Mais d’où proviennent donc toutes ces armes à feu qui circulent comme des petits pains à l’intérieur du Burkina Faso ? Non pas celles détenues par nos vaillants agents des forces de défense et de sécurité dont la mission principale consiste en la sécurisation des personnes et de leurs biens, ainsi qu’en la préservation de l’intégrité du territoire. Non plus celles appartenant aux personnes attributaires d’une autorisation légale de port d’arme et qui sont bien répertoriées dans les fichiers des services de police. Nous parlons plutôt de celles qui sont détenues de façon illicite.
Et il y en a au moins deux catégories : les armes clandestinement et artisanalement fabriquées en interne et les armes industriellement fabriquées conformément aux normes internationales et qui sont tout autant sophistiquées que celles que portent les professionnels de la guerre. Même si elles sont d’une qualité moindre que les secondes, les armes artisanalement fabriquées sont d’une capacité de nuisance et sont aussi dangereuses que les secondes.
Pour autant, la prolifération et la libre circulation de ces armes au Burkina Faso, au point même que des personnes mal intentionnées puissent s’en procurer, est un drame effroyable. Le grand banditisme prend de l’ampleur et les forces de l’ordre semblent être désormais débordées par la situation. Il ne se passe un jour sans que des citoyens honnêtes se fassent braquer chez eux à domicile, dans les banques où sur les routes interurbaines, par des malfrats opérant à main armée. De façon régulière, il arrive aussi que, dans un débit de boisson, quelqu’un se lève et s’en prenne à son vis-à-vis en tirant sur lui à bout portant. Des cas pareils sont légion, à Ouagadougou notamment.
Les bandits armés sont aussi lourdement armés, on dirait même bien plus, vu l’incapacité des forces régulières à en finir avec le phénomène. Qui sait d’ailleurs si après les mutineries de 2011 toutes les armes sorties des casernes ont pu être récupérées. Car à voir l’habileté dont font preuve les braqueurs et autres coupeurs de route, qui sont des fois même habillés en tenue militaire, aussi nombreux qu’il semble, l’on a l’impression d’être les otages d’une armée occulte mais qui ne dit pas son nom. Le Burkinabè n’est plus en sécurité dans son propre pays. Ceux qui ont été témoins ou victimes d’un braquage à main armée savent tous quelle était leur espérance de vie à l’instant où ils étaient dans la situation. Chaque seconde qui arrivait pouvait être, à cet instant, la dernière de leur existence ici bas. Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux d’entre eux qui continuent de faire des cauchemars pendant leur sommeil. Que faut-il faire donc ?
En plus, avec la menace terroriste qui plane sur nos têtes depuis l’insurrection des djihaddistes au Nord-Mali, il y a vraiment de quoi trembler. Au juste, nos forces de l’ordre et de sécurité ont-elles vraiment les possibilités de nous sécuriser ? Que font-elles dans ce sens ? Malheureusement, la communication rassurante manque concernant ce rôle régalien de l’Etat. Et c’est pourquoi nous voulons saluer ici la perspicacité du député Innocent Coulidiati qui, lors des débats à l’issue de la déclaration de politique générale, a interpellé le chef du gouvernement sur la question. Pour l’une des rares fois, un député de la majorité présidentielle a osé. Et cela pourrait aussi être quelque part le signe de l’avènement d’un vrai débat démocratique au Burkina Faso. Exit le traditionnel alignement politique, mot d’ordre en général décrété depuis le sommet et qui a été jusqu’ici le véritable blocage à l’épanouissement de notre peuple. L’opposition minoritaire, et qui d’ailleurs va toujours en rangs dispersés, étant toujours impuissante pour mettre fin au diktat de la majorité. Diktat est peut-être un terme sévère, mais les décisions et autres lois entérinées par la majorité parlementaire sont réellement souvent irréfléchies pour être profitables à la Nation.
Si l’opposition est incapable face à la majorité écrasante qui impose unilatéralement sa vision, alors le salut ne peut que venir désormais de l’intérieur de cette dernière. Osons donc espérer, comme il nous a été donné de croire ces derniers temps, notamment lors des derniers scrutins, que les politiques burkinabè ont compris les exigences du peuple de plus en plus mature politiquement. Si l’on se dit les vérités au sein de la majorité politique et à l’hémicycle, c’est l’ensemble de la population burkinabè qui en profitera et non pas simplement une minorité dirigeante. Alors, nous saurons tous porter, ensemble comme un seul homme, les vraies valeurs citoyennes et converger selon un même esprit patriotique vers l’émergence véritable et harmonieuse. Emergence qui ne suppose pas que la majorité du peuple souffre tandis qu’une minorité se la coule douce.
Ce sont les inégalités qui encouragent, non seulement les révoltes sociales, mais aussi la recrudescence du grand banditisme dont nous parlions plus haut