Ouagadougou - Les députés ont diversement apprécié la déclaration de politique générale présentée mercredi par le Premier ministre Luc Adolphe Tiao, devant l’Assemblée nationale.
Les élus nationaux ont jugé la politique générale du gouvernement, positivement ou négativement, selon leur connotation politique. Pour Ablassé Ouédraogo, président de « Le Faso Autrement » (opposition), le choix de placer le secteur minier au cœur du développement du pays, n’est pas la meilleure option.
Gilbert Noël Ouédraogo, le président de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/ Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) (mouvance) estime que le discours est « assez bien dosé » et pose « les préoccupations essentielles ».
Pour Me Bénéwendé Sankara, président de l’Union pour la renaissance/parti sankariste (opposition), le Premier ministre a survolé la question de la corruption et l’impunité. « Pendant qu’il prononce son discours, il ya des cas qui interpellent notre conscience comme celui de Guiro, de l’ambassadeur burkinabè à Paris, Joseph Paré. Ce sont des questions qui érodent la démocratie », a-t-il dit.
« En une heure, il (Le Premier ministre, ndlr) a ramassé les éléments essentiels et nous pensons que le discours est très bien », a réagi Bila Gérard Seghda du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir.
Voici l’intégralité de leurs déclarations :
Ablassé Ouédraogo, président de « Le Faso Autrement », opposition : Ce que nous avons à reprocher à son discours qui est un discours d’investiture, c’est qu’il n ya pas de date indicative quand à la mise en œuvre de tout ce qu’il a proposé. C’est un discours fleuve, 39 pages, 75mn et on vous donne 15mn de suspension pour préparer des questions. Nous avons proposé qu’avec les technologies modernes dont nous disposons, qu’on adopte une autre formule qui puisse permettre aux députés de disposer du discours pendant quelques heures, de le lire avant de revenir en salle se prononcer. De toutes les façons, cela se terminera par un vote. Ce que nous avons vu aussi, c’est cette tendance à placer les sociétés minières comme le poumon du développement de notre pays. Les ressources minières sont un don de Dieu, elles sont épuisables. Ce qui veut dire qu’il vaut mieux se baser sur quelque chose de sûr pour construire l’avenir. Pour un pays comme le Burkina, je pense que l’agriculture et l’élevage demeurent les piliers de notre développement. Pour être en équilibre, il faut marcher sur deux pieds. On peut avancer dans l’exploitation minière tout en gardant en tête que la fin (de l’exploitation minière ndlr) peut arriver à tout moment et surtout se concentrer sur le développement agricole et l’élevage, si on veut donner un avenir aux générations futures. Mais il faut être conscient, son action c’est entre maintenant et novembre 2015. Je ne pense pas qu’il puisse faire beaucoup de choses en deux ans et demi. Nous sommes en train de l’écouter, nous prendrons donc notre décision en fonction des réponses que nous lui avons posées. »
Gilbert Noël Ouédraogo, président de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/ Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), mouvance : « Le discours est assez bien dosé et il a posé les préoccupations essentielles. Il restera maintenant la mise en œuvre qui doit pouvoir traduire les préoccupations et les attentes légitimes du peuple burkinabè. C’est en cela qu’en tant que députés élus, nous avons notre rôle à jouer. »
Nicolas Dah, de l’Union pour le changement et le progrès (UPC), opposition : « La déclaration de politique générale du premier ministre est un rituel auquel nous sommes habitués. C’est une orientation que le Premier ministre donne sur les actions à mener pour le développement de la nation. Nous pensons que tout parti politique qui se dit partisan du développement de la nation doit aller dans le sens de l’écoute et de la critique de cette déclaration et de voir dans quelle mesure, dans sa mise en œuvre, il peut participer. Faire des critiques nécessaires ne veut pas dire aller à l’encontre de la politique du Premier ministre parce qu’il est notre Premier ministre à tous. S’il pose des actions qui ne sont pas au rang de l’Assemblée nationale dont l’un des rôles fondamental est de contrôler l’action gouvernementale, l’Assemblée peut à travers les différentes formes d’interpellations attirer l’attention du Premier ministre. La vie d’une nation ne peut pas être exposée de façon exhaustive à travers une déclaration de politique générale, mais il ya certainement des questions à apporter à la fin de son discours. La critique se fera au moment de l’état sur la situation de la nation qui est en fait un bilan sur la mise en œuvre de son programme. »
Bila Gérard Seghda du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir : « C’est peut-être le fait qu’il (le Premier ministre, ndlr) a tout compilé, donc il ya beaucoup de choses qui n’ont pas été détaillées. Mais ca se comprend que si vous voulez tout détailler, on en avait pour la semaine. En une heure, il a ramassé les éléments essentiels et nous pensons que le discours est très bien. Il ya beaucoup de choses qu’il va falloir regarder de près, aussi bien de l’éducation nationale, des enseignements secondaire et supérieur que de la recherche scientifique. Il ne faut pas résoudre le problème d’un ordre d’enseignement et laisser d’autres. Tout doit aller ensemble parce que c’est une continuité et il ya influence d’un ordre sur un autre. De l’éducation nationale, les élèves viennent au post primaire, au secondaire et ensuite à l’université. Question de renforcement des capacités, ca doit être partout pareil tel qu’au niveau des infrastructures. D’une façon générale, la déclaration donne des perspectives intéressantes et ca va droit dans ce que nous voulons en tant que groupe parlementaire CDP. »
Mamadou Benon de la Convention des Forces démocratiques (CFR), mouvance : « Nous faisons une appréciation positive du discours du premier ministre. Nous le félicitons. Nous remarquons également que c’est la première fois qu’un discours de Premier ministre est sanctionné à la fin par un vote. Nous percevons donc véritablement l’importance de la question. Quand on a écouté le Premier ministre on se rend compte que l’ensemble des secteurs a été pris en compte. Nous sommes tout à fait satisfaits et nous allons voter l’investiture du Premier ministre tout en critiquant objectivement ce discours dans certains endroits. Parce qu’il ne s’agit pas de voter pour voter. Nous devons à notre tour essayer d’apporter des critiques. Et quand on fait des critiques, on y apporte des solutions et des propositions concrètes en vue d’améliorer la prestation gouvernementale. Un discours ne peut aller dans le fond. Ca fait une situation un peu ramassée, c’est un programme. Maintenant ce programme est décliné dans chaque ministère en actions concrètes. Quand on fait la lecture, tous les secteurs ont été pris en compte et les grandes orientations du Premier ministre sont tout à fait acceptables. Comme tout œuvre humaine, il ya des limites. En tant que député, j’ai cru entendre que le Premier ministre parlait d’agriculture traditionnelle améliorée. J’ai quand même été surpris pendant qu’au 21ème siècle, nous fonctionnons avec des tablettes, on parle de culture traditionnelle améliorée. A mon sens il faut que nous accélérions la mécanisation agricole en mettant à la disposition des paysans, des outils performants. Voilà un aspect sur lequel, j’ai été un peu réservé. Mais comme je vous l’ai dit, ce sont des œuvres humaines et nous sommes tous appelés à y apporter nos contributions. Ce qui est en jeu aujourd’hui, ce ne sont pas les questions politiques mais le bonheur du peuple burkinabè. »
Bénewendé Stanislas Sankarap président de l’Union pour la renaissance nationale, parti sankariste (UNIR/PS), opposition : « D’une façon générale, c’est un discours équilibré qui aborde tous les problèmes. Mais il faut aller au-delà de la politique de déclaration générale qui s’apparente à une certaine routine. Nous avons l’impression que ce sont les mêmes discours qu’on réactualise. Le gouvernement s’emploi chaque fois à dire on verra, on verra. Ce qui est une bonne chose, c’est que cette fois-ci, il innove en disant qu’il va créer un mécanisme de suivi-évaluation. Il faut avoir le courage politique de dire que l’opposition trouve son compte. Parce qu’il nous appartient nous tous en tant que députés, de contrôler l’action du gouvernement, de voir si cette batterie de propositions va à terme se réaliser. On nous a ici promis ciel et terre, à la fin on se rend compte que rien n’a été réalisé. Si on peut évaluer ce discours à chaque instant dans les détails, ca permettra au peuple burkinabè, de se défaire des promesses creuses. Le Premier ministre n’a pas été en profondeur sur des questions essentielles, telles que la corruption et l’impunité. Pendant qu’il prononce son discours, il ya des cas qui interpellent notre conscience comme celui de Guiro, de l’ambassadeur burkinabè à Paris, Joseph Paré. Ce sont des questions qui érodent la démocratie. II dit qu’il faut soutenir davantage le service public et la justice. Mais en attendant, je constate que lorsque qu’on parle de professionnalisation de la justice, ce sont des magistrats rompus qu’on envoie souvent dans les institutions politiques alors que nous devrions être dans la logique d’une séparation des pouvoirs. Il parle également de revoir le code minier, c’est une bonne chose, mais en attendant, vous verrez que la fronde sociale sur ces aspects est nébuleuse sinon en ébullition. »