L’intervention de l’armée française débutée le 11 janvier 2013 a soulevé une tempête de sable sur les islamistes du Nord-Mali, obligés d’abandonner leurs fiefs jadis conquis, pour battre en retraite. Le courage suicidaire avec lequel ils ont affrontés, dès les premiers jours, les soldats de l’opération Serval à Konna, Douentza et Diabali, a cédé la place à la débandade. Et les évènements se sont accélérés avec la reprise de Gao, le samedi 26 janvier 2013, par les forces françaises et maliennes.
La chute de ce bastion du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), situé à 1200 kilomètres au Nord-Est de Bamako, matérialise la reconquête du septentrion malien. Il ne reste plus qu’à débarrasser Tombouctou et Kidal des groupes terroristes. Avant même l’arrivée des « libérateurs », ces groupes étaient devenus subitement discrets dans les villes qu’ils occupent, et s’étaient même résolus à prendre le chemin de l’extrême-Nord pour échapper aux frappes aériennes françaises. Au sud, précisément à Markala, les précurseurs du bataillon burkinabè « Badenya » ont pris la relève des forces françaises et maliennes dans cette ville stratégique, compte tenu du pont-barrage reliant le Nord et le Sud du Mali sur le fleuve Niger situé à 270 km de la capitale malienne. Premier contingent de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) à prendre pied sur le théâtre des opérations, les éléments de « Badenya » empêchent ainsi toute éventuelle descente des terroristes vers le Sud.
Cette pression militaire, engagée par les alliés, permettra de restaurer au plus vite l’intégrité territoriale du Mali. Elle dégage également la voie du dialogue et de la négociation, brouillée depuis le coup de Jarnac des faucons d’Ansar Dine et leurs affidés, qui ont attaqué Konna, au mépris de la parole donnée lors des rounds de négociation à Ouagadougou. Et comme il fallait s’y attendre, les bombes de l’opération Serval n’ont pas seulement frappé les positions rebelles, elles ont aussi lézardé les intéressés. A Gao, le MUJAO a annoncé qu’il était prêt à négocier la libération de l’otage français, Gilberto Rodriguez Leal, enlevé en novembre dernier dans l’Ouest du Mali, près de Kayes. Cet appel du pied pour le dialogue intervient après la scission du groupe Ansar Dine. Les dissidents qui disent ne plus jurer sur le jihadisme ont créé le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA) avec à leur tête, Algabas Ag Intalla, un grand notable touareg. Cet héritier désigné du trône des Ifoghas dans la région de Kidal dit rechercher une solution négociée à la crise et prêt à combattre les terroristes même ceux qui se nichent au sein de son ancien mouvement Ansar Dine. L’homme a déjà participé aux négociations de Ouagadougou au nom d’Ansar Dine. Sa dissidence est-elle sincère ? N’est-ce pas un subterfuge pour échapper au déluge de feu qui s’abat sur Iyad Ag Ghali et ses partisans ? De prime abord, des observateurs relèvent que Algabas Ag Intalla faisait partie de l’aile modérée d’Ansar Dine à côté des jiadistes « purs et durs » venus d’autres horizons, dans le dessein d’instaurer la charia sur tout le Mali. Certes, d’aucuns diront qu’il n’a pas immédiatement condamné l’expédition jihadiste aux portes de Bamako. Pouvait-il le faire ? On se rappelle que plus d’une semaine s’était écoulée avant l’annonce officielle du président du Haut conseil islamique au Mali, Mahmoud Dicko, qui se démarquait clairement de tous les mouvements qui occupent le Nord au nom de l’islam. Du côté de Bamako, on ne ferme pas non plus la porte du dialogue.
Ainsi, dans la feuille de route qui balise la transition jusqu’à l’organisation d’élections libres et transparentes, le gouvernement du Premier ministre Diango Cissoko a inscrit en bonne place, les négociations, avec des préalables comme l’éradication des groupes terroristes, l’intégrité territoriale et la laïcité de l’Etat du Mali. Les discussions entre les différentes communautés du Nord-Mali qui se sont dissociées des jihadistes et des terroristes, seront une étape indispensable pour le retour de la stabilité dans ce pays. La France ne dit pas autre chose, elle qui a dépêché un ministre la semaine dernière pour échanger avec le médiateur de la CEDEAO. « Gagner la paix, a fort justement reconnu l’émissaire de l’Elysée, c’est au-delà de l’intervention militaire, avoir des interlocuteurs autour d’une table de discussion et de négociation politique ». Il va falloir continuer de négocier pour instaurer une stabilité durable au Mali. La médiation a vu juste, elle qui n’a jamais exclu le recours à la force contre les groupes rebelles, depuis le début de la mission qui lui a été confiée. Aussi paradoxale que cela puisse paraître, c’est l’intervention militaire qui aura permis de renouer les fils du dialogue rompus par l’offensive des jihadistes et des terroristes en début d’année. Cependant, les forces internationales doivent veiller à ce qu’il n’y ait pas de vengeance et d’exactions contre certaines communautés du Nord-Mali. Ce qui pourrait compliquer davantage les négociations et le retour à la paix.