Les spécialistes et les stratèges militaires nous promettaient une guerre des plus difficiles au Nord-Mali, où les islamistes, surarmés, vendraient cher leur peau. Mais voilà, en l’espace de trois semaines, l’armée française, par sa puissance de feu, notamment sa force de frappe aérienne, a contraint les djihadistes à fuir l’ensemble des larges bandes désertiques qui constituaient jusqu’alors leur antre. Les groupes islamistes ont fui les combats et se sont, soit fondus dans la population, soit retranchés dans les grottes aux confins du Mali à la frontière avec l’Algérie et la Mauritanie.
Que ce soit stratégique ou pas, une chose est sûre : leur débandade a permis au MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad) et à la faction dissidente d’Ansar Dine de reprendre le contrôle de la localité de Kidal, où la rébellion touarègue avait été chassée quelques mois plus tôt par les combattants islamistes d’Ansar Dine.
Ce retour du MNLA dans le jeu au Nord-Mali n’est pas sans poser des problèmes, vu que le mouvement s’oppose à l’arrivée des soldats maliens ou ouest-africains à Kidal. Une position sans doute avalisée par la France, puisque, contrairement à ce qui s’est passé à Tombouctou et à Gao, les militaires de l’opération Serval ont débarqué dans les faubourgs de Kidal sans être efflanqués de l’armée malienne ; d’ailleurs, aucun accrochage n’a encore été signalé entre les troupes françaises et les combattants du MNLA.
Une bien curieuse situation qui suscite de nombreuses interrogations, notamment sur les conditions dans lesquelles le MNLA a pu rebondir dans cette partie du Mali. On peut se demander comment cette rébellion a pu entrer en possession de ses armes, qu’elle avait mises à l’abri en Mauritanie auprès de l’armée de ce pays. Reste maintenant à savoir si Bamako acceptera d’être tenu hors de Kidal.
Rien n’est moins sûr ; pourtant, dans notre entendement, le MNLA aurait été bien été inspiré de mettre de l’eau dans son vin pour être moins irrédentiste en se rangeant clairement du côté de Bamako et de la communauté internationale. Ses revendications nationalistes, il pourrait les mettre plus tard sur la table des négociations. En s’arcboutant sur Kidal, le MNLA court le risque d’être considéré comme un ennemi et traité comme tel. A moins que ses dirigeants n’aient l’aval tacite de Paris.
A ce propos, on voit que la France, qui veut vite se retirer de cette zone, pousse pour que des négociations politiques soient entamées entre les parties maliennes. Paris n’a-t-il pas appelé hier Bamako à «engager sans plus attendre des discussions avec les représentants légitimes des populations du Nord (élus locaux, société civile) et les groupes armés non terroristes reconnaissant l'intégrité du Mali» ? Une déclaration qui donne en réalité des chances au MNLA de réexister et de revendiquer.
On ne sait pas à quoi joue la France, mais il faut espérer qu’elle ne se laissera pas prendre dans son propre jeu par des nationalistes touaregs qui n’hésiteront pas à tirer les marrons du feu pour donner corps à leur revendication d’indépendance politique vis-à-vis de Bamako. C’est quand même ce mouvement qui a fait entrer le loup dans la bergerie malienne et est donc à la base de cette chienlit qui a cours au pays de Soundjata Kéïta !
Si Paris semble bienveillant vis-à-vis du MNLA, que peut bien faire Bamako si ce n’est que négocier ; négocier parce que son protecteur le lui demande instamment.