Une manifestation publique sans anicroche en Guinée-Conakry ! Qui l’aurait cru ? Tant la chose paraît inimaginable. Jusque-là, on était si coutumier des manifs qui dégénèrent en bain de sang que personne n’osait parier un kopeck sur le déroulement d’une marche pacifique au pays de Sékou Touré, tant les rivalités et les rancoeurs étaient tenaces. Et pourtant ! L’opposition guinéenne vient de donner la preuve qu’il n’y a rien d’impossible, pour peu que les hommes politiques acceptent de surmonter leur orgueil. En tout cas, ils étaient des milliers, les Guinéens qui, à l’appel de l’opposition, ont pris d’assaut les rues de Conakry, le 18 février dernier, pour exiger du pouvoir des élections législatives libres et transparentes. Tout en scandant des slogans hostiles au pouvoir, les manifestants ont dénoncé le dysfonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante et exigé la possibilité pour la forte communauté guinéenne de l’étranger de voter comme le prévoit le code électoral. Voilà qui est bien beau, puisque tout cela s’est déroulé sans incident majeur et ce, en dépit de l’impressionnant dispositif sécuritaire déployé par les autorités de Conakry. Il y a eu plus de peur que de mal, surtout que la manif en question avait été dans un premier temps interdite par le pouvoir avant d’être in extremis autorisée. C’est tout à l’honneur de la Guinée qui gagne en maturité démocratique. A preuve, c’est la deuxième fois que se déroule sans heurt une manifestation publique dans ce pays où la soldatesque, il faut le dire, a la gâchette facile. On a encore en mémoire les évènements douloureux du 28 septembre 2009 et ces affreuses scènes de violences communautaires qui ont émaillé la présidentielle qui a porté le président Alpha Condé au pouvoir. Parfois, on a la fâcheuse impression que le malheur de la Guinée est beaucoup moins un problème de gouvernance politique qu’une querelle d’individus longtemps entretenue - entendez Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo qui se vouent une haine morbide.
En tout état de cause, en réussissant l’organisation d’une manifestation publique sans débordements, l’opposition guinéenne envoie un signal fort au pouvoir. Elle donne la preuve qu’elle est une opposition responsable, loin de la canaille à laquelle d’aucuns l’assimilent à tort. Au fait, on le sait. En Afrique, dès que l’opposition parle de marche de protestation, c’est la peur-panique qui s’empare du pouvoir qui, comme s’il n’y a pas autre solution, opte facilement pour la répression. Or, l’une des conséquences subséquentes de la répression est la violence qui, elle-même, débouche sur des dérapages. C’est tant mieux donc si le président Condé l’a finalement compris ; lui qui, naguère, traitait ses opposants comme de vulgaires malpropres.