Avant d’entrer dans le mille des échanges en atelier en vue de faire, sans complaisance, une critique du service public de Justice au Burkina, la cuvette recouverte du palais des sports de Ouaga 2000 a donné lieu à ce qu’on pourrait appeler un procès de la Justice. Tous les éléments pour constituer la figure allégorique du prétoire y sont, en effet. Face au directoire des débats, le peuple était au prétoire face au service de la Justice à la barre et quasiment sans défense. sans langue de bois, les critiques ont été des plus virulentes et les tirs groupés ont achevé de dresser, non un chapelet, mais un ‘’ Japamala’’ des différentes charges qui pèsent sur dame Justice et qui, subséquemment ont fini par écumer ses rapports avec le peuple, les justiciables pour lequel il doit son existence même. Au prétoire où comparait dame Justice, les requérants sont nombreux et sont de toutes les composantes de la société. En vertu du droit d’ainesse peut-être, les papis sont les premiers à charger l’accusé. Bernard Yaméogo, représentant l’Association burkinabè des travailleurs déflatés a porté plainte pour déni de justice dans une kyrielle d’affaires dont il a établi le catalogue. « Je porte plainte contre le service de Justice », a-t-il laissé entendre. Mais à l’en croire, la longue liste des affaires dévoilées ne serait qu’une infime partie de son catalogue. Bernard Yaméogo, c’est la voix qui crie dans le désert au nom de tous les travailleurs qui se sont vus débouter de leurs droits devant le tribunal de travail. Il s’est voulu la voix de tous ces travailleurs dont les droits ont été manifestement bafoués et qui ne savent pas devant quelle juridiction impartiale se plaindre. Cinglante réquisition et témoignage épatant, c’est la recette qu’il a servie à ce procès Du service de la Justice. A la charge de la Justice, l’Association des femmes juristes a fait aussi valoir ses plaintes et s’est présentée comme le truchement de toutes les veuves et orphelins qui sont victimes de procès taillé sur mesure au profit de certains individus sans foi ni loi qui ne savourent que leur seul désir de s’enrichir illicitement sur les héritages des de cujus. Selon l’Association des femmes juristes du Burkina les questions de succession, de famille de manière générale et qui relèvent de la Chambre sociale devraient être confiées à des magistrats plus expérimentés au regard de leur complexité.
Un engagement public du gouvernement pour permettre la comparution de tous ceux qui seraient cités dans les grands dossiers
Au débat prétorien, l’insuffisance de la formation des magistrats a été évoquée à souhait. Certains ‘’plaignants’’ ont plaidé pour la spécialisation dans la formation des magistrats afin de les rendre plus efficaces dans le traitement des dossiers à eux confiés. Le gouvernement a annoncé la réouverture des grands dossiers de crimes et de sang. Pour certains magistrats, si cela est un acte à saluer il demeure cependant une préoccupation. Celle de voir toutes les personnes citées dans l’instruction des différentes affaires accepter de comparaitre. Pour ce faire, ils proposent que par une déclaration publique, le gouvernement s’engage à faire comparaitre toutes les personnes qui seront citées dans les différentes affaires de crimes de sang et économiques quelle que soit leur qualité et où qu’ils soient. Du coté du barreau, le son de cloche a été donné, à propos de l’état des juridictions dans certaines provinces. A les en croire, dans certaines juridictions, il n’ y a même pas une place pour la défense.
Si traduire c’est trahir, quelle est la valeur des propos traduits de l’accusé devant le juge ?
Une question et non des moindres qui a été logée dans la moule de l’accès à la Justice, est la question de la fonction d’interprétariat dans les juridictions. L’interprète est l’intermédiaire entre le juge et le comparant au prétoire. Pendant les débats, il traduit les questions du juges au profit du comparant et se charge de traduire aussi les réponses de l’accusé. Dans cette manipulation linguistique, il est évident que des erreurs peuvent intervenir. Comment l’interprète qui n’a pas de culture juridique, généralement, peut-il maîtriser le langage du jus et le rendre accessible aux justiciables qui ne comprennent pas le français à fortiori les termes juridiques ? A l’analyse de la question, il apparait que dans un pays où plus de la majorité de la population est illettrée et où le droit est dit en langue officielle, l’accès de la Justice pose d’énormes problèmes et conserve alors son caractère élitiste, charmant héritage du colon. Toute chose qui explique aussi le faible niveau de culture juridique dans la population et l’infimité de la jurisprudence. Concernant l’instruction, il est aussi ressorti du prétoire du peuple, que certains officiers de police judicaire jouent à la rétention d’information au préjudice de leur chef qui est le procureur du Faso. Pour des pots de vin perçus, certains ne livrent pas des informations qui permettraient de donner plus de moyens probants au procureur pour inculper. Le phénomène de corruption se joue aussi en sens contraire. A ce niveau c’est le chef des OPJ qui range simplement au fond de son tiroir les informations à lui transmises par les services d’enquête. Sur le plan carcéral, appel a été fait à la société civile afin qu’elle s’implique dans la réinsertion sociale des délinquants. A la barre, il a été reproché à la Justice de ne pas incarner suffisamment les valeurs culturelles et la civilisation du pays. Ainsi, elle parait souvent inadaptée. Au terme du procès, la Justice a été condamnée à une profonde réforme qui tienne compte des valeurs d’étique et de morale pour un véritable pacte de réconciliation avec le peuple.
Saphnapanéa Roger PAUL DROIT