Aujourd’hui 24 janvier 2013 correspond au douzième (12e) jour du mois lunaire de ‘’Rabi Al Awal’’ du calendrier musulman. Cette date est celle de la naissance du Prophète Mohamed. Même si la célébration d’un tel anniversaire ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté musulmane, pour Mamadou Alioune Diouf, «elle sonne comme un recul afin de regarder l’œuvre du Prophète et voir en quoi elle peut servir l’humanité aujourd’hui».
L’homme est titulaire d’une maîtrise d’histoire et d’un diplôme d’études supérieures en communication. Sur l’islam, il n’a pas fait d’études formelles. Il n’a pas reçu non plus de formation religieuse à proprement parler. Il n’est pour autant pas un ignare. «J’ai appris à connaître l’islam de façon informelle. Au Sénégal, d’où je viens, j’ai d’abord été initié à travers la cellule familiale. Je me suis ensuite intéressé très tôt aux organisations de jeunesse en la matière où j’ai bénéficié de beaucoup de formations sur l’islam à Dakar, en Côte d’Ivoire, au Mali et au Burkina Faso», dit-il, pour décliner sa connaissance de la religion de Mohamed.
Aujourd’hui collaborateur du Centre d’études, de recherche et de formation islamiques (CERFI) et de l’Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB), il apporte son expertise à la formation de la jeunesse au sein de l’établissement confessionnel musulman. La Sagesse où il occupe le poste de directeur des Etudes. Ce qu’il sait de l’islam lui permet aujourd’hui d’être catégorique sur la célébration du Maouloud. «Non ! On ne trouve nulle part dans le Coran une prescription de façon explicite qui dit que le Maouloud est une date qui doit être célébrée. Ce n’est pas une fête comparable à la fin du ramadan ou à la Tabaski à propos desquelles on peut dire à tous les musulmans qu’ils sont tenus de les respecter», affirme-t-il à ce propos.
L’anniversaire de la naissance du Prophète Mohamed n’est donc pas inscrit dans le Coran comme une fête et tout fidèle n’a pas l’obligation de lui donner un caractère particulier. Certains musulmans ne voient pas l’intérêt de donner un cachet particulier à cette date, en l’absence d’une injonction de la religion. Mamadou Diouf ajoute que du vivant du Prophète et des premiers de ses compagnons, l’importance de cet anniversaire n’avait pas été relevée. Cependant, il n’est pas non plus interdit d’en faire un moment singulier ; mieux, notre interlocuteur le recommande.
«Vu l’importance de la personne du prophète Mohamed, son œuvre pour l’humanité, le nombre de personnes suivant son enseignement et de ceux portant son nom, il est important qu’à la date anniversaire de sa naissance on marque un arrêt. Cet arrêt ne doit pas forcément être perçu sous la forme d’une fête religieuse recommandée, mais comme un recul pour regarder l’œuvre de l’individu et voir en quoi elle peut nous servir aujourd’hui», indique Mamadou, comme il aime à se faire appeler.
L’ampleur de la célébration diffère d’une région à une autre, en fonction des groupes confrériques qui donnent à cet événement un caractère particulier : l’amour pour le Prophète reste pour eux un pilier fondamental. C’est la raison pour laquelle ils manifestent une telle gratitude. De l’avis de M. Diouf, des colloques, des symposiums, des conférences… adaptés aux réalités de l’heure seraient appropriés pour mettre en valeur la vie du Prophète et en tirer des enseignements. «Sous cette forme, l’aspect festif du Maouloud devient secondaire par rapport à la commémoration de la naissance d’un homme qui a marqué l’humanité», se convainc-t-il.
Au moment où les musulmans de divers horizons s’apprêtent à marquer la date anniversaire de la naissance de leur Prophète, certains d’entre eux, du moins reconnus ou se revendiquant comme tels, sèment désolation et horreur dans le monde. Chose qui ne laisse pas le collaborateur du CERFI et de l’AEEMB indifférents. «Les groupuscules sont aujourd’hui un goulot d’étranglement pour la communauté musulmane. Ce sont des musulmans, il ne faut pas leur nier ce statut, qui ont fait une mauvaise option et qui persistent au point de créer des foyers de tensions dans le monde. Attaquer des non-musulmans, des chrétiens en particulier requiert une justification dans l’islam que Boko Haram ne peut pas fournir.
En islam, même dans une guerre déclarée, en bonne et due forme, il y a des règles provenant de sources écrites de la religion : les religieux ne sont pas attaqués, les édifices religieux ne doivent pas être détruits… par exemple. Ces textes religieux sont bien antérieurs à ce que font les groupuscules aujourd’hui». A propos de la charia, il n’est pas moins prolixe. «Quand on parle de la charia, on la réduit au code pénal, notamment les châtiments corporels. Non ! Elle est un corpus dans lequel vous trouvez des règles religieuses, sociales déterminant la manière de vivre avec les autres, et juridiques, notamment un code pénal.
Nos frères maliens ont voulu faire appliquer la charia par la force alors que tous les savants musulmans reconnaissent qu’elle est un aboutissement. Tout pouvoir doit pourvoir aux besoins de la population avant d’appliquer la charia». Que pense Alioune Diouf des conséquences de la montée des groupuscules comme Boko Haram ou Ansar dine, avec leurs corollaires de malheurs au Burkina Faso ? Rien n’est à exclure, selon Mamadou Alioune Diouf. Il faut rester sur ses gardes et surtout prévenir avant de chercher à guérir. Il prévient : «Il ne faut jamais dire jamais. Dans les pays où il y a des troubles, nous avons tous vu les choses venir. Mais sous nos tropiques, nous avons le défaut d’attendre jusqu’au dernier moment avant de réagir. Il faut au Burkina Faso un cadre de dialogue dans lequel tous les citoyens pourront exprimer leurs mécontentements qui seront ensuite considérés. Il n’y aurait pas de raison alors qu’un groupuscule en vienne à prendre les armes pour faire valoir ses revendications.».