Il y a de quoi avoir peur ! La compréhension de la démocratie par nombre de Burkinabè le prouve. « Democrati, yaa niid faan maani foo yaam… Tii yell kayé… ». La traduction de cette assertion d’un mooréphone en français permet de savoir, dans les grands traits, que « la démocratie, c’est chacun fait ce qu’il veut ou ce qui lui plaît. Et il n’y a rien… ». Une conception de la démocratie qui a certainement fait sursauter ceux qui ont regardé le débat organisé par le ministère en charge de l’Alphabétisation, la semaine passée, par le canal de la télévision nationale, sur les élections couplées, dans le volet interview express.
En effet, en donnant la parole aux citoyens, notamment des Ouagalais, qui sont supposés être mieux informés et éclairés sur les questions de gouvernance, de choix et des idéologies politiques, il est ressorti qu’une frange importante des personnes interrogées, sauf s’ils font semblant, ne comprennent pas grand-chose à la démocratie. Pour la plupart des interviewés, la démocratie, c’est la liberté totale. "La démocratie, c’est agir comme bon nous semble, sans avoir de compte à rendre à autrui, même si l’on perturbe son voisin, même si l’on porte atteinte aux intérêts et à la quiétude des autres, a-t-on entendu".
Cette façon de comprendre la démocratie est préoccupante. La situation l’est d’autant plus que ce sont les citadins qui ont cette vision des choses. Que peut-on attendre des « parents » qui sont dans le Burkina Faso profond ? Sont-ils au courant du concept même de la démocratie ? S’ils le sont, quelle peut être leur définition de cette notion ? L’on peut parier que certains pourraient considérer la démocratie comme une denrée alimentaire, situation de pénurie de vivre, ces temps-ci, aidant (…)
Cette compréhension de la démocratie par le plus grand nombre de Burkinabè pourrait expliquer la montée de l’incivisme, des actes de vandalisme, du peu de respect pour l’autorité. Car les uns et les autres pensent que comme nous sommes en démocratie, ils sont libres de leurs actes. Et là, s’ils sont mécontents, pour se faire entendre, ils barrent la route ou tout simplement, ils rassemblent de vieux pneus auxquels ils mettent le feu, sur le macadam.
Des actes aux antipodes de la démocratie. Car parcourant les différentes définitions des pères du concept, c’est tout le contraire qui est exposé ici. Mais qu’est-ce que la démocratie ? Existe-t-il une définition de ce terme qui fait l’unanimité ?
Selon la célèbre formule d’Abraham Lincoln, (12 février 1809 – 15 avril 1865, 16e président des Etats-Unis), la démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Cependant, pour certains théoriciens de la démocratie, cette définition est susceptible d’interprétations différentes, aussi bien quant à la signification concrète de la souveraineté populaire que pour son application pratique, ce qui apparaît au regard de la diversité des régimes politiques qui se sont revendiqués et qui se revendiquent comme démocratiques. Ainsi, de nos jours encore, il n’existe pas de définition communément acceptée de ce qu’est ou doit être la démocratie.
Sans donc avoir l’ambition de donner une leçon sur la démocratie, il sied de donner quelques-uns de ses grands traits. Ainsi, les documents montrent que la démocratie, vue par les Grecs, est le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple (principe de souveraineté), sans qu’il n’y ait de distinctions dues à la naissance, à la richesse, à la compétence (principe d’égalité). Et, en règle générale, les démocraties sont indirectes ou représentatives, le pouvoir s’exerçant par l’intermédiaire de représentants désignés lors d’élections au suffrage universel.
Aussi, faut-il retenir que les autres principes et fondements de la démocratie sont : la liberté des individus, la règle de la majorité ; l’existence d’une « Constitution », la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire), la consultation régulière du peuple (élection et référendum), la pluralité des partis politiques et l’indépendance de la justice.
En dehors de l’élite, surtout politique, combien sont les Burkinabè, même instruits, qui comprennent finalement la démocratie, dans un pays où la majorité est analphabète ? Voilà pourquoi, pensons-nous qu’il y a du travail à achever, si nous voulons conduire notre processus démocratique à terme, sans turbulences. Il y a du pain sur la planche, car, peut-on être dans un système qui guide un pays si la majorité de ses habitants ignorent ses principes ? Assurément pas !
C’est là que nous sommes tous interpellés, les partis politiques et la société civile au premier rang. Il faut que les partis politiques changent leurs méthodes. Qu’ils arrêtent de penser à la base que quand des élections pointent à l’horizon. Cela demande des projets de formation et de sensibilisation de leur base, en temps normal, à la démocratie, ses principes… Il en est de même pour la société civile. Peut-être que ce genre d’initiatives ont manqué, sinon, le citoyen qui sait que si celui qu’il a voté ne fait pas son affaire, il a la possibilité de voter un autre, ne barrera pas la route pour se faire entendre… Il n’a qu’à attendre les élections, alternance, oblige. Surtout si les règles du jeu sont respectées.
C’est le lieu de saluer les initiatives du ministère en charge de l’Alphabétisation, à travers son débat organisé en langue nationale mooré. Cela contribue à l’éveil des citoyens. Ce ministère doit poursuivre dans son élan. Les autres acteurs devront aussi emboîter le pas afin de sensibiliser la population aux questions d’intérêt national pour éviter qu’un jour, le fossé entre décideurs et consommateurs des décisions ne soit trop grand. L’incompréhension sera totale…