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Recours en annulation du decret de dissolution des Conseils municipaux : « Je suis déçu de la façon dont le dossier évolue au niveau de la Justice », Thomas Baguemzanré, ex-SG de l’AMBF et ex-maire de Kindi
Publié le mardi 24 mars 2015  |  Le Quotidien
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© AIB par DR
Renforcement des capacités des conseils municipaux : Les élus locaux informés et sensibilisés sur leurs place et rôle




Par décret présidentiel du 17 novembre 2014, les Conseils municipaux du Burkina ont été dissous. Quelques semaines après la prise de ce décret, l’ex-maire de Kindi et ex-secrétaire général de l’Association des municipalités du Burkina (AMBF), Thomas Baguemzanré et plus de 600 conseillers municipaux ont décidé d’attaquer ce décret en justice. Un décret qu’ils jugent inopportun et illégal. Depuis lors, c’est le silence radio sur cette affaire. Nous avons donc rencontré le chef de file des conseillers qui ont introduit le recours en justice, en la personne de Thomas Baguemzanré, pour avoir des informations sur l’évolution du dossier au niveau de la justice.
Le Quotidien : Thomas Baguemzanré, que devenez-vous après la dissolution des conseils municipaux ?

Merci à votre journal « Le Quotidien » pour l’honneur que vous me faites et d’être venu pour vous enquérir de nos nouvelles. En tant qu’ex-conseillers des collectivités dissoutes, chacun vaque maintenant à ses propres occupations. Puisque nous sommes des citoyens, nous avons aussi un regard sur la marche et le fonctionnement actuels des collectivités territoriales. Cela est de notre devoir de citoyen d’observer le fonctionnement de ces collectivités et interpeller, si toutefois, il y a des dysfonctionnements, afin que ce qui ne va pas puisse être amélioré.

Avez-vous des nouvelles de votre commune ?
Comme je l’ai dit, en tant que citoyen, je reste toujours attaché à ma commune pour laquelle j’ai un certain nombre d’informations sur la gestion actuelle.

Quelques semaines après la dissolution des conseils municipaux, vous et plus de 600 autres conseillers avez intenté un procès contre cette décision. Expliquez-nous le contexte de cette décision.

Nous avons toujours décrié cette décision et nous la décrions toujours. Car elle constitue un amalgame de non-respect de la loi. Comme je l’ai toujours réaffirmé dans d’autres organes de presse, nous sommes soucieux de la paix. Et la paix ne peut venir que sur la base de la vérité. Souvent, les gens disent de prier pour la paix, moi, je dis toujours de prier pour la vérité, parce que dès lors qu’il y à la vérité, s’ensuivent la justice et la paix. C’est pourquoi nous avons toujours dit que la décision de suspension des conseils municipaux était inopportune. Elle s’est faite comme si nous étions dans un Etat de non droit. Nous avons voulu, par notre action, revendiquer notre droit constitutionnel. Nous protestons également contre tout abus de pouvoir, d’où qu’il vienne et de qui qu’il soit. Donc, comme la mesure est illégale, nous nous devons aussi de poser le problème au niveau des juridictions pour qu’elles tranchent en droit. Cela permettra de faire jouer notre démocratie sur les valeurs d’un Etat de droit…

Donc, selon vous, le décret pris par les autorités est illégal ?

Je ne cesse de le dire, elle est illégale et contraire à la loi. Ce n’est pas une question d’orgueil personnel ou d’orgueil des autorités de la transition. Il faut tout simplement accepter sa faute lorsqu’on a fauté et c’est cela la vérité. En plus, toute vérité qui est acceptée est accompagnée de justice, de réparation et de réconciliation. A ce niveau, je ne doute pas que si une loi est illégale, il faut la dénoncer et refaire de telle sorte qu’on rentre dans la légalité. C’est cela la vérité, la justice et la paix.

Vous avez attaqué cette mesure au niveau de la justice. Au jour d’aujourd’hui, quelle est l’évolution du dossier ?

Je suis déçu de la façon dont le dossier évolue au niveau de la Justice. D’abord, nous avons déposé notre recours depuis le mois de janvier, au niveau du Conseil d’ Etat. Nous avons eu à rendre une visite de courtoisie pour nous enquérir de l’état de notre dossier au premier Président, quelque temps après. Ce dernier nous a rassurés qu’il a transmis le dossier à une Chambre. Mais il nous a précisé aussi qu’il vient d’être nommé. Nous avons vu aussi la loi organique No 015 du 23 mai 2000 qui porte composition, organisation, attribution et fonctionnement du Conseil d’Etat. Son décret d’application du 20 septembre 2000, en son article 36 dit : « Il est statué d’urgence sur les demandes en suite d’exécution, le requérant et l’autorité ayant rendu la décision étant appelé à la plus prochaine audience utile sans observation de délai ». Nous avons donc demandé à notre conseil qui nous a fait le point. Et depuis que nous avons déposé notre dossier, il y a eu, à ce jour, 10 audiences au niveau du Conseil d’Etat et notre dossier n’est pas encore programmé. On ne sait pas quand il sera programmé. Par conséquent, nous nous posons cette question : allons-nous vers un déni de justice ? Parce que, comme c’est un problème de gouvernement, les magistrats reçoivent des instructions au niveau de l’exécutif, je me pose alors la question de l’indépendance de la justice et des magistrats. Ou bien c’est une pratique des magistrats qui est de prendre les dossiers et de les poser sans rien dire ? En tout cas, je ne suis pas satisfait. C’est une question d’actualité qu’il faut trancher une fois pour toute. S’ils veulent lier ce dossier à des questions politiques, je ne suis pas dedans. S’il n’y a pas de juges courageux pour dire le droit, parce que c’est lié à l’Etat, je le regrette. A cet effet, nous sommes mal barrés si c’est ainsi la justice qu’on va nous servir. Si les choses sont ainsi, à quoi peut servir les Etats généraux de la justice qu’on organise ? Je me pose la question. Il faut toujours faire la part des choses entre la justice et la politique. Allez aujourd’hui voir comment les communes fonctionnent et vous comprendrez pourquoi, nous disons et répétons, que cette décision de dissolution des Conseils municipaux est inopportune et illégale.

D’aucuns ont traité la décision de dissolution des conseils municipaux comme étant une décision politique. Est-ce votre avis ?

Politique ou pas politique, je pense que le politique aussi s’inscrit en droite ligne dans l’Etat de droit et le droit. Est-ce qu’on peut égorger quelqu’un parce que vous n’êtes pas d’accord avec lui politiquement ? Est-ce que c’est possible ? Non ! Il faut qu’il y ait quelque chose qui dit qu’on peut l’égorger, et même dans ce cas, on part sur la base du droit. Politique ou pas, je n’aime pas revenir sur ces raccourcis, parce que même être une association ou OSC est politique. Les gens considèrent le milieu politique comme étant le cercle de l’abstrait et du mensonge à outrance, où pour être excellent il faut pouvoir vendre sa mère. Comme moi je ne peux pas vendre ma maman, je ne peux pas être un bon politicien. Il y a une bonne politique et une mauvaise politique. A chacun de choisir. De toute façon, je ne demande que le droit.

Quel appel avez-vous à lancer en ce qui concerne ce dossier ?

Je n’ai jamais cessé de lancer des appels pour que cela soit une leçon pour nous-mêmes, pour l’avenir et pour l’ancrage de notre démocratie et de l’Etat de droit. Nous n’avons pas fait notre action en dehors des procédures normales. Notre position s’inscrit dans la légalité. Si on ne veut pas rendre justice à notre requête qui est normale, je pense que cela pose problème. Parce que, la consolidation de la démocratie et de la stabilité est basée sur la justice. Aucune paix durable ne peut être trouvée en dehors de la vérité et de la justice. Il y a des actes qui ont été posés contre nous et nous sommes devant les juridictions pour comprendre la vérité. Quand on a parlé des problèmes des boissons en cannettes périmées, très rapidement l’affaire a évolué. Il faut cesser de culpabiliser les maires et respecter les textes en disant le droit. Nous ne disons pas que tout est bien, parce que dans une famille il y a de bons et mauvais membres, mais c’est la famille. C’ est pourquoi la loi est là pour châtier et rendre ce qui est juste. On ne sanctionne pas pour tuer, mais pour ramener la personne sur des bases justes et claires.

Nous sommes au terme de cet entretien, y a-t-il quelque chose qui vous tient à cœur et qui n’a pas été dit ?

Je veux tout simplement vous remercier pour l’intérêt que vous portez à cette question. Parce que, présentement la situation dans les communes est assez désolante. Je pense que même ceux qui ont pris cette décision doivent reconnaître que la mesure n’est pas correcte. Il faut essayer d’avancer en disant la vérité, car dès lors qu’on dit la vérité, cela soulage. Si on fait une évaluation des trois mois écoulés, on verra l’impact négatif d’ordre humanitaire que cela a créé. Certes, les partis politiques disent qu’ils ont mis en place des délégations spéciales, mais on n’arrive toujours pas à servir convenablement les populations comme cela se faisait avant. C’est un recul du processus de la décentralisation qui est organisé par la Constitution pour que les populations locales puissent s’administrer elles-mêmes et travailler en harmonie avec leurs communes. Pour ce qui est de la Transition, je souhaite qu’on puisse avancer dans la paix, la concorde et sans exclusion. Il faut que la Transition s’occupe de l’essentiel pour qu’on puisse mettre des institutions fortes qui permettront d’ancrer définitivement une vraie démocratie débarrassée de toute idée partisane. Il faut que, quel que soit le régime qui viendra après, il puisse aussi se mettre dans ce cadre idéal que nous aurons bâti ensemble. Nous devons tous tirer les enseignements et les leçons du passé pour assurer un avenir radieux et durable pour notre pays.

Interview réalisée par Idriss Birba
Retranscription Lassané Sawadogo (Stagiaire)
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