Il existe une sorte d’esthétique de la guerre à l’époque contemporaine comme c’est précisément le cas au Mali : d’abord les belles images de ces avions français qui font des frappes chirurgicales, et l’absence de cadavres, du moins que les cameras ne montrent quasiment pas ; ensuite et surtout cette visite en mondovision au pas de charge du vainqueur François Hollande : Sevaré-Tombouctou-Bamako parcouru en moins de 24 heures.
Ce 2 février 2013, le chef de l’Etat a pavoisé dans l’ex-Soudan français même si, comme à son habitude, l’homme a gardé la tête sur les épaules, en dépit des flonflons et du titre de 334e saint de Tombouctou qu’on lui a attribué dans la foulée.
Il y a 3 semaines de cela, précisément le 11 janvier dernier, il a ordonné que l’armée tricolore aille dessérer l’étreinte mortelle des djiadistes autour des populations du Nord-Mali. Bataille engagée, bataille gagnée en partie. En attendant les résultats de celle menée dans les massifs rocailleux de la frontière algéro-malienne où se sont réfugiés les fuyards.
En engageant cette opération d’assistance à peuple en danger, le chef suprême des armées de la France se devait de venir remonter le moral de la troupe qui est au zénith pour le moment.
De ce déplacement on retiendra le passage obligé de Tombouctou, ville martyre par excellence où les narcotrafiquants se sont adonnés à la politique des «manches longues ou courtes» du R.U.F. sierra-léonais de sinistre mémoire ; tout en rasant des sanctuaires culturels et se livrant à des actions de rapines.
Deux leçons peuvent être tirées de cette visite du président Hollande :
1) En montrant du muscle au Mali, il met un terme à la phase tribunitienne (bien qu’il ne soit pas un grand orateur) et théorique de son mandat et aux supputations sur son incapacité à assurer la charge, bref, il coupe court à sa prétendue «mollesse». Exit l’hypoprésident ! Bonjour le «président normal» et place à l’action.
Se couler enfin dans le costume de chef d’Etat en passant par la case de chef de guerre au Mali, voilà l’itinéraire escarpé qu’il a choisi et que n’aurait pas désavoué un de ses illustres devanciers à l’Elysée, François Mitterrand. En tout cas, il réhabilite une prérogative régalienne, portée aux nues par le «Dieu» politique de Jarnac.
Hollande a vite compris que la politique de la sagesse qu’il tente d’imposer à la France, laquelle confine aux yeux de ses concitoyens à de l’attentisme, lui a été préjudiciable, d’où sa dégringolade dans les sondages. Il lui fallait reprendre la main. Cette situation au Mali était alors pain bénit pour le n°1 français, et la guerre est la meilleure des façons de surfer sur le patriotisme, la condescendance, ou la suprématie qu’un peuple a de lui-même. Bref, d’offrir un exécutoire aux électeurs.
A Sevaré, à Tombouctou et à Bamako, François Hollande s’est offert une cure de jouvence aux yeux de ses compatriotes, et l’équipée dans le septentrion malien n’est pas étrangère à cette remontée de quelques points dans les sondages.
Mais en même temps, il y a le pendant de cette guerre, qui pourrait expliquer qu’Hollande ait déboîté au quart de tour au Mali.
2) L’enlisement pourrait être une des explications de ce déplacement. Les 3 prédécesseurs d’Hollande, chacun en ce qui le concerne, a eu son ou ses théâtres d’opérations extérieures (TOE) : Mitterrand dans le Golf, Chirac au Kossovo et en Afganistan, Sarkozy dans la Libye de Kadhafi.
Tous auront compris qu’au-delà du taux de testostérone, qu’indique un tel engagement, ce qui galvanise soit dit en passant, les Français sont sensibles à ces fameux TOE. Pourvu que ce soit des guerres justes et rapides. Un Jacques Chirac l’a bien compris qui a snobé les Américains dans la guerre en Irak. Il avait vu juste. Il subodorait l’enlisement, ce fut une vision perspicace.
Au demeurant, on a toujours décelé un côté atlantiste chez les Gaulois, et un Ronald Reagan, voire même, plus près, un George Bush Junior, in petto, n’auraient pas désavoué Hollande.
Reste qu’il faut éviter l’embourbement, et c’est l’une des principales préoccupations de Hollande. Cette «blitz Kriez» (guerre éclair) dans les sables maliens a déjà un coût humain et financier, et plus elle perdurera, moins l’opinion française suivra. Si on ajoute le front intérieur, qui est en ébullition avec les grèves perlées de ces derniers jours et celles annoncées, Hollande a du souci à se faire. Il était donc opportun que le locataire de l’Elysée vienne constater de visu la réalité du terrain et se prépare à refiler le brûlant dossier malien à l’ONU. Cette structure en gestation sera prête pour quand ? L’ingérence française ira jusqu’où ? Quel avenir pour le Mali de l’après-guerre ? Hollande depuis ce 1er février y songe sans doute. Son mandat en dépend peut-être.
Pour le moment, ce 2 février 2013, il est sur un nuage, comme avant lui en 1828, son compatriote l’explorateur René Caillé lorsqu’il mit pied dans la cité des 333 saints, pardon des 334 saints maintenant. Un rêve que partage tout le peuple malien avec la qualification de son onze national aux demi-finales de la 29e CAN en Afrique du Sud. Comme quoi, un bonheur ne vient jamais seul. Pourvu qu’il se pérennise.