Un atelier régional d’information et d’échanges sur les conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles était au centre d’une concertation le 8 février 2013 à Dédougou entre les acteurs de la Boucle du Mouhoun. Il s’est agi, au cours de cette rencontre organisée par le ministère des Ressources animales et halieutiques, de partager non seulement les informations sur l’ampleur du phénomène, mais aussi et surtout de proposer des thérapies appropriées.
Tribunes d’échanges directs entre acteurs du monde rural, autorités administratives, politiques et coutumières, la rencontre de Dédougou a été des plus édifiantes. Une minute de silence observée à la mémoire des victimes des conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles a campé le décor de la concertation.
77 conflits en 7 ans dans la Boucle du Mouhoun
Le nombre de victimes n’a certes pas été révélé, mais l’émotion était grande et même perceptible, à en juger les commentaires qui s’en sont suivis. Le message de leurs Majestés le chef de canton de Dédougou et l’émir de Barani, respectivement patron et parrain de la cérémonie, révèle que de 2005 à 2012, 77 conflits entre agriculteurs et éleveurs ont été enregistrés dans la Boucle du Mouhoun. Et Basile Dayo, porte-parole des deux personnalités coutumières, de préciser que ces conflits sont surtout liés aux dégâts de champs. Pour lui, la croissance démographique galopante fait que les espaces cultivables et pastoraux deviennent de plus en plus rares.
-* Engagement pour zéro conflit
Cela, dit-il, « occasionne la naissance des conflits entre agriculteurs et éleveurs et est source de déstabilisation sociale ». Convaincu que l’agriculture et l’élevage constituent les deux mamelles de l’économie burkinabè, leurs Majestés, par la voix de leur porte- parole, ont pris l’engagement d’enrayer les conflits entre utilisateurs des ressources naturelles. « Dans un souci d’une cohabitation paisible, entre les utilisateurs des ressources naturelles dans la région, nous prenons l’engagement d’œuvrer pour l’instauration de la paix sociale, durable au Burkina. De même, nous prenons l’engagement pour zéro conflit par an dans la Boucle du Mouhoun », a indiqué M. Dayo. Des engagements qui ont réjoui le ministre Tinga Jérémie Ouédraogo des Ressources animales et halieutiques. Ce dernier confesse qu’il compte sur l’implication de tous les acteurs et surtout des coutumiers dans la prévention et la gestion participative des conflits. « Il appartient désormais aux communautés de rechercher toujours des solutions idoines pour ne plus vivre les affres de ces conflits qui sont souvent aussi violents les uns que les autres. La prévention et la gestion participative des conflits sont des gages d’un développement harmonieux », a indiqué Dr Ouédraogo. Au cours de cette rencontre, les participants ont eu droit à des communications portant sur les lois réglementant l’exploitation des ressources naturelles, portant régime foncier rural, d’orientation relative au pastoralisme, le document introductif aux conflits et des mécanismes de conciliation.
Des attentes des échanges
Des préoccupations aussi diversifiées les unes que les autres ont été soulevées par les participants. Tous ou presque ont salué la tenue de l’atelier qui a permis de se familiariser avec les textes, de poser un diagnostic sans complaisance et de proposer des thérapies. La pertinence et la nécessité des échanges sur les conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles ont contraint certains participants à différer leur prière du vendredi. Certains participants qui affirment n’avoir pas occulté le fond de leurs pensées, ont plaidé afin que les populations restent dans la dimension du conflit et non cherchent à condamner d’autres aspects. Victor Dabiré, gouverneur de la Boucle du Mouhoun, a émis le vœu de voir proscrire les actes répréhensifs contre toute une communauté pour des faits provoqués par un individu. Et au ministre de renchérir : « De plus en plus, ce genre de comportement ne sera plus toléré ». Le ministre Ouédraogo a également expliqué qu’après la tenue des rencontres dans les treize régions, il est prévu un atelier à l’échelle nationale pour une relecture ou un recadrage de l’existant en matière de textes et lois dans le domaine du foncier.
Ils ont dit Edith Vokouma, directrice générale des espaces et des aménagements pastoraux
« La forte participation des acteurs de la région nous réjouit d’autant plus que le thème est assez sérieux et préoccupant. Si chacun des participants en parle à 4 ou 5 personnes, voyez la tache d’huile que cela peut faire et contribuer à donner à tous les acteurs les outils nécessaires pour nous aider à prévenir les conflits. Des propositions intéressantes ont été faites et tout cela sera rassemblé lors de l’atelier bilan du Centre. A la suite de tout cela, des propositions seront faites au Premier ministre pour la suite à donner à ces ateliers. En résumé, j’estime que l’objectif de l’atelier de la Boucle du Mouhoun est atteint. »
Pathé Alaye Sangaré, président de l’Union provinciale des éleveurs de la Kossi
« L’idée de réunir les acteurs du monde rural pour échanger sur les conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles est à saluer. Les échanges ont été fructueux et constructifs. Pourvu que ça ne soit pas comme avant, c’est-à-dire commencer de bonnes œuvres et changer l’objectif. Si l’objectif ne change pas, si les actions de sensibilisation sont menées jusqu’à la base, je puis vous assurer qu’il y a de fortes chances de réduire considérablement, voire enrayer définitivement les conflits entre utilisateurs des ressources naturelles. Il faut éviter que la politique politicienne y entre et change tout en sa faveur. Chacun des acteurs doit connaître sa place. Cependant, si on détourne les objectifs, le malheur va s’abattre sur tout le monde. Je souhaite que les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement emboîtent le pas au ministère des Ressources animales et halieutiques. Le public cible est le même. »
Ousmane Tall, éleveur à Siby
« Je suis satisfait des échanges. Nous souhaitons que chacun des utilisateurs des ressources naturelles entende raison et privilégie le dialogue. En vérité, l’élevage était relégué au second plan. Aujourd’hui, Dieu merci, les choses sont en train de rentrer dans l’ordre si fait que chaque acteur du monde rural connaît sa place. Qui parle d’agriculteur, parle forcément d’éleveur. Ce sont deux secteurs intimement liés, deux faces de la même pièce. De ce fait, les deux doivent parler le même langage, se pardonner mutuellement et être solidaires pour booster leur production. »
Serge Tamini, agriculteur
« Je retiens de cet atelier un riche patrimoine pour moi-même. Vous n’êtes pas sans savoir que les sources des conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles sont nombreuses. L’application des textes relèvent de la volonté de l’Homme. Ensemble, nous pouvons vaincre le diable. Et comme l’Homme ne mange pas la chair de son prochain, il est impérieux de privilégier le dialogue. Avec la démographie montante, il faut éviter que les uns se taillent la part du lion avec 10 ha pendant que les autres n’en ont même pas un. Cela peut calmer la base. Selon la loi, il faut mettre en place un comité villageois de gestion. A ce niveau, je souhaite vivement qu’on mette les hommes qu’il faut à la place qu’il faut au sein de ces comités de sorte à éviter d’autres conflits, étant donné que ces personnes doivent jouer le rôle de médiateur. »