Des populations d’une quinzaine de villages du Bwé (nord de Dédougou) ont organisé, le 9 février 2013 à Dédougou, une marche pour exiger la libération immédiate et sans conditions de tous les détenus du conflit intercommunautaire de Passakongo.
A cette marche, c’est comme si c’est tout le Bwé qui y était. Partis de la place de l’ancienne auto-gare communément appelée Melon gare, les manifestants, estimés à plus d’un millier selon les organisateurs, ont rallié le gouvernorat après avoir arpenté les artères de la ville de Dédougou. C’est une marée humaine composée de femmes, de jeunes et de personnes âgées de la communauté bwaba, qui a été reçue par le gouverneur de la Boucle du Mouhoun Victor Dabiré. Dans le message à lui remis par Bwamiyé Konaté, porte- parole des épouses des détenus et des manifestants, ceux-ci exigent la libération immédiate et sans conditions de tous les détenus du dossier Passakongo. Après avoir expliqué les raisons qui ont mis le feu aux poudres entre les communautés Bwaba et Peulh de Passakongo, les marcheurs, par la voix de leur porte-parole, ont également fustigé le comportement des forces de sécurité. Morceaux choisis : « Pour sécuriser les lieux, les forces de sécurité y ont été dépêchées. Mais au lieu d’observer l’impartialité qui sied à leur vocation, elles ont quitté les lieux à sécuriser et sont allées incendier le marché et frapper la population bwaba. C’est ce qui justifie la destruction des habitations de certains Peulhs. »
La Justice pointée d’un doigt accusateur
Les manifestants ont aussi pointé du doigt la Justice : « Une soixantaine de jeunes a été incarcérée. A leur jugement, au lieu de tenir compte des causes, la justice n’a jugé que les effets et certains ont été ainsi condamnés à des peines de prison ferme et d’autres avec sursis ». Les manifestants en arrivent à la conclusion suivante : « La conclusion que l’on peut tirer de tout cela est que l’administration a plutôt contribué à empirer la situation qu’à la résoudre car : la population ne s’est pas délibérément attaquée au domicile du responsable des Peulhs ; elle n’aurait pas choisi non plus de détruire les habitations des Peulhs si les forces de l’ordre avaient respecté leur statut de force publique impartiale. La Justice n’a pas cherché à connaître la vérité. Elle s’est plutôt fondée sur la déclaration des plaignants. »
Un ultimatum lancé
Dans son adresse aux manifestants, le gouverneur a d’abord appelé les uns et les autres au calme et à la retenue. A l’en croire, des échanges entre lui et les autorités judiciaires de la place, il ressort que certains détenus ont déjà purgé leur peine et certains seront même libérés à partir de ce lundi ou mardi. Cependant, il a dit transmettre leur message à qui de droit. Malgré cette réponse du gouverneur, les manifestants ne décolèrent pas. « Nous voulons la libération de tous les détenus du dossier dit de Passakongo d’ici la fin de la semaine prochaine. Ceux que vous voulez libérer lundi ou mardi resteront en prison pour attendre les autres », a martelé un manifestant. Et d’ajouter : « Si l’ultimatum ne trouve pas un écho favorable, nous sortirons de nouveau samedi. Et cette fois-ci, ce sont les populations des 37 villages de la commune de Dédougou que vous verrez ici à Dédougou ». Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a eu plus de peur que de mal. Le nombre impressionnant des manifestants a créé une certaine panique dans la ville de Dédougou. Par crainte de pillage ou de représailles, certains commerçants ont fermé boutiques et magasins. Et, pour parer à tout dérapage, les éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS), munis de leur bataclan anti-émeute à bord de deux pick-up, ont observé de loin le mouvement des marcheurs. De même, les gendarmes étaient également en alerte. Fort heureusement, la marche qui se voulait pacifique l’a été jusqu’au bout. En rappel, c’est le 16 novembre 2012 que 23 des 62 accusés du conflit intercommunautaire de Passakongo ont été jugés et condamnés à des peines de prison ferme allant de 3 à 18 mois par le Tribunal de grande instance de Dédougou. Non satisfaits du verdict, ces derniers ont interjeté appel.