Au cours de sa dernière messe en tant que pape, Joseph Ratzinger a dénoncé les divisions de l’Église qui ont provoqué son abdication. Explications.
La basilique Saint-Pierre n’était pas assez grand mercredi après-midi pour accueillir tous les fidèles qui ont voulu assister à la messe d’entrée en carême, la dernière messe publique célébrée par Benoît XVI.
Au cours de son homélie, sous les fastes de la basilique et dans l’impressionnant recueillement de tous les participants, le pape a déclaré : “La lecture de l’Ancien Testament invite tous les chrétiens à réfléchir sur l’importance du témoignage de la foi et de la vie chrétienne pour chacun d’entre nous et pour notre communauté.
Ce visage de l’Église est parfois défiguré. Je pense en particulier aux fautes contre l’unité de l’Église, aux divisions dans le corps ecclésial.” Paroles qui portent un nouvel éclairage sur les véritables motifs de sa renonciation.
La révélation, mardi, de l’opération cardiaque subie par Benoît XVI à l’automne dernier avait laissé penser que c’était pour des raisons de santé qu’il abdiquait. Or, il ne s’agissait que d’une intervention de routine consistant à remplacer les piles de son pacemaker. Joseph Ratzinger est âgé, 85 ans, et fragilisé par des arythmies cardiaques et de l’hypertension.
Ce n’est toutefois pas un grand malade au bord du naufrage. L’allusion aux “divisions du corps ecclésial” renvoie en revanche à l’anarchie de la curie romaine et aux récents scandales qui ont ébranlé l’Église.
Rupture
L’affaire Vatileaks a beaucoup peiné Benoît XVI. Tout d’abord car c’est au sein de la “famille pontificale” - les personnes qui s’occupent de son intimité - que se nichait le traître. Mais aussi et surtout parce que les documents secrets révélés au public ont mis à nu les tensions dans le gouvernement de l’Église.
La curie est divisée en clans ennemis qui font référence respectivement aux cardinaux Bertone, Sodano et Bagnasco.
Les factions s’affrontent au détriment du bien de l’institution. Scandales financiers, comme ceux qui se multiplient au sein de l’IOR, la banque du Vatican, et sexuels, comme l’accusation d’homosexualité portée contre Dino Boffo, le directeur de l’Osservatore Romano : tout est bon pour délégitimer l’adversaire.
Et la parole du pape n’est plus écoutée. Ainsi Benoît XVI n’est-il même pas arrivé à imposer la transparence au sein de l’IOR, accusé de blanchir des capitaux illicites.
L’abdication de Benoît XVI apparaît donc comme un geste extrême de rupture avec le système gangrené. Quelques semaines seulement avant de devenir pape, Joseph Ratzinger avait dénoncé “la saleté dans l’Église”. En vain. Son successeur devra donner un grand coup de balai.