Les réfugiés maliens à Bobo-Dioulasso vont mal. En tout cas, c’est le moins qu’on puisse dire depuis l’annonce de leur déménagement à Ouagadougou. Ils nous l’ont dit.
C’est décidé ! Samedi 19 janvier 2013, soit neuf jours après le début de l’opération Serval, la Commission nationale des réfugiés (CONAREF) a annoncé le transfert à Ouagadougou à compter du mardi 22 janvier 2013 de la dizaine de familles maliennes refugiées à Bobo. Installées sur le site des réfugiés au stade Wobi de Bobo-Dioulasso depuis février 2012. Elles devront déménager à Sagnogo, à environ 30 kilomètres de Ouagadougou. Une décision irrévocable que déplorent des réfugiés impuissants face à la situation. Si fait que certains déclarent qu’ils préfèreront retourner au Nord-Mali plutôt que de partir à Ouagadougou.
En effet, ce dimanche 20 janvier à 14h lorsque nous sommes arrivés sur le site, deux réfugiés assis sous l’ombre d’un arbre discutaient de leur probable déplacement à Ouagadougou. Les femmes à contrecœur pour la plupart d’entre elles s’affairaient à rassembler les bagages pour le départ du mardi 22 janvier. Amgar Ag Yehia, le secrétaire général du bureau des réfugiés de Bobo-Dioulasso, sur sa mobylette s’apprêtait à quitter le camp. Il loge, lui, à Bobo 2010. Visiblement mécontent du sort de ses compatriotes, il confirme effectivement que l’idée du déménagement a été murie par le CONAREF qui, depuis l’arrivée des réfugiés à Bobo-Dioulasso réfléchissait à trouver un autre site que le stade qui est un lieu public et/ou le risque d’insécurité est grand. Ce qui est bien et même normal pour des personnes qui ont fui l’insécurité dans leur pays. Pourtant, les réfugiés pointent du doigt la responsabilité d’un certain Chafari, chef d’antenne du Haut-commissariat des réfugiés (HCR-UN) qui a toujours insisté pour qu’ils quittent le camp.
Dur dur… de quitter Bobo-Dioulasso
« On ne veut pas partir. On veut rester à Bobo-Dioulasso qui fait aujourd’hui partie de notre chair. Nous sommes habitués à la vie, aux populations… ». Ces mots sont de réfugiés rencontrés sur le site. Pour eux, il n’y a pas une grande différence entre la culture malienne et bobolaise. Ils s’y plaisent et mieux, Bobo-Dioulasso n’est pas distant des villes maliennes.
Alors dès que la paix reviendra dans leur pays, ils pourront rapidement rejoindre les siens.
Au cours d’une réunion le samedi 19 janvier 2013, les responsables du CONAREF n’ont trouvé aucune solution pour empêcher ce déménagement. « Ils disent que s’ils n’acceptent pas de partir, ils seront responsables de ce qui leur arrivera. Parce que les autorités burkinabé ne pourront assurer leur sécurité », soutient Amgar Ag Yehia. Depuis le début des hostilités, environ 150 personnes se sont réfugiées à Bobo-Dioulasso, selon le secrétaire du bureau du directeur des réfugiés.
Peur de la cherté de la vie à Ouagadougou !
« Nous sommes pauvres. Nous n’avons rien », clame Badjar Mohamed, un sexagénaire qui confie avoir perdu sa femme et ne vit plus qu’avec sa fille malade sur le camp. Mohamed préférait plutôt un autre site sur la route de Banfora par exemple « meilleur que Ouagadougou ». La voie tremblotante, il ajoute que la vie à Ouagadougou est chère. « Comment pourrons-nous alors joindre les deux bouts ? On nous dit que sur le site, il n’y a pas de robinet. Il faut puiser l’eau. Qu’il n’y a pas d’électricité ; comment allons-nous faire », s’est-il demandé. Badjar estime qu’il fallait les avertir un mois avant la prise d’une telle décision. « On est fier d’être refugié. Mais nous ne sommes pas des commis-voyageurs. Autant retourner au Mali et mourir que de rester ici à souffrir…», s’indigne-t-il.
Les explications du Haut-commissaire Nandi Somé/Diallo, présidente de la Commission provinciale de secours d’urgence (Coprosur)
« Le transfèrement des refugiés était prévu depuis leur arrivée en février 2012. Ils devraient en principe être logés sur un site à Toussiana où nos compatriotes rentrés de Côte d’Ivoire avaient logé pendant la crise ivoirienne. Mais une année durant, nous avons cherché en vain un site pour eux. C’est pourquoi le choix du site de Sagnogo, situé à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou, a été décidé. C’est un grand camp bien aménagé qui abrite déjà d’autres refugiés. Il s’agit en fait de leur offrir un cadre plus approprié, de meilleures conditions de vie. Pendant la saison des pluies, ils ont beaucoup souffert. Il arrivait, après les pluies, que des tentes soient emportées par le vent ou la vague d’eau. En ce qui concerne l’accusation contre Chafari, je pense qu’il représente toute une institution et ne peut donc pas prendre une telle décision. Je trouve qu’ils ont simplement une appréciation biaisée sur lui. Tout compte fait, la plupart des réfugiés se sont inscrits pour partir sur le nouveau site. Leurs inquiétudes sont bien fondées en ce sens qu’ils ont passé une année à Bobo-Dioulasso. Ils se sont intégrés. Quant aux enfants qui sont inscrits dans les écoles, ils pourront continuer les cours sur le nouveau site. Ce n’est pas du tout lié aux évènements en cours au Mali ».