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Le Pays N° 5302 du 21/2/2013

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Troupes africaines au Mali : Un silence assourdissant
Publié le vendredi 22 fevrier 2013   |  Le Pays




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Depuis le déclenchement de l’opération Serval au Mali, avec le déploiement des troupes africaines (3 000 soldats environ) dans le cadre de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA), les opinions publiques africaines ont soif d’informations, veulent des nouvelles du front.

De même, à l’intérieur des Etats qui ont envoyé des troupes au Mali, on assiste à un « black out » complet sur la composition des effectifs ainsi que les sites où opèrent les soldats de ces pays. A cela, il faut aussi relever que le caractère non conventionnel de la guerre actuelle ne fait qu’aggraver la dépression communicationnelle et mélancolique des citoyens des pays participant à la MISMA.

Au Mali même, la presse et les médias, semblent mis aux ordres par le commandement militaire, au nom du patriotisme qui exige de ne point faire ici le jeu des ennemis djihadistes. Et, rares sont les images filmées et diffusées sur le déroulement, en temps réel, de cette guerre. Nous avons donc affaire à une guerre sans informations, sans images et jamais nos armées n’auront aussi bien porté leurs titres de « grandes muettes ».Mais à qui la faute ? Reconnaissons-le, en temps de guerre, cet étrange paradoxe et cette tragique et fragile dialectique n’ont jamais cessé de hanter la stratégie de toutes les armées du monde : tout dire, ou ne rien dire ; quoi dire, et comment le dire ?

En vérité, toute guerre est avant tout, une guerre de mots et d’images. Et l’enjeu, dans toutes les guerres, reste toujours le même : contrôler l’information et les images afin d’imposer une certaine perception de la réalité et sa vérité. Aucune armée ne veut être accusée de violer le droit de la guerre ainsi que les conventions internationales.

Dès lors, toute guerre s’affranchit de tout rapport à la vérité, d’où le lien intrinsèque qui existe entre la guerre et la sophistique grecque. D’où la censure opérée par les armées qui ont souvent tendance à diffuser des discours mensongers et des images manipulées pour justifier leur cause, et surtout le sacrifice des vies des soldats, à leurs familles. La hantise de toute armée, c’est d’éviter à tout prix le retournement de son opinion nationale contre la guerre. Du Vietnam à l’Afghanistan, de la Tchétchénie à l’Irak, en passant par l’Algérie, toutes ces guerres ont montré, comme l’avait si bien perçu Camus, que « les mots prennent toujours la couleur des actions ou des sacrifices qu’ils suscitent ». La guerre actuelle au Mali n’échappe pas à cette règle. Qui dit guerre dit mort, vérité et mensonge, et surtout la propagande qui est l’atelier de fabrication par excellence du mensonge. Tout est bon pour une armée dans la défense de sa cause.

Mais n’oublions pas ici que l’armée, c’est aussi le centre névralgique de l’Etat. Or, tant que les Etats se disent souverains et « dogmatisent » cette souveraineté, ils tenteront toujours de décider, d’organiser et d’ordonner leur « vérité », leurs discours, au détriment de toutes les exigences, de toutes les valeurs morales et éthiques. Dans l’histoire militaire de l’humanité, les armées ont souvent et tellement trompé, menti à leurs peuples, de telle sorte que, de nos jours, les citoyens ont du mal à croire à leurs promesses de transparence sur la conduite des guerres. Cela dit, il faut être naïf pour croire au pouvoir de la vérité par elle-même. Et, nous savons bien que toutes les armées craignent d’être vulnérables face à l’ennemi, et qu’il n’a jamais existé de guerre qui n’ait entraîné exactions, violations du droit, et son cortège de deuils. Mais les troupes africaines engagées au Mali, de quelque façon qu’elles appréhendent leur métier et leur mission, ne doivent pas, à l’heure des NTIC, minimiser la soif de vérité, de connaissance et de compréhension des opinions publiques ouest-africaines. Elles ne doivent pas donner cette mauvaise impression que la parole militaire est, par définition, « monologale », c’est-à-dire une parole qui n’écoute personne, refuse toute idée contradictoire et s’en tient à une logique de communication sans partage.

Quant aux médias africains, ils doivent battre leur coulpe et reconnaître qu’ils n’ont pas pu ancrer, en terre africaine, une vraie tradition, de grands reporters de guerre. Et, tant qu’ils ne combleront pas ces lacunes en s’ouvrant sérieusement, aux questions de défense et de sécurité, les opinions publiques africaines n’auront qu’une seule chanson à écouter en temps de guerre : celle de leurs confrères occidentaux.

Abdoulaye BARRO

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