Le succès du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) réside non seulement dans la préparation matérielle mais aussi et surtout dans la sélection des films qui seront projetés au cours de la semaine de la fête du cinéma africain. Pour l’édition 2013, 23e de la biennale de la fête du film, un grand nombre de films a été reçu afin de donner au festival toute sa grandeur. C’est surtout à cet effet que le délégué général du FESPACO déclare que « la première force d’un festival relève de la qualité de sa sélection ». Le défi de la sélection devait donc être relevé et cela l’a été, nous a confié le délégué artistique du festival, Ardiouma Soma. Dans cette interview réalisée à Paris (France), il s’est laissé convaincre que la sélection de 2013 est satisfaisante. Il y dévoile le travail abattu pour parvenir à composer la sélection et se prononce sur le cinéma africain. L’espoir est permis puisqu’un travail est en train d’être fait, estime le directeur artistique du FESPACO, par ailleurs directeur de la cinématographie nationale.
« Le Pays » : Comment êtes-vous parvenus à sélectionner les 101 films à cette 23e édition du FESPACO ?
Ardiouma Soma : Pour l’organisation du volet artistique du FESPACO, à savoir la sélection des films en compétition et ceux hors compétition, nous avons procédé à un toilettage du règlement de la sélection des films au FESPACO. Il s’agit d’un travail que l’on fait à la veille de chaque édition pour adapter la réglementation à l’actualité de l’industrie du cinéma. Le travail a été fait pratiquement un an avant la tenue de l’édition 2013. C’est à partir de là que les informations ont été mises sur le site du FESPACO à la disposition de l’ensemble des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel. Cela constitue en même temps un appel à candidature pour la sélection des films au FESPACO 2013. A l’issue de cet appel qui demandait aux cinéastes de s’inscrire avec un délai qui était fixé au 31 octobre 2012, nous avons reçu 755 fiches d’inscription. C’est alors sur ce corpus qu’un comité de sélection a été mis sur pied. Ce comité de sélection d’une douzaine de membres est présidé par le délégué général du FESPACO et coordonné par le délégué artistique de la sélection. Alors, quand vous avez plus de 700 films et vous n’avez pas la possibilité de les montrer tous durant la semaine, il faut effectuer des choix. Aussi, nous ne pouvions pas excéder 200 films aussi bien pour la compétition que hors compétition. C’est un travail énorme.
Concrètement comment procédez-vous pour choisir ?
Le comité qui a été mis en place a recherché prioritairement les ressources humaines et les compétences à l’intérieur à savoir, des cadres du festival, ceux du cinéma et ceux de la communication qui travaillent dans le cinéma depuis de longues années. C’est sur ces personnes que repose le travail de sélection parce qu’il demande une disponibilité permanente pour pouvoir visionner l’ensemble des films, organiser de longues réunions pour débattre de ces films. A la limite, c’est un travail d’examen en profondeur des films. Ensuite, on classe les films et à l’issue de ce classement, on débat pour retenir les films en fonction des différentes sélections. C’est à l’issue de ce travail que nous avons décidé des différentes sélections de la compétition. Au regard de l’offre cinématographique pour cette édition, nous avons mis en place les différentes sections au niveau de la compétition pour le classement des films.
N’êtes-vous pas souvent influencés par des grands films qui ont fait le tour de grands festivals et qui se retrouvent au FESPACO ?
Je dis non. Le comité de sélection du FESPACO ne subit aucune influence parce que nous avons une réglementation assez claire. C’est un festival qui a lieu tous les deux ans et la sélection est ouverte pour la compétition aux films de tous les réalisateurs d’origine africaine à condition que le film respecte les critères de format et que le film ne soit pas âgé de plus deux ans, la date butoir étant le 31 décembre de l’année qui précède l’année du festival et dans ce cas, le 31 décembre 2012. Si votre film est de qualité, réalisé par un Africain, même s’il a été à Cannes, à Milan ou à Berlin, il sera aussi au FESPACO. Cela ne nous pose pas problème. C’est vrai que des critiques de cinéma qui ont la chance de faire le tour des festivals internationaux nous disent que nous avons retenu souvent des films qui ont fait le tour des festivals internationaux et que cela n’a pas d’intérêt dans nos sélections. La réponse que nous leur donnons est que le film peut avoir fait le tour du monde mais quand le FESPACO le retient, c’est qu’il est nouveau au FESPACO. Le jour que nous le projetons, c’est ce jour qu’il est en première au FESPACO. C’est à cette occasion souvent que les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel africains ont accès à ce film. Ils sont combien les professionnels africains à avoir la possibilité d’aller à Cannes à Berlin ou à Venise en dehors des médias qui y sont ? C’est une sélection qui, de façon générale, présente une actualité à un moment donné. Vous verrez que dans la sélection, 20% ont déjà été dans certains festivals mais la grande majorité fait sa première mondiale à Ouagadougou.
Le fait qu’un film ait participé à un festival mondial n’est pas une garantie pour décrocher un Etalon quelconque ?
Pas forcément, ce n’est pas une garantie. On a vu quelques fois des films qui ont fait le tour des festivals qui y ont eu des prix mais à la compétition à Ouagadougou d’autres films leur raviront la vedette.
Quelle lecture faites-vous de la sélection de cette édition ?
A la 23e édition du FESPACO, vous aurez en tout et pour tout 169 films qui seront montrés dont 101 dans les différentes sections de la compétition et 68 qui seront projetés dans le cadre des sections hors compétition comme le panorama du cinéma d’Afrique et des Caraïbes, l’Afrique vue par… qui sont des films réalisés par des cinéastes non Africains sur certaines réalités de l’Afrique, etc. Il y a beaucoup de films qui seront montrés. Comme nous le disons, notre ligne éditoriale au niveau du FESPACO s’inspire de ce que les pères fondateurs ont décidé et souhaité depuis 1969 à savoir que le FESPACO soit la vitrine du cinéma africain, le reflet de l’actualité tous les deux ans de l’industrie cinématographique en Afrique. C’est pourquoi vous voyez que tous les deux ans, il y a beaucoup de films qui sont montrés et quand vous regardez la configuration de la sélection, au niveau des auteurs qui ont des films retenus, vous vous rendrez compte qu’on rencontre à peu près toutes les générations de cinéastes. C’est le cas par exemple de Ridha Behi de la Tunisie qui est un cinéaste d’une certaine génération et un cinéaste qui peut faire partie des aînés en ce moment. A côté des jeunes, il y a des jeunes réalisateurs comme Alain Gomis du Sénégal. Au cours du festival, on rencontre des films et des styles différents. Ce qui est important, c’est qu’on a réussi à faire une sélection qui fera voir l’Afrique dans toutes ses dimensions : l’Afrique qui rit, l’Afrique qui pleure, l’Afrique qui progresse, l’Afrique qui a des difficultés. Ce sera un espace culturel mais aussi un espace de dialogue entre les peuples et en même temps, un miroir où les Africains viendront se regarder, discuter et faire le point de nos différentes sociétés à travers le cinéma. En même temps, ce sont des films qui vont permettre d’instaurer des débats sur la situation d’aujourd’hui du cinéma africain. Cela est aussi lié au thème de cette année qui est « cinéma africain et politiques publiques en Afrique ».
L’on ne voit pas beaucoup de films burkinabè dans la compétition, cela pourrait être dû à quoi ?
Le cinéma burkinabè est pourtant fortement représenté dans la sélection. Si vous prenez la liste des films dans la compétition officielle, c’est-à- dire les 101 films répartis dans les différentes sections de la compétition et vous faites le décompte, vous vous rendrez compte qu’il y a une douzaine de films burkinabè. Cela comparé aux films retenus d’autres pays, vous trouverez que le Burkina n’occupe pas la dernière place. C’est vrai que tous les regards sont braqués sur la sélection des films de fiction longs métrages qui concourent pour l’Etalon d’or de Yennenga et là, il n’y a qu’un seul film burkinabè sur la vingtaine. En tant que directeur de la cinématographie nationale ou comme tout autre Burkinabè, le souhait aurait été que le Burkina soit fortement représenté dans cette section. Mais comme je l’ai dit, c’est un comité de sélection qui a travaillé et qui a fait ses choix en fonction de la qualité artistique et technique des films, qui a attribué des notes et qui a classé les films et ce, pour toute l’Afrique. Au Burkina Faso, nous allons continuer à travailler pour renforcer notre cinématographie et la qualité des films. Il y a eu une époque où le Burkina Faso était à un niveau et ravissait la vedette dans la production de la cinématographie que dans la qualité des films. Nous sommes peut-être dans un creux mais il y a de l’espoir surtout quand on regarde l’environnement cinématographique aujourd’hui, avec les jeunes qui sont en train de travailler. Ensuite, quand on a fait le point des inscriptions à cette édition 2013, nous avons identifié 109 inscriptions de films burkinabè. Il faut reconnaître qu’il y a un bouillonnement et du dynamisme. Si l’administration du cinéma et les associations des professionnels se donnent la main et mènent un travail en profondeur, je crois qu’en quelques années on entendra encore parler du cinéma burkinabè en terme de production de qualité.
Les sections et le nombre de films
Long métrage : 19 films Court métrage : 20 films vidéo numérique : 18 films Documentaire : 17 films Diaspora : 06 films Films des écoles africaines de cinéma : 13 Série télévisuelle : 08 films