En marge de la rentrée solennelle de l’Ordre des avocats du Burkina et de l’ouverture des activités commémoratives des 25 ans du Barreau, Me Mamadou Traoré, Bâtonnier de l’Ordre des avocats, a accepté de faire le point des controverses autour de l’organisation du test d’entrée au Centre de formation professionnelle des avocats du Burkina (CFPA-B). En exclusivité, Me Mamadou Traoré nous apprend que le Barreau a reçu le soutien du gouvernement pour l’organisation, dans un bref délai, des épreuves. A l’en croire, le Premier ministre Yacouba Isaac Zida a promis de tout mettre en œuvre pour assurer des conditions sécuritaires idoines à la tenue sereine de l’examen. Voici l’intégralité des propos de Me Mamadou Traoré.
Le Quotidien : Voudriez-vous bien nous situer par rapport à l’évolution des tractations autour de l’organisation du test d’entrée au CFPA-B ?
Je vais repréciser les choses et profiter de votre micro pour donner de bonnes nouvelles. Il n’y a pas eu de problème sur le test d’entrée au Centre que nous avons créé. Vous l’avez suivi, nous avons fait, au mois d’octobre, le communiqué pour lancer cet examen. 291 candidats ont déposé régulièrement leurs dossiers. Les frais de ce dossier s’élèvent à 25 000F. On ne peut pas faire moins. Comme je l’ai dit, le barreau prend tout en charge : le papier pour composer, la salle de composition est louée, pour les sujets, nous sommes obligés de payer un certain nombre de corps pour qu’ils formulent ces sujets avec corrections, les surveillants, les correcteurs, nous les payons comme dans tout concours, sauf que c’est le barreau. C’est ce à quoi servent ces 25000F. Donc, en octobre nous lançons le concours et envisagions de l’organiser avant le 20 décembre. La loi dit qu’avant le 20 décembre, il faut l’organiser. Pour montrer notre bonne foi, nous avons dit en décembre nous recrutons et exceptionnellement, au mois de juin nous recrutons 25, ce qui fera au total 50. L’école fonctionne six mois en tronc commun. Donc, ceux qui font six mois vont en juridiction. Il faut qu’il y ait une autre promotion.
En une année, on allait recruter 50 élèves avocats. Que s’est-il passé pour qu’en décembre l’examen n’ait pas eu lieu ?
La FAC de droit à qui nous avons demandé, selon la loi, de désigner les deux maîtres d’agrégés ou les deux maîtres de conférences qui sont membre du jury, nous a répondu qu’il n’y a pas suffisamment de maîtres agrégés. Nous avons même écrit au ministre de la Justice, pour que la loi soit modifiée, afin de tenir compte des desiderata de l’Université, notamment la faculté de droit de Ouagadougou. Nous avons perdu près de trois mois. C’est le 15 février que j’ai contacté le président de l’Université de Ouaga II qui m’a dit effectivement que si je lui écris, il me repondra. Et quand j’ai écrit, il m’a désigné immédiatement deux professeurs. Ce n’est pas un secret, il s’agit du professeur Bah Hamed et du professeur Ouédraogo Séni qui est aujourd’hui directeur général de l’ENAM.
Les magistrats sont déjà désignés, ainsi que les membres du Conseil. Donc le jury était choisi. Vous vous rendez compte que dès lors que nous avons eu la salle, nous nous sommes dit qu’il faut faire possible plus tôt. Mais vous savez l’agenda était déjà serré. Mais nous avons dit : on l’organise la première. Le 8 mars c’est la fête de la femme, mais nous avons dit qu’il faut le faire le samedi et le dimanche, parce qu’avec les problèmes de salle à l’Université, c’est difficile. C’est dans ces conditions que nous l’avons lancé. Alors, à la veille de l’examen, j’ai reçu une lettre de madame le ministre de la Justice disant qu’il y a des étudiants qui manifestent contre la tenue de l’examen parce qu’ils ont fait une procédure au Tribunal administratif. J’ai répondu que j’étais au courant de ce problème puisqu’ au conseil d’Etat de Ouagadougou, il y a un recours depuis 2011 contre le CAPA ( ndlr : Certificat d’aptitude à la profession d’avocat) de la même année, mais cela n’a pas empêché que le CAPA se tienne.
Et depuis lors, il y a eu plusieurs autres CAPA. Je dis donc que le recours n’est pas suspensif. C’est comme un fonctionnaire qu’on licencie et qui dit que j’ai fait un recours administratif, je reste à mon poste. Mais quand vous êtes là, l’administration s’exécute immédiatement. Donc c’est une décision administrative qui doit s’exécuter ; c’est ce que j’ai expliqué. Mais madame le ministre m’a fait observer qu’il y a des risques de troubles et de débordement et que si j’organisais, je serais personnellement comptable. Je me mets à sa place et je marque ma place. Lui c’est l’Etat, qui me dit il y a des risques de trouble, moi je suis le bâtonnier, moi je dis ‘’je peux organiser’’. Mais si on me dit qu’il y a des troubles, je ne peux pas organiser un tel examen. Donc en réalité, c’est dans ces conditions que nous avons été obligés de réunir le Conseil de l’Ordre et nous nous sommes demandés : qu’est- ce qu’il faut faire ?
Madame le ministre souhaitait qu’on reporte l’examen, mais reporter à quand ?
Je lui ai dit, à la veille de l’audience, le président du tribunal administratif nous a appelés et nous a dit que le commissaire du gouvernement (ils sont quatre) allait être absent, trois étant en voyage et un malade. Donc lui, il ne peut pas tenir l’audience, et il est obligé de le renvoyer sine die, sans date. Et le tribunal même renvoie sans date. Il y a des étudiants qui sont venus de Dubaï, de Paris, de Bruxelles pour faire l’examen. Et on me dit de leur dire que c’est reporté. Mais quand vous dites que c’est reporté, il faut que vous ayez l’élégance de dire aux gens la nouvelle date. Mais moi je n’ai pas de date, puisque je n’ais pas de problème pour organiser. Les troubles, je ne sais pas qui les organise. Le jour où l’Etat va me dire qu’il n’y a plus de trouble, moi je suis prêt à organiser l’examen. Mais en attendant, en tant que bâtonnier, je saisis mon Conseil de l’Ordre qui a dit que la seule condition légale que nous avons, c’est d’annuler. C’est ce que nous avons fait. Pas avec plaisir, pas parce qu’on ne veut pas recruter. Tout a été dit, tout et le contraire et je ne suis pas d’accord.
La bonne nouvelle c’est quoi ?
Hier, nous avons rencontré le Premier ministre. La semaine passée comme je vous l’ai dit, nous avons rencontré le chef de l’Etat pour lui expliquer que nous avons besoin de ce Centre. Mais on veut en faire un Centre régional.
Vous pensez que les autres pays vont nous attendre ?
Si nous qui sommes en avance on veut nous retarder, c’est ce que un des bâtonniers a dit (ndlr : le Bâtonnier Moussa Coulibaly, vice - président de la conférence des Barreaux de l’UEMOA) , je trouve que ce n’est pas bon pour même les autres qui viennent, parce que s’il y a le centre, contrairement ce à ce que les gens pensent, s’il y a une école qui est ouverte, il faut bien qu’il Y ait des élèves ! Donc en réalité ce centre, c’est pour obliger, y compris même les avocats, y compris même les bâtonniers qui vont venir, à recruter. C’est un projet qui ne nous concerne pas, qui concerne l’avenir. Donc ces autorités nous ont dit, il faut faire ce recrutement. Nous avons expliqué au chef de l’Etat qui nous a compris et qui nous a dit qu’il faut recruter.
Il faut recruter pour le besoin de Justice, pour même la lutte contre le chômage également. Hier le Premier ministre nous a reçus, malgré un agenda chargé (c’était le Conseil des ministres) Il nous a dit : « Nous vous assurons toute la sécurité, il faut faire cet examen ». Dès lors que moi, j’ai ces engagements, le barreau est indépendant, c’est le barreau qui organise. Donc je vais réunir le Conseil de l’Ordre immédiatement, rapporter la décision et convoquer la tenue de cet examen. C’est la bonne nouvelle que vous pouvez annoncer à tout le monde. Les étudiants, je sais, je les comprends et ils étaient excédés par cette annulation mais le recours a été fait, et c’est ça qui nous choque, par deux qui étaient candidats et qui ne le sont plus.
Il y a 291 candidats et il y a deux qui disent qu’on ne veut pas le recours et ce n’est même pas pour des questions de frais. Mais pour dire que la formation est devenue trop longue, au lieu de deux ans c’est devenu trois ans. Mais eux, ils pensent que le monde s’arrête ! Vous voyez en quoi l’avocat est sollicité partout pour tout, mais il faut qu’on forme et dans le centre, ils seront mieux formés que nous, je le dis. Ils auront toutes les expertises et l’expérience des grands avocats qui sont des auteurs, qui sont des grands doctrinaires qui sont là et qui veulent nous accompagner. Et quand on me dit : « Quand on fait ça, à la sortie on peut échouer ». C’est ce que j’ai dit au Premier ministre, un jeune qui réfléchit ainsi, moi je ne veux pas qu’il devienne avocat. Quand on rentre dans un centre on sort avocat sauf pour des questions de discipline.
Propos recueillis par Saphnapanéa Roger PAULDROIT