Suite au drame de Zabré, l’association Tabital Pulaaku Burkina a convié la presse pour une conférence. En substance, l’association a dénoncé ce qu’elle considère comme une persécution orientée sur l’ethnie peule sur l’étendue du territoire en dressant un tableau plutôt inquiétant. Elle en appelle aux autorités politiques et judiciaires afin qu’elles exercent dans l’impartialité tous leurs pouvoirs pour mettre fin aux exactions orientées sur une ethnie qui a aussi toute sa place dans la république autant qu’elle a toujours joué sa partition dans la construction de ce pays. Elle en appelle aussi aux détenteurs des valeurs socioculturels afin qu’ils fassent renaître ces valeurs qui ont toujours constitué le ciment social et favorisé « le vivre ensemble ». La conférence a eu lieu à Ran Hôtel le samedi 17 février dernier.
Zabré en décembre 2012 (7 morts dont 6 Peulhs, des milliers de déplacés et des dégâts matériels énormes), Gaoua en août 2012 (au moins 6 morts dont 3 Peulhs, des dégâts matériels incommensurables et des centaines de déplacés), Passankongo en avril 2012 (des dégâts matériels gigantesques, des viols et pillages à grande échelle), Kantchari (1 mort, des dizaines de blessés, des milliers de sinistrés et des animaux disparus). Bref, la liste présentée par Tabital Pulaaku Burkina est longue avec ses lots d’évènements dramatiques qui rappellent une autre époque déjà lointaine. Car, selon des sources que l’association dit détenir, « les 6 Peulhs tués à Zabré ont été enterrés dans une fosse commune » qui, selon toujours cette association, rappelle une autre fosse, celle de Perkoua.
« Les Peulhs ne sont pas des demi-citoyens de la république »
Mais que se passe-t-il pour qu’on en vienne à la « chasse aux Peulhs qui ne sont pas des demi-citoyens de la République » ? L’association avance que les raisons sont multiples. Le fond du problème reste l’exploitation des ressources naturelles dont la terre et son contenu. Les valeurs traditionnelles qui ont toujours réglé les conflits entre agriculteurs et éleveurs ont foutu le camp et les autorités modernes commises à cette tâche prennent souvent parti s’ils ne tirent pas les ficelles. La justice est aussi pointée du doigt. En effet, la question a été adressée aux conférenciers de savoir si les Peulhs dont on dit nantis ne corrompent pas la justice pour s’attribuer les meilleurs verdicts. Toute chose qui entrainerait la vengeance née de la soif de se rendre justice.
S’il y a des Peulhs corrupteurs, c’est qu’il y a aussi des corrompus
A cette question, Tabital Pulaaku répond en empruntant la formule bien connue selon laquelle s’il y a des Peulhs corrupteurs, c’est qu’il y a aussi des corrompus. Ainsi, plutôt que de s’attaquer aux Peulhs avec le prétexte qu’ils corrompent la justice, il vaudra mieux s’en prendre à cette justice payée pour dire seulement le droit et rien que le droit, avance l’association. En plus, selon elle, il est une mauvaise étiquette collée aux Peuhls selon laquelle ils laisseraient leurs animaux commettre des dégâts champêtres de façon délibérée pour nuire au propriétaire. A propos, le président de Tabital Pulaaku, El Adj Hassane Adama Barry, a été tranchant. Certes, soutient-il : « les Peulhs ne sont pas tous des saints. Il pourrait y avoir des brebis galeuses. Mais, le Peulh est avant tout un croyant. Par conséquent, on le verrait mal commettre des actes malsains dont il doit répondre tôt ou tard devant Dieu ».
Se défaire de l’étiquette du Peulh mal intentionné et diabolique
Il invite donc les autres communautés à se défaire de cette étiquette du « Peulh, mal intentionné, diabolique », une image stéréotypée qui est souvent source de conflits tournant au drame. Il les invite à ne pas toujours prendre l’exception pour la règle. Malheureusement, c’est bien cela la tendance. A cause d’un fait souvent minable, on oriente une chasse à toute une communauté dont on tue et violente les membres. En tout état de cause, Tabital Pulaaku « lance un appel pressent aux autorités pour que toute la lumière soit faite sur ces massacres de Zabré, en particulier et tous les massacres en général ». Selon cette structure, « les auteurs, les instigateurs et les incitateurs à la haine ethnique doivent être démasqués et la justice doit être rendue ». Elle exhorte enfin « les partis politiques, les autorités coutumières et religieuses et les organisations de la société civile à mener des actions de sensibilisation à l’endroit des populations à la base afin que la tolérance et la paix, valeurs ancestrales de notre société, soient davantage préservées et consolidées ».