Une justice assainie, débarrassée du fléau de la corruption, crédible, accessible et équitable, voilà le nouveau visage que le Burkina veut donner au 3e pouvoir afin qu’il soit garant de la cohésion sociale et le socle du développement. Les participants aux états généraux vont poser les jalons de cette justice. La cérémonie d’ouverture des travaux a eu lieu le 24 mars 2015 au palais des Sports à Ouagadougou.
Alors qu’elle devait défendre les faibles face aux abus des forts, la justice burkinabè a souvent été accusée d’être un instrument de ségrégation sociale assurant l’impunité aux puissants et réservant sa férule au reste de la population. C’est ainsi que les voleurs de poulets et de chèvres croupissent dans les maisons d’arrêt tandis que les délinquants au col blanc se la coulent douce au vu et au su de tout le monde. En outre, l’immixtion du politique et les forces de l’argent influençant ou corrompant les magistrats ont fini par décrédibiliser une justice qui révolte plus qu’elle n’apaise les cœurs.
On le voit, à tort ou à raison, la justice burkinabè est accusée de tous les maux du Faso. Et c’est pour changer les choses dans ce domaine que se tiennent les présents états généraux pour redorer le blason du 3e pouvoir et le réconcilier avec le peuple. Les participants sont venus des quatre coins du pays pour laver le linge de la justice et conclure un pacte pour un nouveau départ d’une justice juste et équitable mettant tous les citoyens sur un pied d’égalité.
A l’ouverture de ces assises, Joséphine Ouédraogo, la ministre tutelle, a déclaré qu’il s’agissait du «rendez-vous de la nation avec sa justice» et que ces états généraux ne devaient pas être «un forum de plus» mais un nouveau départ et l’engagement à se défaire des pratiques d’antan pour donner à l’insurrection populaire tout son sens et à la Transition la pleine mesure de sa mission : poser les jalons pour des réformes profondes visant à rendre nos institutions crédibles et à construire les fondations d’une administration compétente et loyale au service des citoyens.
La ministre a soutenu que l’insurrection a certes «décoiffé et défenestré l’appareil de gouvernance» de l’ancien régime, mais qu’il est évident qu’elle ne pouvait pas en trois jours «faire tomber les échafaudages et les armatures de tout un système qui avait réussi à subordonner toute l’administration publique à la défense et à la protection des intérêts des acteurs du système».
Sur ce point, la justice a un rôle primordial à jouer et c’est la raison pour laquelle on doit, selon Joséphine Ouédraogo, la réhabiliter et la rendre crédible. Cela passe par un diagnostic sans complaisance de l’appareil judiciaire et de ses différents acteurs. Après quoi, il sera proposé le remède qui sied afin que la justice puisse jouer pleinement son rôle. Ne pas faire cet exercice qui permet de fixer les conditions institutionnelles et opérationnelles de la réhabilitation de notre justice reviendrait, a martelé Joséphine Ouédraogo, «à exiger d’un malade grabataire qu’il s’élance dans une course de 100 mètres plat». C’est seulement une fois remise sur pied que la justice pourra traiter ses centaines de dossiers pendants.
Pour le président du Faso, Michel Kafando, avec ces états généraux, on doit pouvoir changer la perception très négative que les populations ont de notre justice. Ce changement doit être porté par tout le monde, car la question de la justice est une responsabilité collective et nationale. D’où la nécessité de mettre en place un mécanisme de veille et de suivi. Lequel mécanisme passe par la conclusion et la mise en œuvre d’un pacte national pour le renouveau de la justice. Ce pacte est une série d’engagements structurés en six points (l’indépendance de la magistrature ; le fonctionnement du service public de la justice ; la moralisation de l’appareil judiciaire ; l’accessibilité à la justice ; l’esprit de citoyenneté ; la prise en compte des droits humains dans les procédures judicaires) pris face à la nation. Il sera signé le 28 mars prochain.
Dès aujourd’hui, les participants vont entrer dans le vif du sujet et, pendant deux jours, travailleront en ateliers sur cinq thèmes (cf. encadré).
San Evariste Barro
Encadré
Les thèmes des 5 ateliers
Atelier 1 : Comment rendre effective l’indépendance de la magistrature pour garantir l’impartialité ?
Communicateur : Monsieur Séni Ouédraogo (DG ENAM)
Atelier 2 : Comment réhabiliter la confiance entre les citoyens et la justice ?
Communicateur : Me Guy Hervé Kam, avocat à la cour
Atelier 3 : Comment faciliter l’accès à la justice et à la compréhension du droit ?
Communicateur : Monsieur Edouard Ouédraogo, enseignant à l’UFR/SJP (UO)
Atelier 4 : Comment assurer le bon fonctionnement du service public de la justice ?
Communicateur : Monsieur Jean Kondé, président de chambre à la cour de cassation
Atelier 5 : Comment prendre en compte les droits humains à toutes les étapes de la justice pénale ?
Communicateur : Monsieur Kassoum Kambou, président du Conseil constitutionnel