Nos précédants écrits ont largement expliqué et démontré le flou, surtout l’odeur de deal dont empeste l’opération de renouvellement en 2010 de la licence de Telmob. Malgré le démenti apporté à notre position dans un droit de réponse signé du directeur de la communication du Premier ministère occupé en son temps par Tertius Zongo, ce qui s’est passé reste entaché de beaucoup d’irrégularités aux connotations très suspectes. C’est d’ailleurs contre certaines de ces irrégularités qu’une plainte a été déposée devant le Tribunal Administratif. Et si des entraves et autres immixtions ne venaient pas empêcher l’expression du droit, le verdict final de la justice confirmerait notre conviction. Laquelle conviction table sur le fait que l’opération de renouvellement des licences qui a concerné les trois opérateurs de téléphonies mobiles n’a pas requis toutes les règles de transparence. En outre, si elle s’est passée telle qu’elle a été expliquée dans un droit de réponse du Premier ministère sous la coupe de Tertius Zongo, l’opération n’a pas garanti un traitement égalitaire aux trois réseaux concurrents. Et la prise en compte du délai restant sur l’ancienne licence de Telmob (voir la démonstration dans l’encadré) ne saurait justifier la méthode de calcul qui aurait été retenue pour déterminer le coût de la nouvelle licence de la filiale de l’Onatel. De deux choses, l’une. La première : une partie du coût de la licence de Telmob a été détournée. La deuxième : le gouvernement a fait preuve d’amateurisme et de naïveté qui lui ont fait perdre de l’argent devant un opérateur alors que ses concurrents ont été soumis à toute la rigueur de la loi dans le domaine. Ce deuxième cas nous parait tout de même le moins probable et inconcevable en ce sens que le chef du gouvernement ayant conduit l’opération était Tertius Zongo, un économiste rompu aux règles en matière des finances. Il ne faut pas insulter son intelligence !
Lorsque dans une de nos parutions, nous avons titré sur la curieuse disparition de la somme d’environ 5 milliards 900 millions sur le coût de la licence de telmob en mai 2010, c’est le Premier ministère qui s’était empressé de réagir à la place de l’ARCE devenue ARCEP aujourd’hui. La provenance de la réaction nous avait permis de comprendre une chose tout de suite. Bien que l’ARCE soit officiellement l’autorité chargée d’appliquer les règles en matière de téléphonie mobile entre autres, toutes les questions, en son temps étaient directement discutées chez le Premier ministre Tertius Zongo. Dans son droit de réponse, le Premier ministère a présenté une méthode de calcul qui serait celle qui a permis de fixer le coût de la licence de Telmob pour les 10 ans (2010 à 2020) à 17 298 124 200 CFA. Cette méthode de calcul est différente de celle qui nous a permis de constater la disparition de la somme d’environ 5 milliards 900 millions. Mais surtout cette méthode manque d’objectivité et de pertinence. Sa logique, si elle en comporte vraiment, est subjective et répond à une gymnastique très compliquée à suivre. Son choix ne s’explique pas, surtout qu’elle aboutit à un montant très déficitaire pour l’Etat. L’autre méthode de calcul, la plus objective et la plus limpide, celle à laquelle s’attendaient tous les spécialistes du domaine, fixe le montant de la licence de Telmob à 23 930 207 000 F CFA. Il faut rappeler que les deux autres opérateurs (Celtel SA et Telecel SA) ont payé le coût normal de la licence pour 10 ans, qui s’élève à 26 330 207 000 FCFA.
La piste du deal persiste
Les arguments apportés par le Premier ministère pour rejeter la disparition des 5 milliards 900 millions nous paraissaient très peu convaincants. Comment l’Etat avait-il choisi de perdre de l’argent face à Telmob alors qu’il avait été intraitable et sans demi-mesures pour les autres ? Telecel l’avait constaté à ses dépens quand son réseau a été coupé du 25 au 28 mai 2010. En enjoignant les opérateurs de se mettre à jour de leurs taxes, l’Etat exprimait, non seulement, sa fermeté mais aussi faisait savoir qu’il avait besoin d’argent dans ses caisses. Pourquoi devait-il en perdre en décidant de précipiter le renouvellement de la licence de Telmob alors que ce dernier avait jusqu’en 2014 pour le faire ? Dès lors, nous attendions d’autres explications sur cette affaire pas du tout claire. En juillet 2011, le rapport annuel d’activités 2010 de l’ARCEP (Autorité de régulations des communications électroniques et des postes) a été remis au Président du Faso. Officiellement seul le président du Faso est pour le moment destinataire de l’intégralité de ce rapport. Mais nous avons pu parcourir les parties de ce rapport qu’on attendait de découvrir avec impatience. Nous ne savons pas quel usage le Président Compaoré fait des rapports que les institutions et structures de contrôle ou régulation lui remettent chaque année. Mais s’il prennait le temps de les lire véritablement, il aurait déjà remarqué toute la légèreté du dernier rapport de l’ARCEP. Ce rapport qui est censé expliquer au Président du Faso, avec les détails cela s’entend, toutes les activités conduites par l’ARCEP en 2010, est resté très aérien. Les décalarations manquent de précisions et les chiffres sont approximatifs quant il s’agit des sommes d’argents. Une chose est sûre, ce rapport ne peut pas permettre au Président du Faso de comprendre exactement ce qui s’est passé avec l’ARCEP. Et si ce n’est pas lui-même qui a voulu qu’il reste vague sur ces points sensibles, on ne comprendrait pas pourquoi il cautionnerait cette espèce de torchon. Au titre des recettes encaissées par l’ARCEP en 2010, nous étions par exemple impatient de savoir combien l’ARCEP a pu récolter avec le processus de renouvellement des licences. Dans ce rapport de 77 pages, seulement 4 petites lignes traitent expéditivement de cette question à la page 35. Extrait du rapport : « ... la conduite du processus de renouvellement des licences individuelles des trois opérateurs de téléphonie mobile (Telmob S.A., Celtel Burkina S.A. et Telecel S.A.) qui ont tous satisfait aux conditions de renouvellement fixées par le gouvernement ; ce processus a permis d’encaisser plus de soixante dix milliards de FCFA au titre des redevances de renouvellements des licences ; ... » En se reférant à cet extrait, qui peut dire combien l’Etat burkinabè a encaissé exactement après le processus de renouvellement des licences des opérateurs mobiles en 2010 ? « Plus de soixante dix milliards », c’est combien ?!!! Si le Président du Faso, lui-même, savait le chiffre exact, ce n’est pas le rapport qui l’a renseigné. Pourtant il ne devait pas avoir de mystère sur la somme exacte. Tout le monde sait que le coût d’une licence entre 2010 et 2020 s’élève à 26 330 207 000 FCFA. C’est ce que Celtel SA et Telecel SA ont payé chacune en 2010. Il n’y a donc pas de problème pour savoir ce que donne l’addition des coûts des licences de Celtel et de Telecel. Ce qui empecherait de donner la somme exacte des coûts des licences des trois, c’est donc le cas Telmob. Le chiffre avancé dans le droit de réponse du Premier ministère comme étant le montant de la licence de Telmob a visiblement de la gêne à être mentionné comme tel dans le rapport 2010 de l’ARCEP. On a peut-être compris que cette argumentation ne tient pas partout et ne tiendra pas en tout temps. Et l’astuce trouvée pour ne pas exposer cette gaucherie dans un rapport définitif, preuve pour l’histoire, c’est d’éviter d’être précis sur un chiffre. On semble avoir choisi d’être approximatif sur le chiffre total. Là, au moins on pourra l’arrondir à sa guise quand on le voudra. En réalité, ce petit mot « plus de » qui précède les « soixante dix milliards » renferme un gros deal qu’on tente de cacher. Il y a problème sur le coût de la licence de Telmob. On a tenté de noyer cette réalité à travers une argumentation dans un droit de réponse. Malheureusement, on n’a même pas eu le courage de répéter ou confirmer cette argumentation dans le rapport d’activités de l’ARCEP. La raison est toute simple et tient au fait que l’argumentation ne coïncide pas avec ce qui s’est réellement passé.
Quand Luc Tiao se s’emmêle les pinceaux, le flou reste entier
Comme pour démonter l’importance du sujet et surtout la soif des citoyens de savoir la vérité sur ce qui s’est passé, le Premier ministre Luc Adolphe Tiao a été interpellé le 13 octobre dernier à l’occasion de son discours sur la situation de la Nation. Dans la phase des questions, le député Bila Dipama a démandé au Premier Ministre combien a coûté exactement la licence de Telmob en 2010. La réponse du successeur de Tertius Zongo fut un hors sujet total. On ne saura pas s’il a volontairement choisi de fuir la question ou si tout simplement il n’avait pas la vraie information sur ce sujet. Luc Tiao s’est contenté de dire dans sa réponse que c’est une affaire entre deux privés. Pour lui, le problème se résume en ceci : « Telecel avait été suspendu et quand il est revenu, il a démandé pourquoi Telmob n’avait pas subi le même sort ». Et selon le Premier ministre, c’est pour cette raison que Telecel a saisi la justice. Il conclura rapidement en disant que c’est à la justice de trancher. Non, Monsieur le Premier Ministre ! Il s’agit plutôt d’une affaire de flou autour du coût de la licence de Telmob. Ce flou pourrait signifier l’une des deux choses. La première : Telmob s’est acquitée limpidement de ce qu’il doit à l’Etat et une partie de ce qu’il a payé a été détournée. La deuxième : par manque de rigueur des personnes qui ont conduit l’opération, Telmob a bénéficié de conditions ostentatoirement souples sur le coût de renouvellement de sa licence et s’en tire à bon compte au détriment de ses concurrents. C’est par rapport à cette dernière éventualité (la moins plausible d’ailleurs) que la plainte de Telecel a été introduite au niveau du Tribunal Administratif. Votre absence du pays ne vous a peut-être pas permis de comprendre la situation. Mais pour notre part, cette affaire a une forte émanation de deal. Il est nécessaire de ressortir les preuves du paiement de Telmob et aussi l’Arrêté individuel d’attribution d’une licence à Telmob en 2010.
Tertius Zongo est le cerveau et l’exécutant de cette affaire
Nous disions plus haut qu’au delà de l’ARCEP, c’est le Premier ministère qui s’est directement senti interpellé par notre premier écrit à propos des 5 milliards 900 millions. Il faut véritablement dire que c’est l’ex-Premier ministre Tertius Zongo qui a vraiment conduit, en personne, le processus de renouvellement des licences. Les communiqués et autres décisions de suspension ou menaces de suspension qui ont porté la signature de l’ARCE étaient directement dictés par le chef du gouvernement. Ses prérogatives lui en donnent le droit mais en même temps on se demande à quoi ça sert de nommer des DG pour que ceux-ci attendent que le Premier ministre vienne leur dresser un emploi du temps. Face à ce qui s’est passé au sujet de Telmob, on est presque tenté de dire, qu’il y a la loi et il y avait aussi Tertius. En plus de la Loi N°061-2008/AN du 27 novembre 2008 portant règlementation générale des réseaux et services de communications éléctroniques au Burkina, il y a le Décret N°2010- 215 /PRES/PM/MEF/MPTIC portant fixation des modalités d’acquisition de licences d’établissement et d’exploitation des réseaux de téléphonie fixe et mobile et d’internet. Ce décret fixe le montant de la redevance pour l’acquisition d’une licence à 26 330 207 000 FCFA pour une période de dix ans. Quant à l’application des dispositions du Décret, les charges imcombent au ministre de l’Economie et des finances et au ministre des Postes, des technologies de l’information et de la communication. C’est ainsi qu’après le paiement de la redevance tel que fixé par le Décret, un Arrêté individuel du MPTIC attribue une licence individuelle à chaque opérateur. Cet Arrêté, bien qu’individuel, a un contenu rigoureusement identique pour les trois réseaux. Les trois réseaux sont soumis aux mêmes dispositions suivant les termes de l’Arrêté du MPTIC. Pourtant avec l’opération de renouvellement des licences en 2010, on s’est retrouvé face à une situation où Telmob ne pouvait pas être soumise aux mêmes conditions que les deux autres. En pareille situation, il n’y avait qu’un nouveau décret pris en Conseil des ministres qui puisse venir redéfinir le montant à appliquer à Telmob pour l’acquisition de sa licence. En l’abscence de tout nouveau décret fixant le coût individuel d’une licence pour Telmob, on lui applique rigoureusement les dispositions de l’ancien décret. C’est-à-dire le Décret N°2010- 215 /PRES/PM/MEF/MPTIC. Cette logique n’a pas du tout prévalu quant on a fixé le coût de licence de Telmob. Le montant de la licence de Telmob n’a pas été fixé au Conseil des ministres. Pourtant il s’agit d’une affaire de plusieurs milliards. L’ex-Premier ministre Tertius Zongo s’est senti si fort au point de se substituer aux dispositions du bon sens et de la loi. La gymnastique qu’on a présentée comme méthode de calcul ayant permis de fixer le coût de la licence pour Telmob est son œuvre. A ce jour, personne n’a connaissance de l’existence d’un Arrêté individuel attribuant une licence à Telmob ni le contenu de cet éventuel Arrêté. Le flou est total et l’odeur du deal très persistante. Seul Tertius (et éventuellement ses complices) sait comment les choses ont été faites. Et si le contenu du droit de réponse était la vérité, il devra expliquer pourquoi il a voulu de cette méthode de calcul non seulement compliquée mais très préjudiciable pour l’Etat et aussi discriminatoire pour les concurrents de Telmob. Pour notre part, cette méthode visait tous les objectifs sauf celui qui devaient augmenter les recettes de l’Etat et servir l’intérêt des Burkinabè.
Samba Bila
Encadrés
Telmob : un cas différent. Nous sommes d’accord !
A l’occasion du renouvellement des licences, Telmob n’a pas été traitée de la même façon que les deux autres opérateurs. Telmob a bénéficié d’un égard spécial. Ce qui parait d’ailleurs justifié. Cet égard spécial se fonde sur la raison que Telmob a acquis une licence (privée) de dix (10) ans en 2004. Cette licence arrivait à expiration en 2014. La différence avec les deux autres réseaux, c’est que leurs licences, de dix ans également, datent de 2000. Elles sont donc arrivées à expiration en 2010. Il fallait donc les renouveler. Il se trouvait cependant que les nouvelles licences que l’Etat veut octroyer aux opérateurs de téléphonies sont d’une qualité supérieure, avec plus d’options technologiques (Internet, téléphone fixe, la 3G etc.). La nouvelle licence va donc au-delà de la première génération qui est la technologie basique en la matière. La décision aurait alors été prise par le gouvernement d’harmoniser la situation de tous les opérateurs, y compris Telmob qui n’était encore concerné par un renouvellement de licence en 2010. Cette harmonisation aurait pour but de permettre aussi à Telmob d’accéder à la 3G (la nouvelle technologie) et également de donner la possibilité à l’Autorité de régulation des communications électroniques de traiter les trois opérateurs sur un pied d’égalité. La question qui s’est tout de suite posée avec Telmob, c’est comment considérer les quatre (4) ans qui lui restent sur sa licence acquise en 2004. La réponse à cette question ou la solution à trouver pour remédier à la situation a, débouché sur deux modes de calculs pour la fixation du montant de la nouvelle licence de Telmob. Il y a la démarche que nous défendons. C’est la plus objective. Et il y a la démarche présentée par le Premier ministère sous Tertius Zongo dans un droit de réponse à notre premier écrit sur le sujet.
SB
Présentation des deux logiques de calculs
Celle que nous défondons :
Selon notre démarche de calcul, les faits suivants ont été retenus face à Telmob. Sur le montant total de la redevance qui est aujourd’hui de 26 330 207 000 F CFA pour un opérateur au Burkina, Telmob a bénéficié d’une exonération de 2 400 000 000 de F CFA. Une exonération qui peut être logiquement supposée et justifiée comme équivalente au reste du montant de la première licence de Telmob qui allait jusqu’en 2014. Soit le reste de 4 ans (40%) sur les 10 ans que Telmob avait déjà payés. Il faut noter que le coût de la première licence avoisinerait les 10 milliards de francs CFA et que 2 400 000 000 pourraient bien représenter 40 % de cette somme. Si on soustrait donc le montant de l’exonération (2 400 000 000) sur les 26 330 207 000 F CFA, il va alors rester 23 930 207 000 F CFA. Cette somme est, pour nous, celle qui devait représenter finalement le montant de la redevance de Telmob. C’est pourquoi nous avons estimé que si c’est environ 18 milliards que Telmob devrait payer à l’Etat, cela signifie que plus de 5 900 000 000 ont disparu curieusement.
Celle présentée dans le droit de réponse :
Elle s’appuie d’abord sur le fait que Telmob a consommé 6 ans de sa licence de 10 ans. Ce qui signifie donc une consommation de 60% de cette première licence d’environ 10 milliards. Alors il reste bien 40% de ces mêmes 10 milliards. Or, pour faire les calculs, la démarche a consisté à considérer (disons virtuellement) que Telmob a une avance de 40% sur le montant de la nouvelle licence qui est de 26 330 207 000 F CFA. De ce fait il aura seulement à payer 60% de la nouvelle licence (c’est à dire15 798 124 200 F CFA) plus un bonus forfaitaire d’un milliard cinq cent millions (1 500 000 000). L’addition de 15 798 124 200 et de 1 500 000 000 donne 17 298 124 000 F CFA. C’est le montant qui aurait été finalement retenu pour la licence de Telmob jusqu’en 2020. Comme on peut le constater dans la démarche qui aurait été adoptée, ce n’est donc pas le reste de 40% des 10 milliards de F CFA (ancienne licence) qu’on a soustrait du montant de la nouvelle licence pour obtenir la licence de Telmob. On a fait pratiquement le chemin inverse. Après, on a ajouté un bonus forfaitaire de 1 500 000 000 de F CFA. Si ça a vraiment été ainsi, il y a eu finalement une petite gymnastique. La logique est moins limpide que celle de la première. En plus, elle est moins avantageuse pour l’Etat. La preuve, il a fallu se rattraper en quelque sorte en ajoutant un bonus forfaitaire. Sur quelle base logique le montant de ce bonus a été fixé ? Pourquoi ce bonus n’a pas été plus ? Pourquoi il n’a pas été moins ? Voici des interrogations qui ouvrent encore des portes à toutes sortes de soupçons.