La clôture des travaux des états généraux de la Justice est intervenue dans la matinée du samedi 28 mars 2015, à la salle des Banquets de Ouaga 2000. Placée sous le haut patronage du président du Faso, Michel Kafando, président du Conseil supérieur de la magistrature, cette cérémonie a été ponctuée par la présentation du rapport de synthèse des travaux, la lecture du Pacte national pour le renouveau de la Justice, suivie de sa signature et le discours de clôture de la ministre de la Justice, des droits humains et de la promotion civique, Gardes des sceaux, Joséphine Ouédraogo.
Présentation du rapport de synthèse des travaux, lecture du Pacte national pour le renouveau de la Justice suivie de sa signature, ont été essentiellement les temps forts de la cérémonie de clôture des états généraux de la Justice intervenue le 28 mars dernier à la salle des Banquets de Ouaga 2000. En effet, le rapport de synthèse des travaux a été adopté au cours de la dernière plénière. Il est ressorti de ce document que les travaux qui se sont déroulés du 24 au 28 mars dernier, en cinq plénières, ont permis de formuler plusieurs propositions pour une justice réconciliée avec elle-même et avec le peuple autour des nobles et capitaux principes d’indépendance, d’intégrité et de probité. Il s’agit, entre autres, de rendre imprescriptibles les crimes politiques, d’éviter l’interférence de l’exécutif et des autres acteurs sociaux dans le traitement des dossiers, de sécuriser le personnel judicaire et les palais de justice en les déclarant « zones rouges » ou « zones sensibles » lors des manifestations publiques, d’accompagner les syndicats et les Organisations de la société civile dans leur programme de sensibilisation et de formation des justiciables, d’indemniser les victimes de l’incendie du palais de justice de Bobo-Dioulasso, de mettre en mouvement l’action publique contre les auteurs des crimes commis lors de l’insurrection populaire d’octobre dernier, de créer un corps des interprètes judicaires, de donner transitoirement compétence aux tribunaux de grande instance (TGI) situés hors des ressorts des tribunaux de travail pour connaître des affaires sociales, de rendre effective la publication des décisions judicaires, de relire la loi sur la chambre criminelle pour supprimer les jurés et permettre son fonctionnement permanent, de modifier le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour que l’organe de régulation du pouvoir judicaire ne soit pas subordonné au pouvoir exécutif et d’assurer son autonomie financière, d’assurer la sécurité physique, morale et matérielle des magistrats, d’élaborer chaque année un rapport sur la situation des lieux de détention et des personnes privées de liberté, de mettre en place un fonds pour la prise en charge des témoins intervenant dans la procédure pénale. Selon la ministre de la Justice, des droits humains et de la promotion civique, Gardes des sceaux, Joséphine Ouédraogo, toutes ces propositions seront prises en compte dans le rapport général final de synthèse. De ses explications, au cours de chaque atelier, cinq propositions et cinq engagements forts ont été retenus. Après la présentation du rapport de synthèse des travaux, est intervenue la lecture du Pacte national pour le renouveau de la Justice. Composé de 8 chapitres et de 114 articles, le pacte contient une série d’engagements touchant tous les contours de la magistrature et du système judiciaire dans ses rapports avec les autres membres de la société.
Pour une indépendance et une amélioration des performances des juridictions
Par exemple, de l’indépendance de la Magistrature mentionnée dans le Chapitre 1, portant sur les réformes à faire sur les instruments juridiques nationaux énumérés dans la section 1, on peut relever à l’article 4 qu’« il est impératif de rendre effectif la séparation des pouvoirs et de rendre le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) indépendant et autonome vis-à-vis de l’administration et de l’exécutif ». Dans la section 2 portant contenu de l’indépendance du magistrat, on peut lire à l’article 5 que « le magistrat doit s’abstenir d’entretenir toute relation inappropriée avec le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et les justiciables et se défendre contre toute influence de leur part. Il devra également apparaître aux yeux d’un observateur raisonnable comme respectant ces principes ». Pour ce qui est des garanties de l’indépendance mentionnée dans la section 3, on peut lire à l’article 18 que « le magistrat n’utilisera ni ne permettra d’utiliser le prestige de sa fonction pour favoriser ses intérêts personnels, ceux d’un membre de sa famille ou d’une quelconque autre personne et ne donnera, ni ne permettra à d’autres de donner l’impression qu’une quelconque personne est dans une position spéciale inappropriée lui permettant de l’influencer dans l’exercice de ses fonctions ». Du fonctionnement du service public de la justice, on peut relever dans le chapitre 2 de la section 1 portant recrutement, nomination et formation des acteurs du service public de la justice, l’article 19 qui stipule qu’ « un plan quinquennal de recrutement de personnels, magistrats, greffiers, de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP), interprètes, les agents de liaison et chauffeurs, doit être élaboré avant la fin de l’année 2015, pour pallier l’insuffisance en personnel dans les juridictions ». Et l’article 24 de préciser que « l’âge minimum d’accès à la profession de magistrat doit être fixé à 25 ans ». De l’amélioration des performances des juridictions stipulée dans la section 2, l’article 30 révèle que « le casier judiciaire et le certificat de nationalité doivent être informatisés ». Toujours dans l’amélioration des performances des juridictions, l’article 37 souligne que « des poursuites doivent être engagées à l’encontre des auteurs des crimes et délits commis à l’occasion de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 ».
Un mécanisme de veille, de suivi et d’interpellation mis en place
Après la présentation du contenu du Pacte national pour le renouveau de la Justice, le premier président de la Cour de Cassation, Thérèse Traoré, le Président du Conseil national de la transition, Moumina Shériff Sy, le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida et le Président du Faso, Michel Kafando ont procédé respectivement à sa signature. D’autres signatures de personnes représentants les différentes autres structures dont les partis politiques ont été jointes à l’annexe du document. Puis, s’en est suivi le discours de clôture de la ministre de la Justice, des droits humains et de la promotion civique Garde des sceaux, Joséphine Ouédraogo, qui s’est dit satisfaite de la réussite des travaux des états généraux de la Justice. De ses explications, un mécanisme de veille, de suivi et d’interpellation pour la mise en œuvre du Pacte, dénommé Autorité de mise en œuvre du pacte (AMP) a été mis en place. Cette instance est chargée d’organiser avec l’appui du gouvernement, tous les cinq ans, les Etats généraux de la justice afin d’évaluer l’état de l’indépendance de la justice et du fonctionnement des institutions judiciaires. « Nous restons conscients qu’en plus des contingences d’ordre politique, matériel, institutionnel et financier, la réalisation des engagements que nous avons pris ensemble aujourd’hui, repose essentiellement sur l’éveil des consciences et la vue d’une pleine adhésion des acteurs du monde judicaire aux principes d’intégrité, de droiture, d’indépendance et de respect du justiciable, quelle que soit sa condition sociale», a-t-elle dit.
Aboutir à un document consensuel
Pour sa part, le Président de la transition, Michel Kafando, après avoir remercié la ministre en charge de la Justice et tous les participants à ces états généraux, a qualifié le Pacte national pour le renouveau de la justice de document fondamental à partir duquel la justice burkinabè pourra désormais opérer avec modalités et selon un processus qui pourra faire avancer notablement les questions judiciaires. « Le pacte est important dans ce sens qu’il redéfinit les fonctions, le rôle, le comportement qui doivent désormais être basés sur une indépendance réelle du magistrat vis-à-vis des influences politiques et économiques. Ce comportement doit être basé sur le respect du justiciable, sur sa capacité de pouvoir rendre une justice impartiale», a-t-il dit. Toutefois, il a invité toutes les autres parties prenantes qui n’ont pas encore signé à venir apposer leurs signatures sur le bas du document, afin d’avoir un document consensuel pour une justice équitable et impartiale au Burkina Faso.
Mamouda TANKOANO
Zoom sur le Pacte national pour le renouveau de la Justice
Parmi les dispositions fortes du pacte national qui consacrent l’indépendance de la Justice, on peut citer les articles 10 et 11 qui disent en substance que la solidarité gouvernementale ne peut constituer un motif valable pour que le ministre en charge de la Justice influence le cours d’une procédure et qu’en tout état de cause, celui-ci ne peut en aucun cas porter atteinte à l’indépendance de la magistrature. Parlant des magistrats du parquet, l’article 11 dispose qu’ils ne doivent en aucun cas, subir des pressions ou des influences de leur hiérarchie, dans le cadre du traitement des dossiers dont ils ont la charge.
Pour ce qui est des garanties de l’indépendance de la Justice, des dispositions tel l’article 12 du pacte préconisent la gestion de la carrière des magistrats par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), et l’article 14 qui stipule que la loi relative au CSM doit prévoir des critères objectifs de notation des magistrats. Quant à l’article 17, il dispose que « la violation de son serment par le magistrat doit donner lieu à des sanctions disciplinaires et /ou pénales ».
S’agissant de l’amélioration des performances des juridictions, l’article 29 du pacte dispose : « les textes doivent prévoir l’obligation pour les juridictions de produire trimestriellement des rapports d’activité illustrant l’état des dossiers traités et rédigés par chaque magistrat. L’établissement des pièces mensuelles doit être restauré au parquet et à l’instruction. Le suivi rigoureux de ces pièces mensuelles doit être assuré de manière effective par le ministère chargé de la Justice. A tous les niveaux de la hiérarchie juridictionnelle, des délais moyens raisonnables de traitement des dossiers doivent être fixés pour permettre d’apprécier la diligence des magistrats dans le traitement des dossiers. Le point des décisions actuellement en souffrance de rédaction doit être fait par l’inspection dans les trois mois suivant la signature du pacte et ces décisions doivent être rédigées également au plus tard dans les 6 mois suivant la signature du pacte ».
Parlant de la moralisation de l’appareil judiciaire, notamment de la lutte contre la corruption et l’impunité, le pacte recommande, en son article 76, que l’inspection technique des services doit être doté de moyens humains, matériels et financiers pour lui permettre d’effectuer ses activités de contrôle dans les juridictions et les établissements pénitentiaires, et de renforcer ses capacités en matière d’enquête dans les cas de corruption dénoncés dans le secteur de la Justice. L’article 77, quant à lui, dispose que
« tout cas avéré ou avoué de corruption impliquant les acteurs de la Justice doit faire l’objet de poursuites disciplinaires et judiciaires ».
Concernant le respect des règles déontologiques et éthiques, le code de déontologie des magistrats doit être relu et consacré par un texte ayant force contraignante, et le mécanisme de veille et de contrôle qui y est prévu doit être effectivement mis en place, comme l’indique l’article 82 du Pacte.
Pour ce qui est de l’accessibilité à la Justice, le Pacte, en son article 86, indique que la déconcentration des cours d’appel doit être poursuivie pour permettre de désengorger celles existantes, de même que les tribunaux de grande instance, les tribunaux de travail, les tribunaux administratifs , les tribunaux de commerce et les juridictions pour enfants.
L’intégralité du Pacte national pour le renouveau de la Justice sera diffusée dans nos prochaines éditions.
MT