Depuis une dizaine de jours, les militaires français se frottent à l’ennemi du côté du Mali. Cette guerre a son prix, tant financier, matériel qu’humain avec dans les esprits, marqués au fer rouge, le lieutenant Damien Boiteux, le premier à tomber sur le champ de bataille. Et que dire des soldats maliens, qui, à la guerre comme à la guerre, font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont ? Loin du théâtre des opérations, après des mois de tergiversations sur la façon d’intervenir, les chefs d’Etats membres de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) se sont eux retrouvés ce week-end en Côte d’Ivoire, pour la énième fois, afin de discuter des modalités de départ au front.
De quoi a accouché cette rencontre ? Le constat, hélas, est qu’il n’y a pas de grandes décisions sous le ciel de la Communauté. L’urgence de l’intervention a été surtout évoquée ; une ritournelle. Mieux, il est fait appel aux organisations internationales, notamment l’Union européenne et les Nations unies, pour mettre la main à la poche afin que le déploiement au Mali puisse avoir lieu. Les dirigeants ouest-africains ont appelé les Nations unies à fournir un appui logistique et financier immédiat.
La prochaine rencontre des bailleurs de fonds est prévu pour le … 29 janvier 2013. Conséquence : aucun calendrier de déploiement n’est, pour le moment, disponible. Certes, des Etats membres de la Cédéao (Nigéria, Bénin, Burkina Faso, Sénégal et Sierra Leone) ont déjà rejoint la ligne de front, mais voilà que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest continue de tergiverser, arguant du manque de moyens. A mauvais artisan, mauvais outil.
Bravo, les regroupements africains impécunieux ! est-on tenté de dire face à l’attitude de ces grandes unions sous-régionales du continent abonnées à la procrastination, cette tendance presque pathologique à renvoyer aux calendes grecques l’exécution d’une tâche. Toujours à court de moyens, avec certains Etats membres qui accumulent 16 ans d’arriérés de paiement de leurs cotisations, l’instance économique sous-régionale, qui s’est muée (à tort ?) en gestionnaire de crises politiques, excelle dans la gesticulation et les effets d’annonces.
Passe encore pour cette petite sœur devant l’aînée qu’est l’Union africaine, qui ne vaut pas mieux. Le mode de financement de l’UA n’est pas non plus pour favoriser sa capacité d’intervention. Pouvait-il en être autrement, sachant que des pays étrangers contribuent à 77% de son budget (dont une bonne part pour l’Union européenne). Et parmi les Etats membres, seulement cinq pays financent l’essentiel des 23% restants, dont 15% étaient assurés par la seule Libye.
Toutes les organisations communautaires africaines dans la même logique défaitiste ? Oui, est-on enclin à penser, même si la petite exception est venue de la version Cédéao de l'Afrique centrale, la CEMAC : quand le président Bozizé était aux abois, les rebelles étant aux encablures de Bangui, l’on a vu avec quelle célérité le contingent de la CEMAC a été constitué et a aussitôt rejoint le théâtre des opérations pour empêcher l’avancée des hommes de Michel Djotodia. Aujourd’hui, Bozizé leur doit en grande partie son fauteuil de président.
Pour achever sur une note d’optimisme avec le dossier Mali, touchons du bois afin que cette fois-ci, plutôt que de continuer à jouer au mendiant larmoyant sans crampes au bras, la Cédéao puisse avoir les moyens qu’elles réclame tant et soit à même de dépêcher son contingent devant une armée française qui a mouillé le treillis pour faire le gros boulot, mais souhaite très bientôt passer la main aux Africains.