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Sidwaya N° 7346 du 31/1/2013

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Editorial : Un cobaye constitutionnel nommé Luc Adolphe Tiao
Publié le jeudi 31 janvier 2013   |  Sidwaya


Presse
© aOuaga.com par A.O
Presse : ouverture du forum des corps constitués en presence du Premier Ministre
Jeudi 18 octobre 2012. Burkina : Le Premier Ministre Luc Adolphe Tiao a assisté à l’ouverture du forum des corps constitués


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Mercredi prochain, le Premier ministre Luc Adolphe Tiao passera une épreuve inédite à l’hémicycle. Bien qu’ayant déjà prononcé des discours devant les députés, sur la situation de la Nation et sur la politique générale, l’épreuve de mercredi sera complètement différente. En effet, pour la première fois, en une vingtaine d’années de pratique démocratique sous la IVè République, un Premier ministre verra sa future politique gouvernementale sanctionnée par un vote parlementaire. On imagine combien l’adrénaline va monter, lorsque Luc Adolphe Tiao tel un écolier attendant la note de l’examinateur après avoir fait sa récitation, attendra impatiemment, au terme d’un speech de deux heures ou plus, que les députés, ses ex-collègues lui décernent sa note. Cette situation exceptionnelle, on la doit aux nouvelles dispositions constitutionnelles qui indiquent que la déclaration de politique générale du Premier ministre tout comme son discours sur l’état de la Nation doivent désormais être suivis d’un vote franc des députés. Ceux-ci, par un oui ou un non, diront tout le bien ou le mal qu’ils pensent du projet de développement que le chef du gouvernement leur aura présenté.

Cette nouvelle donne intervient en effet après les réformes institutionnelles de 2012 qui ont eu pour conséquence une révision de la constitution du Burkina Faso. La loi N°033-2012/AN du 11 juin 2012 portant révision de la constitution, en son article 63, alinéa 4 et suivants, dispose ce qui suit : « dans les trente jours qui suivent sa nomination, le Premier ministre fait une déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale. Cette déclaration est suivie de débats et donne lieu à un vote. L’adoption de cette déclaration vaut investiture ». Par contre, au terme de la même loi, « Si la déclaration de politique générale ne recueille pas la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale, le Président du Faso met fin aux fonctions de Premier ministre dans un délai de huit jours. Il nomme un nouveau Premier ministre ». Luc Adolphe Tiao fera donc mercredi office de cobaye pour donner corps à cette nouvelle disposition de notre Loi fondamentale. Finies donc les périodes, où les chefs de gouvernement venaient prononcer des heures durant, des discours qui passaient comme une lettre à la poste. Désormais, le PM aura besoin de l’onction parlementaire pour mettre en œuvre sa politique. Mieux, les députés évalueront par leurs votes la mise en œuvre de cette politique lorsque le chef du gouvernement repassera pour faire le point sur la situation de la Nation. En termes de qualité du contrôle de l’exécutif, les députés ont eu un pouvoir important. A eux de savoir s’en servir.

Cette épreuve de mercredi 30 janvier sera d’autant plus exaltante que le nouveau parlement burkinabè enregistre un nombre important de députés issus de l’opposition. Avec trente députés dont les votes ne lui sont d’avance pas forcément acquis, Luc Adolphe Tiao devra présenter un programme très ambitieux certes, mais réaliste. Il s’agit de convaincre les députés de l’opposition que quand bien même on est dans l’opposition, on peut approuver un programme politique d’un gouvernement dont on souhaite pourtant la chute. La déclaration de politique générale du Premier ministre doit donc prendre en compte l’essentiel des aspirations des masses populaires. Chacun des députés ayant été élu pour servir et veiller sur l’intérêt du peuple, il n’est pas interdit qu’une opposition approuve un programme gouvernemental tout en gardant son indépendance. Mais la réalité de la politique burkinabè aujourd’hui, fait qu’il ne sera pas surprenant d’enregistrer un « non » collectif des députés de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), de l’Union nationale pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS) ou encore de la coalition du Parti pour la démocratie et le socialisme/Metba (PDS/Metba) et de leurs acolytes.

Au-delà de l’épreuve à laquelle sera soumis le Premier ministre Luc Adolphe Tiao reconduit dans ses fonctions fin 2012 par le président du Faso, l’opinion publique mais aussi les observateurs, scruteront de près le vote de Me Gilbert Noël Ouédraogo et de ses ouailles de l’ADF/RDA présents à l’hémicyle. Evincée du gouvernement Tiao III en ce début d’année, l’Alliance pour la démocratie et la fédération/ Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) qui, au cours des sept dernières années se réclamait de la mouvance présidentielle et non de la majorité parlementaire, se fera découvrir par son vote.
Si Gilbert et ses dix-sept députés votent positifs, on comprendra alors qu’il se situe désormais dans la mouvance parlementaire et donc soutient toujours le programme du chef de l’Etat, Blaise Compaoré. En revanche, un vote négatif rapprocherait davantage « l’éléphant » de la case de l’opposition et battrait peut-être en brèche les affirmations selon lesquelles « les négociations sont en cours avec l’ADF/RDA » comme on nous a laissé entendre le 2 janvier dernier à la Primature. Autant dire que le test est moins risquant pour M. Tiao que pour Gilbert Noël Ouédraogo, obligé par son vote de dévoiler la nature réelle de ses relations actuelles avec le pouvoir. Mais la politique a ses réalités qu’aucun journaliste, même politiste ne peut sonder.

En tous les cas, ces positions et positionnements politiques intéressent très peu les 16,5 millions de Burkinabè dont près de la moitié attend que le chef du gouvernement lui présente un programme de développement ambitieux qui va lui permettre de manger trois fois par jour, de boire à sa soif de l’eau potable, de se soigner à moindre coût dans des centres de santé proches de leurs domiciles et d’aller à l’école sans l’obsession de ne plus savoir à quelle année académique il se trouvera lorsque viendra l’heure de la rentrée à l’université.
Oui, au-delà des calculs politiques et politiciens, la déclaration de politique générale devra mettre en musique harmonieuse le programme politique du président du Faso, « Bâtir, ensemble, un Burkina émergent » et la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD) dont l’un a reçu l’onction populaire en 2010 et l’autre le feu vert des partenaires techniques et financiers à Paris.

Si M. Tiao prouve ce mercredi aux Burkinabè que 2013 est le début du commencement de la fin de la vie chère, même un vote négatif de l’opposition et de l’ADF/RDA réunis, n’ébranlera pas leur foi en l’avenir.
En tous les cas, Luc Adolphe Tiao qui a prouvé au cours des vingt-un derniers mois que ce n’est pas la volonté qui lui manque, devra une fois encore montrer qu’il est un homme qui a envie de faire bouger les lignes. Même si dans l’absolu, les politiques publiques n’ont pas permis de faire baisser drastiquement les 46% de taux de pauvreté absolue, nos compatriotes vivent bien mieux aujourd’hui qu’hier. Que ce soit au niveau de l’éducation, il n’y a plus beaucoup de villages où il n’y a pas une seule école, et très peu de bourgades peuvent se plaindre de manquer de pompes ou de puits d’eau potable.
C’est vrai, au cours de ces derniers mois, tout le monde a décrié la corruption comme si elle avait mis l’Etat à plat, mais personne ne semble vouloir se défaire de ses propres habitudes abjectes qui, au quotidien empêchent les politiques publiques de produire les effets spectaculaires que chacun réclament à cor et à cri. Chacun crie à la corruption, aux gaspillages des ressources publiques, mais tous ou presque se refusent à tendre son cou lorsque l’on veut tendre le scalpel de la bonne gouvernance et de la rigueur budgétaire. Chacun crie : « ce gouvernement-là a fermé tous les robinets. Tout est devenu dur dans ce pays-là ». Comme quoi, il est bon d’accuser les autres de parler et de ne rien faire, pire quand on travaille consciencieusement à empêcher ceux qui ont l’audace de parler et de vouloir faire ce qu’ils disent qu’ils vont faire.
Pour ce discours de politique générale, qu’il soit député du Congrès pour la démocratie (CDP), donc du pouvoir, de l’opposition ou même député non inscrit, peu importe leur vote, ce qui préoccupe les Burkinabè d’en bas comme d’en haut, c’est comment vous allez aider ce gouvernement dans vos actions de tous les jours à améliorer leur quotidien.

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
rabankhi@yahoo.fr

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