L’année 2013 verra la mise en place d’un Sénat au Burkina Faso. Pour le commun des Burkinabè, ce Sénat pourrait s’avérer un doublon avec l’Assemblée Nationale. Monsieur Bédouma Alain Yoda, qui a occupé plusieurs fonctions ministérielles et actuellement président du groupe parlementaire CDP (parti au pouvoir) infirme cette thèse par des explications sur les prérogatives du Sénat et sa composition qui diffèrent de celles de l’Assemblée. Il se prononce aussi sur le mode de scrutin salué par l’opposition mais qui serait injuste pour le parti majoritaire, le CDP. Monsieur Yoda, dont le dernier poste ministériel était celui des affaires étrangères, visiblement pourra mettre à contribution son tact de diplomate pour des rapports courtois entre parlementaires en dépit des divergences politiques.
Vous êtes élu député du CDP aux législatives du 02 décembre 2012 dans la province du Boulgou et désigné récemment comme président du groupe parlementaire CDP. Quels commentaires d’ensemble faites-vous de ce scrutin et du type de climat à entretenir entre les parlementaires et leurs différents groupes?
Bédouma Alain YODA : Effectivement, j’ai été élu avec mon collègue Victor Sorgho comme députés CDP dans la province du Boulgou.C’est un scrutin qui s’est déroulé sans encombres dans notre province, ni acrimonies particulières entre les différents partis concurrents, chacun prêchant pour sa chapelle. A mon avis, c’est un scrutin qui a permis à de jeunes partis d’avoir des voix dans le Boulgou.Il est évident qu’avec le bulletin unique et le nombre important de partis en lice dans la province, les électeurs non lettrés ont eu des difficultés à faire les choix qu’ils voulaient. Nous pensons ainsi avoir perdu plus de 11.000 voix dans le Boulgou parce qu’un autre parti avait un logo dans lequel une grande daba apparait et qui semble être identique à la daba du CDP.De plus, ce logo était placé au dessus du logo du CDP. Nous pensons que cela a induit en erreur plusieurs électeurs non lettrés car, ce parti n’a pas fait campagne dans le Boulgou.Ceci est une faille pour laquelle il faudrait trouver des solutions.
Sur le deuxième volet de votre question, oui j’ai eu l’honneur d’avoir été élu par mes collègues députés CDP au nombre de 70, comme président du groupe parlementaire. Nous continuerons à défendre les positions du groupe parlementaire, à faire vivre ce groupe majoritaire à l’Assemblée Nationale avec toutes les conséquences liées à cette majorité. Nous entretiendrons des rapports politiques de travail avec les autres groupes parlementaires de la majorité ou de la mouvance présidentielle. Je m’engage à travailler dans ce sens. Cela ne nous empêchera pas d’avoir des relations de travail avec les groupes parlementaires de l’opposition. En effet, nous estimons que le Parlement est un lieu où les expressions politiques plurielles doivent coexister.
En quoi consistent les points majeurs du règlement intérieur de l’Assemblée nationale dont vous avez présidé la commission ad’ hoc chargée de la relecture.
J’avais été désigné par l’Assemblée Nationale pour présider la commission ad’ hoc chargée de la rédaction du règlement de l’Assemblée. Pour ce faire, nous avons adapté le règlement antérieur aux nouvelles dispositions de la constitution et du code électoral. Les points les plus importants portent sur le nombre de députés requis pour constituer un groupe parlementaire, la nouvelle procédure d’investiture du Premier ministre par l’Assemblée nationale après sa déclaration de politique générale, le nombre de commissions générales qui doivent examiner les projets, propositions de lois et pétitions populaires à l’Assemblée nationale. Nous avons également examiné les mécanismes de fonctionnement des services de l’Assemblée nationale conformément aux dispositions dudit règlement. L’Assemblée nationale a salué en plénière la qualité des travaux du règlement et l’a adopté.
L’année 2013 verra la mise en place d’un Sénat au Burkina Faso. Pour le commun des Burkinabè, ce Sénat pourrait s’avérer un doublon avec l’Assemblée Nationale. Monsieur Bédouma Alain Yoda, qui a occupé plusieurs fonctions ministérielles et actuellement président du groupe
L’UPC semble la grande surprise au sortir de ces élections en se positionnant comme le premier parti de l’opposition en termes de suffrages malgré sa création récente. Cela ne donne t-il pas des frayeurs au CDP parti majoritaire vu sous l’angle d’une possible alternance éventuellement au pouvoir au Burkina en faveur de ce parti?
Nous n’avons pas l’habitude, au CDP, d’être effrayés par qui que ce soit et n’avons aucune frayeur. Vous constaterez que l’UPC a une origine CDP. Nous pensons, que malgré les discours tenus, ce sont des personnalités qui ont animé la vie politique nationale à partir du CDP, et cela devrait laisser croire que ce sont des hommes et des femmes politiques qui veulent faire avancer le Burkina. De ce point de vue, nous n’avons pas de jugement négatif. Mais il est évident que pour avoir la stature du CDP, il faudra travailler encore pendant des années. Car, il n’ya pas le moindre hameau de culture au Burkina où le CDP n’est pas implanté. Nous avons une majorité absolue à l’Assemblée nationale, la majorité des communes rurales et urbaines. Nous pensons donc que notre positionnement politique ne peut pas être ébranlé par l’arrivée d’un parti comme l’UPC. Maintenant, Dieu seul connait l’avenir. Toutefois, nous ne pensons pas qu’un parti de l’opposition puisse inquiéter le CDP à moyen terme. Quand les gens voient du nouveau, ils s’y précipitent surtout s’il y’a des moyens attrayants, ce qui semblait être le cas. Attendons de voir que l’effet de nouveauté passe. Il y’a rares de partis qui ont la longévité du CDP avec le mode de scrutin que nous connaissons et qui arrivent encore à dominer l’échiquier politique. Cela veut dire que nous sommes un parti que les populations connaissent effectivement et qui prend en compte leurs préoccupations. Je pense, en conséquence, qu’il s’agit d’un parti qui a la préférence des populations.
L’opposition se réjouit du mode de scrutin au plus fort reste qui aurait l’avantage d’une émergence de partis avec des suffrages moyens. Il semblerait que le CDP n’applaudit pas ledit mode de scrutin qui ne lui permettrait pas de rafler tous les suffrages malgré un grand écart de voix avec ses concurrents. Votre point de vue.
Il est évident que ce mode de scrutin est injuste pour le parti majoritaire que nous sommes. Nous avons souvent le triple des voix de certains partis et nous nous retrouvons à égalité de sièges avec ces partis dans des provinces données pour les législatives. Il s’agit néanmoins d’un choix que nous avons fait pour qu’il y’ait le maximum possible de députés représentants de partis politiques à l’Assemblée nationale. En effet, nous pensons qu’il est mieux que les discussions politiques se mènent à l’Assemblée plutôt qu’en dehors. Le mode de scrutin, « la proportionnelle à la plus forte moyenne » devrait être celui-là qui permette aux partis vraiment représentés dans le pays d’occuper des sièges à l’Assemblée nationale.Selon mes informations, la « proportionnelle au plus fort reste » est très peu pratiquée dans le monde. En tant que parti majoritaire, nous pensons que nos adversaires devraient nous remercier de leur donner cette opportunité d’être représentés à l’Assemblée nationale. Malgré cela, nous sommes accusés de vouloir tout accaparer par le ‘’tuk guili’’.Nous avons les moyens politiques de faire le’’tuk guili’’ mais nous pensons qu’il faut permettre à la démocratie de s’exprimer par une représentation plurielle des options politiques à l’Assemblée nationale.
Vous avez une certaine expérience de la vie parlementaire au Burkina pour avoir été élu à chaque fois de la première à la présente cinquième législature. Le futur sénat en 2013 ne risque t-il pas de connaître le sort de la chambre des représentants appelée deuxième chambre supprimée car faisant un doublon voire une rivalité avec l’Assemblée nationale?
Il n’y a pas de rivalité ou de doublon entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous ne sommes ni le premier ni le dernier pays à avoir opté pour le bicaméralisme. Le Parlement aura deux chambres : la chambre des députés et celle des sénateurs. Donc, l’Assemblée nationale et le Sénat. Le Sénat a été voulu pour une représentation des collectivités territoriales, des partis politiques, de la société civile (syndicats, coutumiers, religieux, jeunes etc.) pour en faire une sorte de chambre de sagesse à l’abri de considérations politiciennes partisanes pures. Ce qui est tout à fait le contraire de l’Assemblée où ne siègent que des partis politiques. Même si des politiques seront aussi représentés au Sénat, ce ne sera pas dans la proportion de l’Assemblée afin de permettre des débats sereins dans l’intérêt supérieur de la nation. Nous pensons donc que les projets et propositions de lois à examiner par le Sénat pourraient être beaucoup plus adaptés aux problématiques que nous connaissons dans le pays. L’Assemblée nationale restera la chambre qui tranchera en dernier ressort lorsque cela sera nécessaire. Je ne crois pas comme vous le redoutiez que le sénat connaîtra le sort de la chambre des représentants supprimée. Parce que les mentalités ont changé, le sénat est le fruit d’un consensus dégagé lors des discussions sur les réformes politiques(CCRP).De plus. nous avons maintenant une expérience dans la gestion du pouvoir législatif. C’est donc une chambre qui devrait coexister avec la chambre des députés. Mais, évidemment, aucune institution n’est éternelle, tout dépend de l’évolution sociétale.