sortie du président malien par intérim qui a osé dire tout haut que le Blaiso «a été trompé et se trompe sur la crise malienne», l’axe Ouaga-Bamako est en froid. Le remède du médiateur aussi. Et pourtant, l’enfant terrible de Ziniaré tient à vendre sa «solution politique» aux protagonistes de la crise malienne, et pour cause.
Revenant sur le dossier malien, à l’issue du sommet extraordinaire de la Cen-sad qui s’est tenu la semaine dernière à N’Ndjamena, au Tchad, le Blaiso national a déclaré à nos confrères qui étaient du voyage: «En ce qui concerne la crise malienne, il n’y a pas de solution seulement militaire. Il fallait s’engager dans un processus de dialogue politique par rapport à des revendications certes excessives mais tout de même des revendications politiques. Il fallait discuter avec ces mouvements pour arriver à une solution politique tout en ayant à l’esprit que les radicaux étaient à détruire; malheureusement, ces mouvements politiques qui avaient engagé des pourparlers à Ouagadougou avec la partie gouvernementale pour lutter contre le terrorisme et rejeter l’extrémisme ont été débordés; ce qui a conduit à l’attaque de Konna». Entre les lignes de ce speech, il faut comprendre que le médiateur de la Cedeao tient à maintenir certains groupes rebelles dans le jeu de négociation. Or, telle n’est pas la position des autorités maliennes qui ne veulent plus entendre parler d’un quelconque pourparler ni avec le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (Mnla), ni avec Ansar Dine, encore moins avec son aile dissidente qu’est le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA).
Autrement dit, Bamako se ferme dorénavant à toute solution politique négociée avec les rebelles touareg. Elle est même passée de la parole à l’acte en lançant 26 mandats d’arrêt contre des cadres des deux principaux mouvements rebelles. Il leur est notamment reproché des faits de «terrorisme, sédition, crimes portant atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat et à l’intégrité du territoire national par la guerre». Ceux-ci devront également répondre, cette fois-ci devant la Cour pénale internationale (CPI), de «crimes contre l’humanité et des crimes de guerre». La note est bien salée pour ceux qui espéraient voir les autorités maliennes s’asseoir autour de la même table avec leurs frères ennemis touareg.
En corsant ainsi l’addition, Bamako n’a pas moins coupé l’herbe sous les pieds du médiateur Compaoré. Et à tous ceux qui prônent une solution politique. Depuis le décernement des fameux mandats d’arrêt, le Blaiso national ne peut plus recevoir, du moins plus officiellement, ses interlocuteurs «barbus» au palais de Kosyam. Ce qui plombe évidemment la médiation et fait planer des risques de retour à la case départ. Pour sortir définitivement de l’impasse, l’enfant terrible de Ziniaré n’y voit qu’une action concertée qui va au-delà de la vendetta de Bamako. «Nous devons, en tant qu’Etats organisés, faire en sorte que des groupes formés autour d’éléments de basse moralité ne puissent déstabiliser nos pays. Mais la question de la réponse à cette crise demeure. La guerre, ce n’est pas la voie qui peut toujours amener une solution définitive à une guerre du genre si bien qu’en échangeant avec le président Dioncounda Traoré, il est certain que nous allons relancer le dialogue politique dans l’intérêt des Maliens et de la sous-région. Ce dialogue est nécessaire pour lui afin que les Maliens se réconcilient, que les réfugiés puissent se retrouver dans leur zone, mais que les mouvements politiques puissent s’associer à l’ensemble de la communauté ouest-africaine pour rejeter les radicaux islamistes qui organisent des actions terroristes dans cet espace».
Ici également, il faut lire entre les lignes pour voir comment la peine et la peur du médiateur sont grandes. Sa conviction reste finalement que si on ne se donne pas les moyens d’aboutir à une solution politique négociée avec les groupes touareg et mouvements azawadiens, il y a de gros risques de retomber dans les mêmes travers au Mali et dans d’autres pays de la sous-région. Info ou intox?
Quand on a géré une crise ivoirienne où le mal (y) qui minait le pays venait aussi du Nord, on doit savoir de quoi on parle. Pour avoir surtout réussi à apprivoiser les responsables de ces groupes islamistes qui ont pris le dessus sur l’Armée malienne dans la partie septentrionale, le Blaiso sait de quoi il parle. Mais sa maîtrise du sujet et des acteurs ne sont pas seulement des atouts. On se rappelle que dès le début de la crise, certaines voies n’hésitaient pas à soupçonner Ouagadougou d’être de connivence avec les rebelles. En décidant aujourd’hui de fermer la porte au dialogue politique, Bamako semble pencher du côté de ces radicaux pour qui la solution militaire, rendue possible par le concours de la France, suffirait pour régler le problème malien. L’enjeu est de convaincre les autorités maliennes à démêler l’écheveau des vrais et des faux problèmes qui empêchent les Maliens du Nord et du Sud de vivre dans et pour le même pays et de regarder, ensemble, dans la même direction.
Blaise Compaoré réussira-t-il à administrer son remède de «solution politique»? Ce n’est pas évident. Mais il a, sans doute, l’avantage de savoir que sa démarche ne doit pas être solitaire. A l’étape actuelle, il a intérêt à pousser la Cedeao à redéfinir les termes de sa médiation.