Dimanche 3 février 2013 au Mbonbéla Stadium de Nelspruit, l’on s’acheminait vraisemblablement vers l’épreuve fatidique des tirs au but quand le virevoltant milieu offensif burkinabè, Jonathan Pitroipa, sur un corner tiré par Charles Kaboré, a libéré tout un peuple en catapultant le ballon dans les buts togolais à la 105e minute.
Plus tôt dans l’après-midi, il avait appelé son père, Jean Baptiste Pitroipa, pour obtenir ses bénédictions. Nous l’avons rencontré hier lundi 4 février au centre de formation Kada school international, dont il est l’administrateur. Il revient ici sur l’ambiance dans laquelle il a vécu l’opposition et sur bien d’autres anecdotes concernant les Etalons mais aussi son fils, Jonathan.
Jean Baptiste Pitroipa, administrateur délégué du centre académique de formation de football Kada school international dont les promoteurs ne sont autres que les deux internationaux burkinabè Wilfried Sanou et Jonathan Pitroipa, est, en outre, le géniteur du «Pit national», cette terreur des défenses, «serial dribbleur», auteur du but qualificatif des Etalons contre les Eperviers à la 105e minute.
Jean Baptiste Pitroipa avait vu juste en pronostiquant 1- 0 sur cette rencontre, mais il ne se doutait pas que son fils, Jonathan, en serait l’auteur, puisqu’il avait misé sur Moumouni Dagano.
Comme toujours, il a suivi ce match en famille avec son épouse, ses enfants, des amis, des parents et des voisins du quartier. Quelques heures plus tôt, pendant le match Côte d’Ivoire – Nigeria, il avait reçu un coup de fil de Jonathan depuis Nelspruit, qui écoute beaucoup sa mère.
Il restera un bon bout de temps en ligne avec elle. Ensuite, il échangera moins longuement avec lui. «Ça va, papa, je ferai le maximum, a-t-il assuré, et je sais qu’on va gagner ce match». «Il ne parle pas beaucoup, il est très timide», a dit son père.
«Au départ, Jonathan voulait devenir militaire : il avait même passé le test d’entrée au prytanée militaire de Kadiogo (PMK) mais y avait échoué. Mais il continuait de disputer les matchs de son quartier St-Léon puis Kiendpaolgo. Dieu faisant bien les choses, il a réussi avec brio, quelques semaines après cette douloureuse épreuve, au test de recrutement de planète champion international, ce centre qui a fourni l’essentiel de la crème du football burkinabè (Wilfried Sanou, Alain Traoré, Madi Panendétigri…)», raconte Jean Baptiste Pitroipa.
Dès l’entame du match il affirme avoir eu tout de suite la conviction qu’il était possible de le gagner. En outre, il avoue avoir eu un peu peur pour Jonathan chaque fois qu’il était rudoyé, surtout quand qu’il repense à la blessure de l’autre pièce maîtresse, Alain Traoré.
«Jonathan est le benjamin de la famille et il ne renonce jamais à ce qu’il veut. Il a acquis ce caractère et certaines qualités comme sa technicité, sa précision et sa force mentale en pratiquant simultanément le Viet-vo dao et en jouant au football. Même si je le sentais fatigué, je gardais espoir que le coach finirait par faire entrer un coéquipier.
C’est ainsi qu’au moment où on l’attendait le moins, il marqua le but libérateur. On exultait tous à la maison, on se congratulait. Du coup, tous mes portables se sont mis à sonner alors qu’il restait encore dix très longues minutes à jouer, ce qui m’agaçait finalement. J’ai même engueulé un ami au téléphone qui voulait me féliciter alors qu’on jouait les ultimes minutes du match. J’ai, sur le coup, éteint tous mes téléphones. Le match terminé, le domicile familial de Jonathan, a été envahi par des amis, des parents et des voisins. Certains d’entre eux voulaient même me porter au dos et j’ai dit à mon épouse de servir à boire à tous ceux qui étaient là.
Après, avec le frère de Jonathan, j’ai quitté la maison pour célébrer la victoire dans un troquet. J’avais la chair de poule lorsque je regardais les gens célébrer avec faste la victoire et scander le nom de Jonathan, mon garçonnet que j’avais conduit une dizaine d’années plus tôt, un jour de pluie, passer le test de recrutement de planète champion international. J’en avais presque les larmes aux yeux», commente-t-il. Pendant qu’il arrosait la victoire au maquis avec sa bande, un client, un supporter qu’il ne connaissait ni d’Adam ni d’Eve, lança spontanément au gérant : «Servez deux caisses de bière et quatre poulets braisés au père de Pitroipa ; son fils est une fierté nationale».
Contrairement à ses habitudes, il rentrera à deux heures du matin la voix presque éteinte. «Le lendemain du match, Jonathan a appelé sa maman mais j’étais toujours endormi et je pense qu’il m’appellera incessamment», affirme-t-il.
Pour la suite, Jean Baptiste Pitroipa estime que les Etalons ont les moyens de ramener la coupe au Faso s’ils continuent de faire preuve de détermination, de maturité et de cohésion. Je ne suis pas adepte des pronostics, mais j’ai la conviction que les Etalons se qualifieront pour la finale et monteront sur la plus haute marche du podium.