Et voilà que l’on reparle de l’affaire Thomas Sankara. La tragédie de la disparition du président du Conseil National de la Révolution a beau être vieille d’un quart de siècle, l’énigme reste entière, et le mystère qui l'entoure a du mal à se faire réellement enterrer. Cette fois-ci, ceux qui la secouent ne proviennent pas des habitants du pays des hommes intègres ; ils le font depuis les bords de la Seine, dans l’Hexagone de nos ancêtres les Gaulois : des députés du Front de Gauche, aidés dans leur démarche par Europe Ecologie-Les Verts, ont tout récemment déposé une demande d’enquête parlementaire aux fins, disent-ils, de dévoiler la vérité sur une éventuelle implication de la France dans l’assassinat du président Sankara le 15 octobre 1987.
Certes, une commission d’enquête du genre ne s’assimile pas à une action judiciaire, et les initiateurs de l’entreprise ne pèsent pas de la lourdeur des pachydermes dans le landerneau politique français, il faut l’accepter, cependant la chose vaut son pesant de coup d’éclat, la chose est indéniable, et c’est en cela qu’elle mettra sans doute du baume au cœur de ceux qui, dans la famille ou le cercle des amis et partisans de Tom Sank, ont toujours juré qu’ils feraient des pieds et des mains pour que son assassinat révèle toutes ses vérités. Le coup d’éclat des parlementaires français, au-delà de sa motivation invoquée, participe sans doute de cette recherche obstinée de la vérité.
Cependant, il est permis que l’on se pose de légitimes questions quant à son aboutissement : jusqu’où ira-t-on ? L’interrogation est d’autant plus légitime que, dans cette même France en juin 2011, une requête similaire avait été introduite… et à ce jour elle n’a rien produit de vraiment palpable.
Que produira la demande actuelle ? Quelles conclusions pourra-t-on en tirer ? Il faudra sans doute attendre pour le savoir. Mais d’ores et déjà nul ne doute que chacun sait que la résolution du mystère de l’assassinat de Thomas Sankara tient plus du politique que du judiciaire. A tel point que l’on peut légitimement se demander si c’est la quête de la vérité qui meut les initiateurs de l’enquête ou une certaine volonté de faire mauvaise presse à ceux que beaucoup, à tort ou à raison, tiennent pour responsables et coupables d'une tragédie qui semble vouée à faire couler beaucoup de salive et d’encre, ce, peut-être pour longtemps encore.
Personne à ce jour ne se risquerait à prédire la teneur des résultats de l’enquête parlementaire française ; mais quant aux dégâts en matière d’image, ils se feront très vite visibles. A supposer qu’il s’agisse là du but non avoué des auteurs de l’initiative, ils pourront alors se vanter d’avoir atteint leur objectif.
Pour le reste, le fond de l’affaire, il faudra sans doute attendre ; pendant combien de temps encore ? nul ne le sait vraiment. Tout au plus, peut-on espérer qu’un jour, la bien patiente Histoire saura dénouer les fils de la vérité et des mensonges dont a été ourdie une tragédie qui, à ce jour, divise les Burkinabé, déchaîne les passions et garde jalousement tous ses secrets.