42 camions-remorques en provenance de la république de Côte d’Ivoire, transportant du sucre, ont été interceptés par la gendarmerie de Banfora, chef-lieu de la région des Cascades. Si la SN SOSUCO estime que c’est du commerce illicite, l’importateur, lui se targue d’être dans la légalité, en exhibant des documents signés du tout dernier ministre du Commerce de Blaise Compaoré, Arthur Kafando. De son côté, la gendarmerie a ouvert une enquête sur la question, selon sa direction de la communication.
Tout est parti le mardi 17 mars 2015. La SN-SOSUCO est informée de l’entrée au Burkina Faso de plus de 40 camions-remorques contenant environ 1 800 tonnes de sucre brésilien en provenance de la Côte-d’Ivoire alors que, pendant ce temps, elle a du mal à évacuer un stock de plus de 30 mille tonnes. Alertée, la gendarmerie a intercepté les camions, agissant sur dénonciation de la part de la SN SOSUCO, selon son service de communication. Après une longue halte de plusieurs jours à Banfora, c’est finalement le vendredi 20 mars que le cortège a pris la direction du port sec de Bobo-Dioulasso.
Alors que la consommation nationale du sucre est estimée à 120 000 tonnes par an, la SN SOSUCO ne produit que 40% de la demande. Mais, la SN SOSUCO, selon son directeur général Moctar Koné, n’est pas contre les importations qui d’ailleurs comblent le déficit de la demande nationale. Toutefois, voudrait-elle que celles-ci se fassent dans les règles de l’art. A propos, le directeur général de la SN-SOSUCO explique : « la SN-SOSUCO n’est pas contre les importations parce que nous ne produisons que 40% de la consommation nationale. Nous avons seulement demandé que les importations de sucre se fassent selon les règles édictées par l’observatoire contre la fraude du sucre. Tout est clair à ce niveau. On a bien dit que pour importer du sucre, il faut d’abord acheter une certaine quantité à la SOSUCO. En retour, la SOSUCO délivrera un document au commerçant. Et avec ce document, le commerçant en question peut avoir une autorisation spéciale d’importer (ASI) qui sera signée par le ministre en charge du commerce et ce, avec l’aval de l’observatoire. L’ASI a une durée d’une année ». Mais, déplore-t-il, « ce n’est pas ce que nous constatons sur le terrain. Il y a de gens qui contournent l’observatoire pour se faire délivrer des ASI sans que la structure habilitée en la matière soit associée. Comment vous appelez ça ? A mon sens, c’est ce qu’on appelle fraude».
A qui la faute ? L’Etat ! Indexe la direction générale de la SOSUCO. Pendant que la SN-SOSUCO crie à la fraude, le propriétaire du sucre contenu dans les 42 camions-remorques, appartenant à la société Business Center Ilberic, se targue d’être dans la légalité. Rencontré à Bobo-Dioulasso dans le cadre de cette affaire, le soi-disant représentant de l’importateur signe et persiste quant à la légalité de son commerce. Pendant que le DG de la SOSUCO met en cause les documents présentés par cette société qui du reste, « n’est pas connue dans le circuit des commerçants de sucre », le représentant de l’importateur estime que c’est la SOSUCO qui a une mauvaise politique de vente de sa production. Toutefois, il fait savoir que le quota de sucre à acheter à la SOSUCO avant l’obtention de l’autorisation spéciale d’importer (ASI) est un acquis à leur niveau. Chose que la SOSUCO rejette de toute énergie.
Patiendé Arthur Kafando cité dans le « deal »
Avec un lot de documents en mains, le représentant de l’importateur sort une autorisation spéciale d’importer (ASI) dûment signée le 28 mai 2014 par Patiendé Arthur Kafando, dernier ministre de l’industrie, du commerce et de l’artisanat de Blaise Compaoré. Alors que l’occasion lui est donnée de prouver la légalité de son commerce à l’opinion, le soi-disant représentant de l’importateur refuse non seulement de décliner son identité, mais aussi, rejette toute idée de publication de son ASI. Et selon la direction générale de la SN-SOSUCO qui se trouve être membre de l’observatoire, il n’y a que deux sociétés qui ont obtenu leur ASI en décembre 2014 pour importer 6 000 tonnes de sucre et ce, conformément au circuit préétabli par la législation. Parmi ces deux sociétés, ne figure pas celle qui importait le sucre à bord des 42 camions, selon le DG de la SOSUCO. Toute chose qui, selon lui, confirme le doute de la SOSUCO selon lequel des ASI sont délivrées à l’insu de l’observatoire.
La direction générale de la nationale du sucre est sure qu’il s’agit bel et bien d’une fraude « qui ne dit pas son nom » tout en accusant l’Etat d’avoir démissionné de sa mission de protection des entreprises locales. Par contre, la gendarmerie estime également que l’ASI présentée par le responsable des 42 camions est conforme. Même si par ailleurs elle a, à travers la section de recherche de Bobo-Dioulasso, ouvert une enquête sur l’affaire.
La SN-SOSUCO à genoux sur son propre marché
Les responsables de la SN SOSUCO estiment surtout qu’après avoir démissionné de sa mission de protection des industries locales, l’Etat subventionne le sucre importé et ce, à partir d’une valeur de référence dérisoire fixée à « 190 000 FCFA la tonne ». A cette allure, la sucrerie burkinabé dit ne plus avoir les reins solides pour supporter ce fardeau. « Si rien n’est fait dans les jours à venir, nous serons dans l’obligation de déclarer l’incapacité de paiement » a déploré Moctar Koné tout en invitant l’autorité à mettre les petits plats dans les grands afin d’éviter le chao à la SOSUCO car, regrette-t-il, si la SOSUCO ferme, ce sont 4 000 travailleurs qui vont se retrouvés au chômage. Et il en veut pour preuve, la quantité de sucre stocké dans les entrepôts qui s’élève à environ 32 000 tonnes que la société peine à écouler. Pourtant, dit-il, nous avons fait cette année l’une de nos meilleures campagnes, en termes de production, sans pour autant rien vendre depuis le début. Si les soupçons de la SOSUCO sont avérés, le gouvernement de transition gagnerait à prendre des mesures drastiques pour non seulement préserver l’industrie sucrière nationale, mais aussi l’emploi de ces 4 000 Burkinabés qui risquent de se retrouver au chômage incessamment.
Face à cette situation qui menace la survie de l’entreprise, les travailleurs se sont sentis interpellés. C’est ainsi que le mardi 17 mars dernier, ils se sont mobilisés pour barrer le passage aux camions. Si bien que la gendarmerie qui dit n’avoir aucune preuve contre l’importateur s’est vue obligée d’escorter les 42 camions jusqu’à leur arrivée à Bobo. D’aucuns pourraient penser que la manifestation des travailleurs de la SOSUCO a été inspirée par la direction générale, mais celle-ci rétorque par la négative. Néanmoins, elle est convaincue d’une chose : « les travailleurs ont juste compris qu’à cette allure, l’entreprise pourrait ne plus être en mesure de les garder. Qui ne protégera pas là où il tire sa pitance quotidienne ? La direction n’y est pour rien », dira Roland Diallo, directeur de la qualité de la SN SOSUCO1
Par Lassina Fabrice SANOU & Mady BAZIE