Débutés le 24 mars 2015, les travaux des états généraux de la justice burkinabè ont pris fin le 28 du même mois à Ouagadougou sous la présidence du chef de l’Etat, Michel Kafando. Au-delà du diagnostic des maux de la justice et des propositions de remèdes, la nouveauté a été l’adoption et la signature du Pacte national pour le renouveau de la justice par les différentes composantes de la communauté nationale.
Avant la cérémonie de clôture, une session plénière présidée par le président du Conseil constitutionnel, Kassoum Kambou, a permis d’amender le rapport de synthèse des états généraux. Ce document résume les différentes communications, mais aussi les propositions fortes et les engagements pertinents issus des travaux de chacun des cinq ateliers au menu de ces assises.
Lors de l’amendement du document, les participants ont exigé, entre autres, qu’il y soit inscrit, noir sur blanc, qu’un magistrat qui veut faire de la politique doit carrément démissionner de la magistrature, car la disponibilité ne suffit pas. Il a été aussi recommandé la perte de l’indemnité de judicature pour tout magistrat détaché dans l’administration et cela, dans le but de maintenir les magistrats dans les juridictions.
Des voix se sont élevées contre la proposition d’octroi de primes de rédaction des décisions de justice, car faisant partie des obligations du juge. La révision de la loi d’amnistie a été sollicitée pour permettre, éventuellement, de poursuivre les dignitaires de l’ancien régime. Un intervenant a insisté sur le retour au civisme au niveau de tout un chacun et invité chacun à être juste dans ses rapports avec les autres, mais aussi vis-à-vis de l’Etat avant de demander la justice pour soi.
L’élément nouveau de ces états généraux est sans conteste l’élaboration, l’adoption et la signature du Pacte national pour le renouveau de la justice par les différentes composantes de la communauté nationale. Un pacte composé de 114 articles et qui présente, comme l’a déclaré la ministre de la Justice, Joséphine Ouédraogo, «une plateforme minimale d’actions pour guider les acteurs du pouvoir judiciaire et les justiciables».
Le pacte appelle l’Etat à veiller à rendre effective l’indépendance de la magistrature et à rendre le Conseil supérieur de la magistrature autonome et indépendant du pouvoir exécutif. A compter de la date de signature du pacte, l’Inspection générale des services de la justice a un trimestre pour faire le point des décisions de justice non encore rédigées et un autre trimestre est fixé comme date butoir de leur rédaction.
La non-rédaction des décisions de justice est désormais considérée comme un déni de justice. Le pacte consacre aussi l’informatisation du casier judiciaire et du certificat de nationalité. L’opportunité des poursuites est aussi accordée au procureur militaire (commissaire du gouvernement) et tout cas avéré ou avoué de corruption impliquant le personnel judiciaire doit faire l’objet de sanctions disciplinaires et/ou pénales.
Le Pacte national pour le renouveau de la justice a été solennellement signé par le chef de l’Etat, le Premier ministre, le président du Conseil national de la transition et le premier président de la Cour de cassation. Le document a été cosigné par les partis politiques, les organisations de la société civile et les associations professionnelles. Les représentants des structures qui n’ont pas encore apposé leur signature ont toujours la possibilité de le faire.
Pour que les engagements ne restent pas lettre morte, il est prévu dans le Pacte un mécanisme de veille, de suivi et d’interpellation dénommé Autorité de mise en œuvre du Pacte (AMP). La ministre de la Justice a annoncé que la prochaine étape reste l’opérationnalisation de l’AMP.
A la fin de la cérémonie, le président du Faso, Michel Kafando, après avoir félicité tous les acteurs de ces états généraux, a soutenu que «le Pacte est un document fondamental à partir duquel nous pensons que la justice burkinabè pourra désormais opérer avec des modalités et selon un processus qui pourront faire avancer notablement les questions judiciaires. Le Pacte est important en ce qu’il redéfinit, entre autres, les fonctions, le rôle, les comportements du juge. Comportement qui doit désormais être basé sur le respect du justiciable et sur une indépendance réelle du magistrat vis-à-vis des influences politiques et économiques».
Avec ces assises, le Burkina Faso a montré son engagement de réformer sa justice pour l’assainir et la débarrasser du fléau de la corruption afin de la rendre crédible, accessible et équitable vis-à-vis de chaque citoyen.
San Evariste Barro