Décidément, la mayonnaise de la réconciliation tarde à prendre en Côte d’Ivoire, et c’est à se demander si l’on y parviendra un jour. Certes, vingt mois après son accession à la magistrature suprême, Alassane Ouattara est en voie de prouver ses talents de redresseur économique, comme il l’avait fait il y a 20 ans lorsque son mentor Félix Houphouët-Boigny lui avait fait appel pour dépêtrer le pays de l’anémie dont la Côte d’Ivoire était atteinte.
Aujourd’hui, le pays a atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés), ses créanciers ont effacé 99% de sa dette, soit 3 248,3 milliards de F CFA, dont 1 324 milliards pour la seule France, dans le cadre du contrat désendettement-développement (CDD). Les chantiers poussent comme des champignons en hivernage…
Mais le plus coriace, et on l’a toujours rejeté, demeure le raccommodage des lambeaux de la peau de «l’Eléphant», qui a volé en éclats lors de l’interminable cahotement politico-institutionnel.
Autrement dit, la réconciliation paraît de la mer à boire pour le nouveau pouvoir ivoirien. Entre le président Ouattara et le FPI, les haines recuites ne se sont pas estompées. Ce qui peut se comprendre, car lorsque des montagnes de cadavres et une mare de sang séparent deux camps politiques, la probabilité qu’ils s’asseyent à une même table tend vers zéro. Si on y ajoute la machine à extrader, qui tourne à plein régime, convenons-en, adophiles et ouailles du Gbagboland ont d’objectives raisons de se détester.
Le président de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR), Charles Konan Banny, ne manque d’ailleurs pas de pester contre le pouvoir, qui, bien que tendant la main à ses opposants, pose des actes qui jurent avec cette volonté de réconciliation.
Dans ce contexte, on comprend le FPI, qui a fait de la surrenchère politique son cheval de bataille : ainsi des dénonciations quotidiennes de crimes non élucidés, de la justice sélective et surtout l’exigence de la libération du grand camarade Laurent Gbagbo.
C’est oublier une chose : Alassane Ouattara voudrait-il la levée d’écrou du célèbre prisonnier ivoirien de Shevenighen qu’il ne le pourrait pas, car il n’a plus prise sur l’affaire. Mais les frondistes n’en démordent pas.
Le dernier couac est cette marche-meeting de l’ex-LMP (La majorité présidentielle) à Yopougon, ce 16 février, qui a dégénéré en courses-poursuites, jets de lacry. et a surtout creusé encore plus le fossé entre les frères ennemis.
Toutes choses qui déteignent forcément sur les prochaines échéances électorales. A l’évidence, et le FPI l’a claironné cette semaine, les gbagboistes n’iront pas aux élections locales et régionales du 21 avril. Et comme un nouveau report n’est plus à l’ordre du jour comme l’a laissé entendre Affousi Bamba, le porte-parole du gouvernement, ce qui traduit quelque part un agacement des pro-Alassane, le divorce semble désormais consommé.
«Nous ne voulons plus, en tant que filles et fils du pays, nous regarder en chiens de faïence», avait affirmé Richard Kodjo, le SG du FPI, au sortir d’une réunion du Cadre permanent de dialogue (CPD), l’instance de palabre créée par le gouvernement. Apparemment, la réalité du terrain donne tort à cet hiérarque frontiste.
Du coup on en vient à se demander si cette Côte d’Ivoire pourrait redevenir ce qu’elle a été il y a deux décennies : une nation bénie des dieux, dont les fils vivent en parfaite harmonie, bref un pays de cocagne où coulent le lait, le miel et… l’entente.