Conformément à la décision consécutive à la proclamation des résultats définitifs des municipales de 2012 par le Conseil d’Etat et au traitement des recours soumis, des élections complémentaires auront lieu en principe le 17 février prochain dans 691 bureaux de vote. 37 provinces sur les 45 que compte le Burkina sont concernées par cette reprise des élections municipales du 2 décembre dernier. Cette situation est une première au pays des Hommes intègres qui, malgré la singularité du scrutin concerné, est tout de même déplorable. Le fait que le pays expérimente pour la toute première fois des élections couplées basées sur un fichier électoral biométrique ne suffit pas à tolérer autant d’irrégularités. Il est par ailleurs évident que le reflexe un peu nouveau mais du reste salutaire de passer par les voies de recours constitutionnelles a contribué à mettre à nu bien des imperfections de l’opération de votes.
Ceci est au demeurant normal et confirme davantage qu’en dépit des progrès réalisés, il y a encore des efforts à faire dans l’organisation des élections au Burkina. La nature des irrégularités relevées, dont certaines ont trait à des modifications unilatérales de résultats, la non-signature de certains procès-verbaux, l’usage d’enveloppes inadaptées ou non scellées bien que contenant des résultats, prouvent à suffisance que les responsabilités de l’échec sont plus ou moins partagées. Certes, les membres des démembrements de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), au vu de leurs attributions, en porteront un chapeau plus gros que celui des autres acteurs impliqués dans le processus électoral. La faute de ces manquements incompréhensibles nonobstant une longue expérience électorale n’incombe pas pour autant aux seuls acteurs de la CENI. Des leaders de partis politiques, non contents d’avoir échoué lamentablement dans la sensibilisation et l’éducation électorales de leurs militants, se sont tristement illustrés par une mauvaise gestion du matériel électoral. Il est donc important que toutes les défaillances et tous les niveaux de responsabilités soient pris en compte dans l’évaluation du processus en vue de tirer des leçons pour mieux rectifier le tir.
Le but à atteindre étant d’éviter de s’installer dans un cycle de reprises électorales qui n’apportent pas forcément un plus à la démocratie. Car, des facteurs non maîtrisables comme la mobilisation des électeurs pour des partielles peuvent contribuer à dévoyer le choix réel du peuple. Le choix stratégique de la période de campagne qui se tiendra pour l’essentiel après la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) qui mobilise incontestablement grand monde, ne suffit pas pour susciter de l’engouement pour ces élections complémentaires. Les irrégularités persistantes malgré les énormes moyens investis et les prestations de piètre valeur des candidats dans les médias peuvent décourager bien des potentiels électeurs. Il s’avère par conséquent nécessaire, en même temps que les procédures judiciaires poursuivent leur cours dans le but de punir comme il se doit les éventuels responsables de ces irrégularités, que des efforts médiatisés soient faits pour faire en sorte que tous les maillons de la chaîne de l’organisation des élections suivent un bon mouvement d’ensemble. Il faudra, pour rasséréner les citoyens, et éviter ainsi que la deuxième campagne ne soit morose, s’attaquer aux difficultés rencontrées sans état d’âme. Les acteurs impliqués dans l’organisation doivent être amenés, contraints si nécessaire, à faire preuve de plus de responsabilité.
La CENI n’envisage pas, contrairement à ce qu’ont demandé des partis politiques, de remplacer les membres de ses démembrements accusés de laxisme, de négligence, d’incompétence, de tentatives de fraudes ou de complicité de fraudes. Son entêtement est sans doute fondé sur le code électoral et se trouve alors justifiable. A elle cependant de redoubler de vigilance, aux représentants des partis politiques aussi de faire montre de plus de maturité, et à tous de prendre la vraie mesure de l’engagement historique que l’on attend d’eux pour le succès d’un projet tout aussi historique. Pour ce faire, on doit travailler ensemble pour l’avènement d’une vraie administration électorale au Burkina, qui survivra aux hommes et aux événements, avec des ressources humaines bien formées et un système organisationnel bien rodé. Ainsi pourra-t-on éviter à l’avenir ce jeu de ping-pong auquel se sont livrés la CENI et le Conseil d’Etat, en publiant des résultats trop différents et parfois même inconstants. Il y va de la préservation de la démocratie, de la bonne gouvernance et de la renommée du Burkina. Car, en plus de l’image démocratique du Burkina, cette reprise des élections municipales va coûter au contribuable burkinabè des moyens non négligeables au regard du nombre considérable de partis et de bureaux de vote concernés.