Arrêté le 26 août dernier,Laurent Akoun, le SG du FPI (Front populaire ivoirien), a été condamné à 6 mois de prison ferme. Le SG du parti de Laurent Gbagbo a été également condamné à un an d’interdiction de séjour à Abidjan et d’exercice de ses droits civiques et politiques. Me Ambroise Farama, l’un de ses avocats, revient sur ce procès qu’il qualifie de « procès politique » dans un entretien qu’il nous a accordé le 5 septembre dernier.
« Le Pays » :Laurent Akoun, secrétaire général du FPI (Front populaire ivoirien), a été condamné à 6 mois de prison ferme pour « trouble à l’ordre public ». Il a été aussi condamné à un an d’interdiction d’exercer ses droits civiques et politiques et de séjour à Abidjan. Que retenez-vous de ce procès en tant qu’avocat de la défense ?
Me AmbroiseFarama : Je retiens que ce procès a été un procès purement politique. Je retiens ensuite qu’il y a une volonté manifeste du politique, avec la complicité de la justice, de museler l’opposition, de faire taire définitivement le FPI. Cela est vraiment regrettable.
Comment avez-vous su que ce procès a été purement politique ?
Avant ce procès, les premiers responsables politiques en appelaient officiellement au démantèlement du FPI. Il s’en est donc suivi des arrestations et des procès. Comprenez donc que le politique, avec la complicité de la justice, avait pour intention de museler l’opposition.
Croyez-vous qu’ils ont tortquand on sait que beaucoup du FPI tiennent souvent des propos va-t-en-guerre et que les mis en cause des attaques en Côte d’Ivoire sont les partisans de ce parti ?
Je crois qu’ils ont tort. Je vais vous dire que jusque-là, personne n’a pu prouver que les mis en cause des attaques en Côte d’Ivoire sont les partisans du FPI. Pour preuve, lorsque la brigade de gendarmerie, sur instruction du procureur de la République, arrêtait Laurent Akoun, les accusations retenues contre lui étaient « atteinte à la sûreté de l’Etat et outrage au chef de l’Etat. » Tout cela parce que ses propos ont été tenus le 3 août et le lendemain, il y a eu des attaques. Et le pouvoir avait tout de suite pensé qu’il y a un lien entre les deux évènements. Il l’a poursuivi pour établir en vain ce lien. C’est à partir de ce moment qu’il a requalifié ces propos de « troubles à l’ordre public ». Voyez-vous que le pouvoir n’a pas raison de vouloir faire taire le FPI, quand on sait qu’il n’a pas la preuve qu’il constitue une menace à la sureté de l’Etat. Au demeurant, le SG du FPI que nous avons appelé à la barre a soutenu qu’il n’est pas dans une logique de guerre contre le pouvoir. Il m’a d’ailleurs confié ceci au cours de nos rencontres : « Croyez-vous, Maître, que nous allons oser prendre les armes alors que l’armée française est là, l’ONUCI aussi ? Celui qui ose dans ce contexte prendre le pouvoir par les armes ne pourra pas s’y installer. »
Les propos tenus par Laurent Akoun selon lesquels le président « Ouattara ment et voulait tuer Laurent Gbagbo » ne sont-ils pas des propos discourtois et qui en appellent à la vengeance ?
Pas du tout. Il faut replacer les mots dans leur contexte. C’est ce qu’a tenu à expliquer le SG du FPI. Au fait, il n’a pas tenu ces propos au cours d’une rencontre publique, ni d’une assemblée générale. C’est au cours d’une rencontre entre responsables du parti d’un village. Quelle tournure fallait-il adopter pour se faire comprendre par ces villageois qui n’ont pas un bon niveau de compréhension de la langue française outre que les mots de tous les jours ? Je vous reprends d’ailleurs le passage que j’ai par-devers moi. Le SG du FPI disait, je cite : « Ouattara ment quand il dit qu’on a pris des gens en flagrant délit. Ce n’est pas vrai car ils ont été pris pendant qu’ils se trouvaient à la Nouvelle Pergora sous la protection de l’ONUCI ».La suite, je cite : « L’audience de Laurent a connu un autre report compte tenu de son état ». Selon lui, il a été maltraité physiquement et moralement avant d’être extradé à La Haye(…). Voilà le contexte dans lequel il a dit que Ouattara voulait le tuer. Et Laurent Akoun tient ses déclarations de deux sources : de Gbagbo lui-même et de son avocat.
Quelle est la source de votre document ?
Ce sont des propos qui ont été repris par le journal « La voix »
Un journal proche du FPI ?
Oui, mais qui n’est pas un journal du FPI.Je vous rappelle qu’il s’agissait de militants du FPI, livrés au FRCI (Force républicaines de Côte d’Ivoire ndr) par les forces onusiennes alors qu’ils demandaient leur protection. Et le président Ouattara, lors d’une de ses déclarations, a soutenu que ce sont des gens pris en flagrant délit de vol, de viol et de destruction. C’est répondant à cela que le SG du FPI a dit que Ouattara mentait.
Il y a tout de même des expressions plus souples comme pour qualifier les propos d’un chef d’Etat. Pourquoi le choix de ces mots grossiers,surtout dans une Côte d’Ivoire en quête de stabilité ?
C’est tout simplement une volonté de se faire comprendre par ses camarades qui n’ont pas un niveau de compréhension très élevé du français. Les grossièretés, on les trouve aussi bien dans le camp au pouvoir que du côté de l’opposition.
Maintenant que Laurent Akoun est condamné à 6 mois de prison ferme, que comptez-vous faire ?
Nous allons faire appel.
Ne craignez-vous pas d’être finalement les avocats des causes perdues ?
Nous estimons que les juges ivoiriens du second degré, contrairement aux premiers, seront des juges libres et indépendants à même de dire le droit. En tout cas, c’est notre souhait.
En tant qu’avocat burkinabè, comment vous vous êtes retrouvé à défendre le dossier d’un Ivoirien, de surcroit d’un du FPI. Entretenez-vous un lien privilégié avec ce parti ?
Je n’ai pas de lien particulier avec le FPI. En tant qu’avocat, j’ai pour mission d’assurer la défense d’une personne qui s’estime être faible. L’avocat se soucie du respect des droits de l’Homme et de la personne et se sent interpelé partout lorsque ces droits ne sont pas respectés.
Propos recueillis par Boundi OUOBA et Boulkindi COULDIATI