Au moment où se déroulent les obsèques du président John Atta-Mills, nous sommes allés à la rencontre de Ghanéens à l’ambassade du Ghana au Burkina, le jeudi 9 août dernier. Tous ont salué la mémoire de celui que tout le Ghana avait nommé l’homme de la paix, et promis de cesser toutes activités aujourd’hui 10 août, pour assister à distance, via un écran géant dressé au sein de l’ambassade à Ouagadougou, aux obsèques officielles suivies de l’enterrement de celui qu’ils ont dit avoir adopté.
James Amedekar, interprète-traducteur de l’ambassade du Ghana au Burkina
« Le président Atta-Mills représentait pour le Ghana un père »
« J’ai accueilli la nouvelle du décès du président John Atta-Mills avec un grand choc parce qu’on n’a pas entendu qu’il était malade. Il y avait des rumeurs comme quoi il était malade mais on ne s’attendait pas à ce qu’il décède aussi vite. Jusqu’au moment où je vous parle, ils n’ont pas encore dit officiellement et précisément de quoi il est mort. Quand il était au pouvoir, le président Atta-Mills représentait pour tout le Ghana un père, un chef d’Etat, un frère et un ami parce qu’il avait l’habitude de dire qu’il était le président de tous les Ghanéens. Etant donné qu’au Ghana il y a deux parties politiques qui ont des puissances égales, il a toujours évité de prendre parti en tant que président. Parfois, même s’il y a des événements que son parti organisait, il ne voulait pas qu’on vînt avec des drapeaux du parti mais plutôt avec le drapeau du Ghana. Et il a été comme cela jusqu’à sa mort. Donc, vraiment, il représente pour nous un père, un vrai exemple d’honnêteté. Il a même refusé une maison qu’on a construite pour lui pour qu’il y habite quand il ne sera plus chef de l’Etat, parce qu’il s’est dit que comme il a été fonctionnaire avant de devenir président, il est censé pouvoir se construire lui-même une maison au lieu de prendre l’argent du contribuable pour le faire. Son enterrement aura lieu demain au Black Star Square à Accra. Comme tout le monde ne peut pas se déplacer pour y assister, à l’ambassade ici nous allons dresser un écran géant dans la cour de 8h à 12h. Nous invitons donc toute la communauté ghanéenne et les autres communautés vivant au Burkina à venir pour que nous pleurions ensemble ici et commémorions à notre façon les obsèques du président Atta-Mills. Quant à l’élection présidentielle de décembre prochain, c’est le président actuel, qui était le vice-président avant le décès d’Atta-Mills, qui sera le candidat du parti au pouvoir. S’il gagne, il continue avec son premier mandat et je crois qu’à la fin de ce mandat, selon la Constitution ghanéenne, il peut encore se représenter pour un deuxième et dernier mandat. John Mahama a donc été confirmé comme candidat et il n’y aura pas de conflit à ce niveau et nous prions Dieu pour que la paix continue à régner sur tout le Ghana. »
Samuel Obodaï, secrétaire général de l’Association de la communauté ghanéenne au Burkina
« Atta-Mills, c’est un homme de paix »
« La nouvelle du décès du président Atta-Mills a été une nouvelle triste. Moi, je n’avais jamais imaginé qu’il pouvait mourir aussi tôt comme cela. Je savais qu’il était parti en Amérique pour se soigner mais je pensais que c’était une maladie normale. On a donc du mal à supporter ça. Des journalistes ont dit qu’il souffrait de cancer de la gorge mais je ne sais pas quelle était la gravité du mal. L’héritage qu’il nous a laissé, c’est qu’on peut retenir de lui que c’était un homme de paix. C’est ce que l’on peut retenir de positif chez lui. Parce que les politiciens promettent souvent des choses qu’ils ne réalisent pas, mais lui, il a tenu sa promesse de préserver la paix au Ghana. Et au nom de la paix, il a même sacrifié sa relation avec son mentor qui l’a amené dans la politique, à savoir l’ancien président Rawlings. Jusqu’à sa mort, leurs relations n’étaient plus au beau fixe parce que Rawlings voulait qu’Atta-Mills prennent des mesures radicales face à certaines situations. Alors que celui-ci ne veut rien faire qui puisse compromettre la paix dont il a toujours parlé jusqu’à sa mort. Nous devons donc garder et protéger cet héritage qu’il nous a laissé en vivant comme des frères en ayant un bon cœur comme lui. Par rapport au deuil, comme à Ouagadougou, si tu ne travailles pas, tu ne manges pas, on a appris la nouvelle avec un grand cœur, mais il y a des gens qui rentrent plutôt que d’habitude, il y en a aussi qui ne sortent même pas pour respecter la semaine de deuil.
Chacun respecte donc le deuil selon son travail, mais comme demain c’est l’enterrement, je ne pense pas que quelqu’un peut sortir pour aller travailler. On va se regrouper à l’ambassade à Ouagadougou ici et considérer ça comme les plus grandes funérailles. Quant à ce que va devenir le Ghana, notre système de démocratie est tel que la paix va continuer. Quand on considère par exemple la manière dont le vice-président a prêté serment pour devenir président et continuer le mandat du défunt président, c’est déjà un bon signe. C’est quelques heures seulement après le décès. Et comme le parti au pouvoir, qui pouvait aller au congrès pour choisir son candidat pour l’élection présidentielle, a pu choisir directement John Mahama, cela veut dire que la paix est encore là. »
Joseph Oppong Benteh, président de l’Association de la communauté ghanéenne au Burkina
« Ce qu’il nous a laissé dans nos cœurs, c’est l’amour entre nous-mêmes »
« Le décès du président Atta-Mills m’a trouvé au Ghana, on a appris la nouvelle vers 14h ce mardi-là. Tout le monde était bouleversé. Personne ne s’attendait à cela, parce que deux semaines auparavant, il était en Amérique pour se soigner et puis revenir. Selon le témoignage de ses proches, même son propre frère était avec lui au palais pendant des heures, et c’est quand il partait dans leur village qu’il a appris sur la route que son frère est décédé. C’est donc une nouvelle qui a choqué tout le monde, y compris les militants des autres partis politiques.
Nous tous, nous avons appris cela comme si on avait perdu un grand homme du pays. Son arrivée au pouvoir a changé beaucoup de choses au Ghana. Il a rassemblé presque tous les Ghanéens qui étaient répartis dans les deux plus grands partis politiques qui étaient comme deux équipes d’un match de football. Sa mort a réuni toutes les équipes si bien qu’on ne sait plus qui est du pouvoir et qui est de l’opposition. Il n’a même pas fait quatre ans au pouvoir, mais on peut dire que c’est un homme de paix et c’est d’ailleurs le surnom qu’on lui a donné. Je n’ai jamais vu en Afrique un président qui n’a pas encore fini son mandat mais qui est apprécié par tout le monde. Son travail de trois ans, c’est plus que huit ans de pouvoir. Ce qu’il nous a laissé dans nos cœurs, c’est l’amour entre nous-mêmes. Cela suffit pour traduire l’amour qu’il avait pour son pays. Au Ghana, les funérailles d’un grand homme sont bien célébrées. Même celui qui ne l’aime pas a, à ce moment-ci, un sentiment positif envers lui.
Tout le monde a ralenti ses activités depuis son décès et il faut l’enterrer avant de reprendre le rythme normal. Comme on est loin du pays, mais on en est près du cœur, on va célébrer ça comme on peut puisqu’on n’est pas chez nous, mais on a déjà mobilisé nos frères et ils sont prêts à venir demain pour que nous suivions les obsèques en direct à l’ambassade. Pour ce qui est de la préservation de la paix et de la démocratie au Ghana, c’est déjà sur la voie parce que ce qu’il a semé comme paix dans notre cœur va rester. On doit suivre la voie qu’il a tracée pour honorer sa mémoire. Et il n’y a pas de doute que son remplaçant va suivre cela, car, même les yeux fermés, je le vois déjà. »