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Julie Prudence Nigna/Somda, ministre des Droits humains et de la Promotion civique « Tout le monde doit être conscient de la responsabilité de chacun pour l’effectivité des droits humains au Burkina Faso »
Publié le vendredi 8 fevrier 2013   |  L’Hebdomadaire




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Son père feu Nurukyor Claude Somda fut enseignant à l’université de Ouagadougou et ministre. Il a inscrit son nom en lettre d’or dans les annales de l’histoire de l’enseignement et de la culture du Burkina Faso. Tel père, telle fille est-on tenté de dire pour ce qui la concerne, car elle est en train d’emboiter le pas de son regretté père. Elle, c’est Julie Prudence Nigna/Somda, mariée et mère de deux enfants. Actuelle Secrétaire générale de l’Association des Femmes juristes du Burkina Faso, précédemment Secrétaire générale du ministère des Droits humains et de la Promotion civique, elle a été promue ministre de ce département le 03 janvier 2013 dans le gouvernement du Premier ministre Luc Adolphe Tiao. Nous avons rencontré cette technocrate pour des échanges touchant aux missions de son département.

L’Hebdomadaire du Burkina : Vous avez été promue ministre dans l’actuel gouvernement. Quels sont les sentiments qui vous animent  ?

Julie P. Nigna/Somda : Je dois dire que lorsque j’étais secrétaire générale du ministère des Droits humains et de la Promotion civique, mon travail était de coordonner les activités et également de suivre leur mise en œuvre afin que nous puissions remplir notre mission. Actuellement, en tant que ministre des Droits humains et de la Promotion civique, je me sens plus interpellée car c’est une grande responsabilité qui pèse sur moi, avec une obligation de résultat.

Il y a des objectifs qui sont fixés et je suis responsable de l’atteinte de ces objectifs. Je dois donc travailler de telle sorte à mériter la confiance placée en moi et pour ce faire, je compte sur le dévouement et le travail de tous mes collaborateurs du MDHPC, de même que le partenariat avec les acteurs de droits humains.

Aujourd’hui, il ne s’agit plus pour moi d’organiser ou de coordonner les activités du ministère, nous devons poursuivre la mise en œuvre de la politique du gouvernement dans les domaines des Droits humains et de la Promotion civique et être comptables des résultats.

Vous avez parlé tantôt des objectifs à vous fixés. Justement quelle est votre lettre de mission et les priorités qui seront les vôtres  ?

Pour ce qui concerne les priorités, c’est d’œuvrer à l’effectivité des Droits humains au Burkina Faso. Vous savez également que l’incivisme règne aujourd’hui au Burkina dans tous les domaines. J’ai l’habitude de dire que même au cimetière il y a des actes d’incivisme qui sont posés.

Il est donc du devoir du ministère en charge des Droits humains de travailler à la responsabilisation des citoyens pour une société de paix. Le Burkina Faso est la terre des « Homme intègres  ». Il y a des valeurs qui ont conduit à cette appellation. Notre travail consiste à faire toujours prévaloir ces valeurs ou alors qu’on puisse y revenir s’il y a des dérives.

En attendant la lettre de mission, on peut déjà dire que, s’agissant des priorités, il y en a plusieurs liées aux missions du ministère. C’est de mettre en œuvre des activités qui vont contribuer à l’effectivité des Droits humains.

C’est également de travailler en collaboration avec tous les acteurs qui interviennent dans le domaine des Droits humains et même avec tous les citoyens pour que le Burkina Faso soit une société où l’incivisme n’aura plus droit de cité. Construire une cité où chacun pourra vivre dans la paix car ce n’est que dans la paix qu’on peut se réaliser et avoir un développement harmonieux et équitable.

L’incivisme (fiscal, en circulation, respect de la chose publique ou privée...) est effectivement très criard. Quelles actions fortes pour mettre fin aux nombreux dérapages qu’on constate  ?

Vous avez constaté que depuis 2012, nous avons fait le tour des acteurs qui interviennent dans le domaine des Droits humains pour voir ce qui ne va pas et ce qu’il y a lieu de faire. Nous avons voulu savoir pourquoi nous en sommes à un tel degré d’incivisme et comment faire pour changer la donne.

A la suite de ces tournées, nous envisageons organiser un forum national sur le civisme. A l’occasion, tous les acteurs s’exprimeront sur le phénomène et proposeront des pistes de solutions qui vont nous permettre d’élaborer une stratégie participative et inclusive et un plan d’actions que nous allons mettre en œuvre.

Nous avons également des documents de base tels que la stratégie nationale de promotion d’une culture de la paix et de la tolérance. Par ailleurs, il y a les différentes organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine des droits humains et du civisme. Rien que ce matin (22 janvier 2013), nous avons reçu des étudiants qui veulent constituer un pool pour la sensibilisation sur le civisme en milieu estudiantin.

Nous pensons qu’en travaillant avec toutes ces composantes, nous allons aboutir à des résultats satisfaisants. Il s’agit d’une lutte de longue haleine car le phénomène s’est enraciné et il faut des actions fortes pour en sortir et c’est ce à quoi nous travaillons.

Peut-on avoir une idée de la situation des Droits humains au Burkina Faso  ?

On peut présenter cette situation sous plusieurs aspects. Sur le plan de la promotion des droits humains  : aujourd’hui, les Burkinabè connaissent leurs droits et ils ne tardent pas à dire la phrase «  Je connais mes droits  ».

C’est parce qu’il y a cette promotion des Droits que nous sommes aujourd’hui à ce niveau de conscientisation et ce n’est pas rien  ; c’est très important. Cependant, il y a une manière de revendiquer ses droits qui, le plus souvent, se fait de manière illégale. Soit parce qu’on ignore qu’il y a des textes qui encadrent ces manifestations ou qu’on croit que sa cause n’est pas entendue.

Chacun y va alors de ses moyens et de sa méthode. Il faut toujours sensibiliser dans ce cas pour que les manifestations se fassent dans le cadre légal. Sur le plan de la protection vous avez constaté qu’au sein du ministère nous aidons ceux qui sont victimes de violations des droits humains en intervenant pour la résolution de leurs problèmes par la médiation, la conciliation ou en créant des cadres de dialogue ou de concertation.

On peut aussi saisir une structure étatique ou privée pour nous situer sur des faits afin de pouvoir agir. C’est important parce que lorsqu’on est victime et qu’on est écouté par une autorité, une structure de l’Etat, cela réconforte déjà.

Lorsque l’on sait qu’il y a une action de médiation, de conciliation ou de réconciliation en cours, c’est réconfortant pour la victime. C’est cela qui manque souvent et qui augmente les frustrations, toute chose qui entraîne à la longue les manifestations et les débordements. Il faut alors dynamiser les cadres de dialogue qui d’ailleurs existent déjà.

Dans ce sens, vous aurez remarqué que le gouvernement essaie dans chaque secteur de créer ces cadres de dialogue pour permettre à la population de s’exprimer afin que les solutions idoines soient trouvées.

Au niveau de la justice, il y a des efforts qui sont faits suite à des interpellations afin que les décisions rendues soient disponibles et rapidement exécutées. On peut dire qu’il y a beaucoup d’avancées en matière de protection des droits humains au Burkina Faso.

A notre avis la tâche demeure toute de même titanesque en matière de promotion des droits à caractère sociaux et culturels tels que l’éducation, l’instruction, la formation, le travail, la sécurité sociale, le logement, les loisirs, la santé, la création artistique… Le Burkina n’est-il pas à la traîne dans ces domaines  ?

Je ne dirais pas que le Burkina est à la traîne. Il y a beaucoup d’évolution comme je vous ai fait remarquer. Il y a par exemple, quelques temps de cela, excusez-moi l’expression quelqu’un pouvait vous dire « si tu fais, je te fais et il n’y a rien ».

Est-ce que vous pensez que cet état d’esprit existe toujours aujourd’hui  ? Entre citoyens, cela n’existe plus de même qu’au niveau des différentes catégories sociales qu’elles soient supérieures ou inférieures.

Il n’y a plus ce genre de langage et c’est très important. Cela traduit les évolutions qu’il y a eu et dans plusieurs domaines. Si vous avez remarqué par exemple, sur le plan de la santé, de l’éducation et bien des domaines, il y a des subventions de l’Etat pour permettre au maximum de Burkinabè de jouir de leurs droits et des services de l’Etat. Il y a des politiques et des stratégies qui sont mises en œuvre dans le but d’améliorer les choses.

Mais bien sûr tout cela se fait en tenant compte des moyens limités de notre pays. Au vu de tout ce qui est fait, je ne dirais pas qu’il n’y a pas d’évolution. En tout état de cause, nous travaillons au quotidien pour parfaire les choses.

Sur le plan législatif par ailleurs, même si on qualifie le Burkina de « pays champion » en matière de ratification des textes, il y a des mesures qui sont prises par différents acteurs pour l’application effective de ces textes.

Des organes, des structures et des mécanismes sont mis en place pour l’application des textes que le pays ratifie, même s’il est vrai que ce n’est pas toujours évident. Il y a des avancées considérables que ce soit au niveau de la promotion ou de la protection des droits humains même si des efforts restent à faire.

Il y a en effet des limites liées au contexte, à la culture, à la tradition, à la mentalité. Ce sont autant d’aspects qu’il faut prendre en compte pour évaluer la situation des droits humains et leur mise en œuvre au Burkina Faso.

La situation des détenus au niveau des commissariats de police et des brigades de gendarmerie n’est pas des plus reluisantes avec souvent des violations parfois graves des droits humains. Que fait votre ministère pour inverser la tendance  ?

En tant que ministère des droits humains et de la promotion civique, nous avons également dans nos attributions, la protection des personnes gardées au niveau des commissariats de police et les brigades de gendarmerie.

Pour remplir cette mission, nous effectuons des sorties en ces lieux pour voir l’état des lieux de détention, s’assurer que les droits des détenus sont respectés et échanger avec les responsables de ces lieux afin de voir comment on peut effectivement garantir les droits des suspects gardés.

Nous ne manquons pas de faire des observations et des recommandations en nous assurant de leur suivi. Nous donnons également certains produits d’entretien pour améliorer un temps soit peu les conditions des personnes gardées. Nous travaillons sur ce plan en étroite collaboration avec le ministère de la Justice pour l’amélioration et le respect des droits des suspects.

Que fait concrètement au quotidien un ministre des Droits humains et de la promotion civique pour le bonheur des populations burkinabè  ?

Il y a tellement de choses à faire que je ne sais pas par où commencer. Mais le matin, une fois arrivée au bureau, je regarde mes parapheurs et je traite mon courrier, de même que mes emails. Je reçois mes collaborateurs les plus proches avec lesquels j’échange sur les dossiers en cours ou urgents.

Il y a également les différentes réunions avec le personnel ou les responsables de services. Je lis beaucoup aussi la presse qui dénonce beaucoup de cas de violation des droits humains afin d’envisager les actions à mener pour interpeller, éviter, réparer ou apporter notre contribution dans la protection des droits des populations.

Nous avons également des audiences que nous accordons aux associations de la société civile intervenant dans le domaine, des sorties de terrain, des activités organisées par le ministère auxquelles j’assiste pour leur donner plus de crédibilité.

Nous collaborons avec les institutions internationales en cas de sollicitation ou d’interpellation à donner telle ou telle autre information. Il y a beaucoup de choses à faire aussi bien à l’interne qu’à l’externe.

Un appel à lancer  ?

Je voudrais dire que les droits humains ne concernent pas qu’une structure ou un département de l’Etat, une partie de la société civile ou certains citoyens. Les droits humains concernent tout le monde. C’est notre vie quotidienne, c’est la manière dont nous vivons et ce que nous faisons tous les jours.

C’est ce que nous pensons, sentons et ressentons. C’est tout cela les droits humains. Il ne revient donc pas à une seule structure d’assurer le respect des droits humains et la promotion civique.

Tout le monde doit être conscient de la responsabilité de chacun pour l’effectivité des droits humains et pour que le civisme prévale au Burkina Faso. Si nous sommes vraiment responsables de ce que nous faisons dans nos familles respectives et au niveau de la société qui est elle composée des cellules familiales, nous parviendrons à une société responsable.

On ne doit pas se rejeter la balle car la responsabilité est collective dans la promotion du civisme et la promotion des droits humains. Je lance donc un appel afin que tous ensemble, nous puissions travailler à améliorer la situation surtout pour ce qui est actuellement de l’incivisme dans la circulation.

Tout le monde parle aujourd’hui de cet incivisme et il nous faut trouver les voies et moyens pour mettre fin à cela. Il s’agit d’une préoccupation majeure pour le ministre que je suis mais et doit aussi en être une pour l’ensemble des citoyens.

Le nombre de vies humaines qu’on perd au quotidien dans la circulation routière est élevé et cela nous interpelle tous à plus d’un titre. Je vous remercie.

Entretien réalisé

par Angelin DABIRE

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